Ou la journée type d’un pilote remorqueur
Si un planeur peut parcourir plusieurs centaines de kilomètres en totale autonomie, le temps d’un après-midi, il lui faut auparavant se mettre en l’air. Plusieurs modes de lancement existent. Par le passé, de nombreux moyens ont été utilisés, du décollage à pied au décollage derrière voiture, canot automobile, tiré par un cheval, catapulté au sandow, largué d’un dirigeable…
De nos jours, les principaux modes de lancement sont les suivants :
– lancement au treuil, thermique ou électrique, permettant en une quarantaine de secondes de passer d’une vitesse zéro au sol à environ 400 m/sol selon la longueur du câble, la masse du planeur et la force du vent.
– décollage en autonome, avec un moteur rétractable dans le dos du fuselage, tout en notant la montée en puissance ces dernières années de motorisations électriques, implantées dans le nez avec des pales d’hélice se repliant le long du fuselage une fois le moteur arrêté. Désormais, pour éviter la vache, la dernière génération de planeurs embarque ainsi une motorisation d’appoint (moteur thermique, électrique voire sous la forme d’un petit réacteur…) pour prolonger le vol.
– l’aéro-tractage, soit le remorquage derrière un aéronef de type avion certifié ou ULM 3-axes. Dans ce domaine, les machines principalement utilisées sont les Rallye MS-893 et DR-400R, parmi lesquels viennent se glisser des DR-380, Midour ou Piper PA-25 Pawnee, flotte complétée d’ULM allant du Tétras au WT9 Vampire ne passant par le Sensation ou le C-42.
Devenir pilote remorqueur
Avec le « turn-over » des pilotes dans les clubs, la nécessité d’avoir un « pool » de pilotes remorqueurs durant la pleine saison, les clubs vélivoles recherchent régulièrement des remorqueurs, une occasion d’accumuler des heures de vol tout en notant que si c’est pour viser une carrière professionnelle ensuite, il est préférable de diversifier ses heures de vol (maniabilité, voyages et navigation) et ne pas faire que du remorquage…
Côté prérequis, les candidats à une autorisation de remorquage de planeurs devront avoir accompli – après la délivrance de la licence – au moins 30 heures de vol en tant que commandant de bord et 60 décollages et atterrissages sur des avions (SEP) si l’activité doit être effectuée sur des avions, ou sur des TMG si l’activité doit être effectuée sur des TMG.
Pour l’ULM, il faudra être titulaire de la licence d’ULM et l’instructeur devra être qualifié ULM
3-axes, instructeur 3-axes et… instructeur vélivole soit FI(S).
Comme toute formation aéronautique, devenir pilote remorqueur consiste à suivre une
partie théorique afin d’acquérir les connaissances nécessaires aux opérations et aux procédures de remorquage de planeurs, pouvant être spécifiques au sein d’un club en fonction de l’environnement (plaine, montagne…), du type d’appareil, etc.
Cette formation théorique est suivie d’une formation pratique avec un instructeur, donc un FI(A) qualifié remorquage et habilité à délivrer cette formation pour la formation sur monomoteur SEP (CS-23, CNRA ou LSA). Pour la théorie, le « Guide du pilote remorqueur » édité par la FFVP est incontournable. Il est consultable gratuitement via ce lien.
Pour la pratique, il faudra enregistrer au moins au moins 10 vols d’instruction au remorquage d’un planeur, incluant au moins 5 vols d’instruction en double commande. Ceci est un minimum… Il faudra en effet balayer différentes situations, utiliser des QFU différents en fonction du vent et avoir des planeurs à remorquer en fonction des conditions aérologiques mais aussi voir la problématique d’un convoyage air quand il faut aller rechercher un planeur posé sur un autre aérodrome, pouvant décoller aile basse faute d’un aide en bout d’aile pour tenir les ailes horizontales du planeur lors des premiers mètres de roulage.
Il faudra aussi pratiquer une montée, suivie d’un palier puis d’une descente avec le planeur toujours remorqué. Cette situation peut intervenir lors d’un convoyage air si une couverture nuageuse ou des contraintes d’espace aérien imposent une descente. C’est une situation à bien gérer car un planeur étant beaucoup plus fin qu’un aéronef, l’attelage mis en descente,
le planeur ne peut que rattraper le remorqueur et voir le câble se détendre. La procédure consiste donc pour le vélivole à sortir les aéro-freins à 100% et à se mettre très largement
sous le plan du remorqueur, en ayant traversé son souffle hélicoïdal. Tout ceci nécessite une formation des deux côtés du câble et une procédure menée calmement, avec anticipation
et l’usage de la radio.
À noter que si le candidat ne dispose pas de la licence de pilote de planeur (SPL pour Sailplane Pilot Licence), il lui faudra de plus réaliser 5 vols de familiarisation dans… un planeur remorqué par un aéronef pour connaître la réalité à l’autre bout de la « ficelle », afin d’avoir en tête les deux situations. C’est là que les vélivoles préfèrent nettement être remorqués par un pilote lui-même vélivole pour savoir « déposer » un planeur au bon endroit, avec une « culture vélivole » pour trouver l’emplacement des ascendances en fonction de la forme des cumulus, des effets du vent sur la pente de l’ascendance… pour éviter de se faire traiter de « pousse-manettes » !
Une fois qualifié remorquage, l’aptitude au remorquage se conserve en ayant enregistré au moins 5 remorquages au cours des derniers 24 mois. Si un remorqueur ne satisfait plus à ces exigences, avant de reprendre le remorquage, il devra effectuer les remorquages manquants en présence d’un instructeur ou sous sa supervision.
La journée type
Si le remorquage est une activité menée à titre bénévole, cela exige de se mettre au service du vol à voile, et donc d’être présent au terrain tôt sans certitude toujours sur les conditions
du jour et le nombre de planeurs à remorquer, en fonction du nombre de pilotes circuiteurs souhaitant décoller pour de longs vols mais aussi fonction de l’école qui exigera plusieurs vols par planeur dans la journée selon le nombre d’élèves à faire voler. Visite prévol effectuée, câble inspecté, briefing vélivole suivi, il faudra ensuite attendre la décision de décoller.
L’activité peut connaître ainsi des variations de rythme avec un « coup de bourre » en début d’après-midi puis des coupures selon l’activité les heures suivantes. C’est l’anti-chambre du travail aérien, avec le risque de la routine auquel il ne faut pas succomber. La sécurité est le maître mot, sachant que le pilote remorqueur est le commandant de bord de l’attelage. Il lui faudra donc s’aligner devant le planeur à remorquer après avoir vérifié que ce dernier est apte à voler, sans trolley laissé à l’arrière du planeur pour déplacer ce dernier au sol, en notant le niveau du vélivole (jeune lâché ou instructeur à bord…).
Il faudra tendre ensuite le câble en surveillant sa tension dans le rétroviseur, l’outil principal du remorqueur. Une fois câble tendu, actions vitales effectuées via le CRIS permettant de ne rien oublier, et le planeur ayant les ailes placées à l’horizontale, il sera temps de mettre souplement les gaz et commencer la course au décollage. Cette phase est critique en cas de perte de contrôle du planeur en latéral. Il faut donc être prêt à larguer si besoin.
Une fois en vol, il faudra orienter la trajectoire en fonction des autres trafics, en allant chercher les secteurs propices aux ascendances, la situation ayant été analysée avant le décollage, tout en prenant en compte le vent pour ne pas larguer un planeur sous le vent du terrain et ainsi limiter sa zone de prospection. En montée, le paramètre à tenir est une vitesse stable. Il faut surveiller l’espace autour de soi avec souvent des angles morts dus à la structure de l’aéronef remorqueur, même si tous les planeurs et remorqueurs sont équipés d’un Flarm servant d’alerte et limitant les risques d’abordage.
Une secousse dans le dos… Vérification au rétroviseur que le planeur a bien largué, s’éloignant visuellement et ayant déjà incliné pour prendre l’ascendance, il est temps de redescendre pour aller chercher le suivant. Si l’appareil bénéficie d’un enrouleur de câble, une impulsion sur l’interrupteur et il va s’enrouler automatiquement sur son tambour durant la descente. Si le câble est accroché à l’arrière, il faudra bien prendre en compte sa présence derrière l’appareil, plus bas que ce dernier. Ce sera aussi le cas lors des évolutions au sol pour ne pas « ramasser » quelque chose ou quelqu’un au passage…
En descente, avec une trajectoire tendue vers le début de vent arrière, il faudra respecter régime moteur (pour ne pas faire souffrir les cyclindres) et vitesse, avant d’effectuer un circuit relativement court. Une fois revenu en tête de file des planeurs, il faudra noter à nouveau sur sa planchette l’immatriculation du planeur, l’horaire, le type de remorquage (standard, demi, double, voltige…) pour suivre la chronologie des vols, sans oublier un bilan carburant avant de reconfigurer l’appareil en suivant le CRIS.
Pour aller plus loin, il faudrait évoquer l’usage de la radio et les signes conventionnels si la VHF tombe en panne, mais aussi l’impossibilité de largage du planeur ou les menaces potentielles allant du « cartwheel » aux « positions hautes ». Plusieurs vidéos pédagogiques traitent de ce sujet en complément de celles d’un webinaire portant sur la sécurité en remorquage, toutes accessibles sur la chaîne YouTube Spirale.
Il y est également question du convoyage air, les « vacances » du pilote remorqueur, lui permettant d’abandonner les yo-yo verticaux des remorquages standard pour aller chercher un planeur vaché sur un autre aérodrome. Au programme, préparation du vol avec navigation, Notam, SUP-AIP, RTBA, bilan carburant et heure du coucher de soleil car ces convoyages interviennent souvent en fin d’après-midi et l’organisation peut prendre du temps.
Une fois le remorqueur revenu à son terrain de départ, il faudra faire les pleins pour anticiper la journée du lendemain, laver l’appareil, le rentrer dans son hangar, refermer les portes, assurer la partie administrative (planche de vol, carnet de route, clôturer si besoin avec le SIV local, etc.). Les journées d’un pilote remorqueur peuvent parfois être très longues… ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com
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– La journée type d’un pilote largueur