Quand un Notam est publié durant votre vol…
C’est l’histoire d’un Notam comme il en sort assez régulièrement – hélas. Le 14 avril dernier,
un pilote volant en région parisienne a prévu de faire un vol dans la matinée avec un premier touché-décollé sur un autre aérodrome parisien que le sien puis un atterrissage à Chartres avec deux passagers à bord dont son fils. La consultation de Sofia-Briefing se fait au domicile, le dossier de vol étant enregistré à 6h53 UTC – aeroVFR en a eu copie. Pour Chartres-Métropole, les seuls Notam concernent alors la fermeture du parking en herbe et la présence de grues à proximité de l’aérodrome.
Arrivé peu après à son aérodrome d’attache, le pilote prépare la machine, effectue sa visite prévol, la mise en route et le roulage vers le point d’attente. Décollage et destination Chartres après un touché-décollé sur un premier aérodrome. Contact radio et intégration dans le tour de piste à Chartres pour un atterrissage quand un pilote, sans doute local, l’avertit sur la fréquence qu’il y a un Notam annonçant des travaux et que l’aérodrome est réservé aux aéronefs basés.
Le pilote venant de l’extérieur est surpris car il a bien consulté les Notam avant son décollage. Il demande alors à son fils de consulter Sofia-Briefing sur son portable pour découvrir la publication dudit Notam actif à partir de 7h00 UTC soit 7 mn après la consultation du pilote lors de sa préparation du vol vers Chartres. Le Notam est ainsi trouvé durant le vol et une remise de gaz est donc effectuée en finale…
En d’autres mots, le pilote a correctement préparé son vol, a consulté les Notam mais un Notam interdisant l’atterrissage des aéronefs non-basés a été mis en ligne… après sa consultation le jour même, pouvant ainsi le mettre en infraction alors qu’il a correctement mené sa prépavol. Cherchez l’erreur !
Questions à se poser… Faut-il désormais consulter les Notam lors de la préparation du vol
chez soi, puis à nouveau avant la visite prévol de l’aéronef, puis encore avant la mise en route, voire après la mise en route ou lors du point d’attente avant de s’aligner mais surtout à nouveau en croisière et avant l’intégration dans le tour de piste à l’arrivée ? Après tout cela,
il sera bien difficile dans le même temps de demander aux pilotes de regarder dehors pour assurer l’anti-abordage surtout à proximité d’un aérodrome où le trafic peut être concentré.
Si un terrain à l’unique piste devient soudainement indisponible car – exemple – le pilote d’un avion s’y est posé en oubliant de sortir le train, le Notam ne sortira pas dans l’instant, mais le visuel et la radio permettront à tout un chacun de comprendre que l’aérodrome n’est plus accessible, même si le Notam est publié quelques heures plus tard. Situation d’urgence imprévue. Par contre, s’il s’agit d’une fermeture pour travaux, ceux-ci sont programmés bien
à l’avance et la publication à la dernière minute, le jour même de la fermeture n’est tout simplement pas acceptable dans un système d’information aéronautique qui prétend être
une « référence ». On peut parler de risque systémique, à une époque où il est question de FH, de TEM et de conscience de la situation…
Et si le gestionnaire d’une plate-forme n’est pas capable d’anticiper la publication d’un tel Notam pour cause de travaux suffisamment prévus à l’avance, cela pose problème sur sa conscience des conséquences que ses propres lacunes peuvent entraîner, et donc sa capacité à gérer des Notam.
Ce genre de problème récurrent constitue une véritable menace et l’on est jamais sûr, tout
en ayant consulté des kilomètres de Notam, de ne pas être passé à côté d’une information importante qui peut être publiée, de plus, durant son vol. D’où le malaise engendré par ces lacunes systémiques de l’information aéronautique que personne ne pointe du doigt.
Ce sont les lacunes d’un système d’information inadapté, voire pathologique (voir le graphique ci-dessous), avec un processus peu réactif pour s’améliorer à une époque où il est question d’avoir une culture de la sécurité proactive, voire génératrice, pour améliorer la sécurité des vols ! Ainsi, certains Notam sont publiés à l’arrache. D’autres ne sont pas annulés le lendemain de leur fin d’expiration !
Cela fait des années, pour ne pas parler en décennies, qu’un groupe de travail international oeuvre à améliorer le système de diffusion des Notam. Pour l’heure, rien de fondamental n’a été annoncé, notamment pour limiter ou hiérarchiser la profusion de Notam. Une première action capitale, qui devrait être prise avant tout, serait d’indiquer pour chaque Notam la date
et surtout l’heure de publication de ce dernier. Cela pourrait au moins éviter de subir des publications faites en catimini sachant que sans date, il est trop facile au « système » d’impliquer ensuite le « lampiste de service » qui aura – évidemment – mal préparé son vol. Mais ces derniers temps, rien que pour la région parisienne, les exemples sont trop nombreux pour que l’arbre cache la forêt, de Nangis à Étampes notamment.
Pendant ce temps-là, le Programme de sécurité de l’État (PSE), dans sa déclinaison aérienne, sur la période 2024-2028 s’intitule Horizon 2028 (Plan national pour la sécurité aérienne et Outil de gestion des risques) et sur ces 5 années, il a pour objectif de « définir des axes d’amélioration de la sécurité ». Parmi ces axes figure « l’amélioration de l’information aéronautique » – si, si… – en précisant que « dans un contexte de réorganisation du service d’information de vol par la DSNA, l’autorité de surveillance s’assurera de la fourniture continue du service d’information de vol dans les espaces aériens où celui-ci est dû ».
Au chapitre « Documentation et information aéronautique », le programme indique que
« l’abondance croissante de l’information aéronautique, notamment liée à la complexité de l’espace aérien, son format et sa présentation parfois non ergonomique aux usagers, sont autant de facteurs pouvant contribuer à la survenue d’évènements de sécurité. Ce constat avait déjà été établi en 2013, ce qui avait conduit la DSAC à tenir son symposium annuel sur
ce thème et mis en oeuvre une première série d’actions. La multiplicité des acteurs impliqués dans l’élaboration de l’information aéronautique et dans sa présentation aux usagers en fait
un sujet particulièrement complexe ».
La DGAC s’est fixé « dans un premier temps l’objectif de réaliser un état des lieux des difficultés existantes et proposer des axes d’amélioration. À cette fin elle mettra en place un groupe de travail (GT) rassemblant les principaux acteurs aéronautiques, des prestataires de service d’information aéronautique aux utilisateurs finaux, en passant par les intégrateurs commerciaux. Ce GT abordera également les aspects d’inflation documentaire, dépassant ainsi le strict cadre de l’information aéronautique. Parallèlement à cette initiative, la DGAC prendra des actions visant à fournir aux usagers des cartes électroniques dynamiques,
c’est-à-dire actualisées avec l’information temporaire actuellement diffusée par Notam ou SUP-AIP ».
Bref, le problème est connu depuis au moins 2013 (date artifice pour simplifier le débat…), le PSE 2024-2028 le confirme une nouvelle fois… 11 ans plus tard mais pour l’heure, tout cela reste au niveau du bla-bla et des effets de manche. Il est en effet plus simple de rabâcher aux pilotes qu’ils doivent bien préparer leurs vols. Et s’ils ne trouvent pas un Notam, c’est qu’ils ont mal cherché ! En 2025, on en est encore bien là… ♦♦♦