Le deuxième tome de cette trilogie consacrée aux Avions Marcel Bloch.
La sortie du premier tome de cette trilogie concernant les avions Bloch d’avant-guerre a fait l’objet d’une présentation sur aeroVFR. La récente diffusion du second tome imposait de revenir sur le sujet. Sans surprise, c’est du même niveau que le premier tome. Ce deuxième tome s’intéresse aux avions militaires et civils de la fin des années 1930. La période est cruciale car la France accuse un retard en matériel militaire, notamment pour l’armée de l’Air.
Les multiples constructeurs dispersent les efforts et les budgets d’où la nationalisation décidée en 1936 pour rationaliser et accélérer la production.
C’est ainsi la mise en place des Sociétés nationales de constructions aéronautiques (Sud-Ouest, Sud-Est, Nord, Centre, Midi, Ouest) qui regroupent les installations des multiples constructeurs tels Breguet, Potez, Lioré et Olivier, Blériot, Farman, Romano, Dewoitine, Hanriot… Si les sociétés nationales sont gérées par un unique président associé à un administrateur, la direction de chacune est laissée dans les mains des constructeurs majeurs, soit Marcel Bloch pour la SNCASO. C’est la période également du Front populaire, des congés payés (Marcel Bloch en rajoute une semaine pour ses employés afin d’avoir de « l’avance » sur la concurrence), de la réduction du temps de travail à 40 heures par semaine mais aussi des grèves dans les usines et des changements à répétition de ministre de l’Air.
Les bombardiers « modernes »
Le bombardier Bloch emblématique de la période reste le 210. Le prototype récupère l’aile du MB-200 mais en position basse, pour limiter la hauteur du train d’atterrissage ou des flotteurs. Le prototype dispose d’un train fixe qui, bien pantalonné, permet de croiser plus vite qu’un appareil équipé d’un train rentrant… Néanmoins, après diverses évolutions, le modèle 210 « Verdun » (tout un programme…) va connaître la série. C’est alors le summum de la modernité pour l’industrie française : construction métallique, aile basse, cockpit intégré, train rentrant, hélices à pas variable, pilote automatique !
Mais ce constat cache la réalité. Si l’appareil est plus rapide que le MB-130 ou le désuet
Léo 20, biplan à cockpit ouvert croisant à 160 km/h, si le 210 peut transporter 2 tonnes de bombes à 2.000 km à plus de 275 km/h, il est déjà dépassé avec sa construction type « caisse à savon » et ses multiples raidisseurs extérieurs pour renforcer les tôles de revêtement, et surtout une aérodynamique dégradée par des tourelles escamotables ou non, faisant de l’appareil une « forteresse à la Vauban », selon les termes du pilote d’essais de l’époque, Jacques Lecarme. De plus, le temps de construction dépasse les 22.000 heures !
Il y a ainsi un premier décalage avec la future « concurrence » en 1940, comme le Heinkel
He-111 au cockpit intégré dans la silhouette du fuselage, ou le Dornier Do-17. Mais c’est aussi une production lente car Marcel Bloch n’a pas l’outil industriel pour produire les 270 appareils qui verront le jour, dont certains livrés à la Roumanie et à l’Espagne. La production sera donc répartie à Courbevoie et dans sept usines ou ateliers de remontage (Nantes, Bourges, Bordeaux, Guyancourt, Les Mureaux, Berre, Villacoublay !) , imposant des transports par la route et parfois le stockage durant des mois d’appareils faute d’avoir reçu des accessoires comme les hélices à pas variable…
Les débuts opérationnels sont ternis en 1937 par des accidents en série liés aux moteurs Gnome et Rhône et non à la cellule, comme l’établit l’enquête technique, mais cela donne naissance à une campagne dans la presse d’extrême droite avec la légende des « cercueils volants », en une période où l’antisémitisme connaît un regain dans le pays… Le 210 sera interdit de vol plusieurs mois. D’autres accidents surviendront par la suite laissant des doutes sur la motorisation et le circuit carburant.
Les avions civils de nouvelle génération
Avec de multiples projets sur la table à dessin, le bureau d’études développe au milieu des années 1930 un trimoteur (MB-300 Pacifique) destiné à la jeune compagnie Air France qui recherche des « 30 places » pour son réseau. Développé sous la direction de Henri Deplante, l’appareil innove par sa taille, sa cabine large (4 sièges avec couloir central) et haute (on peut circuler debout), son mode de construction faisant appel à un sandwich métal-balsa-métal.
La mise au point est longue, les modifications s’accumulent, la masse augmente et au final, pour raison de centrage et de masse maximale, la capacité tombe de 30 à 24 puis 20 ou 18 passagers. Alors que l’appareil est sur le point d’entrer en ligne, la compagnie abandonne le projet, devenu non rentable.
Mais Marcel Bloch est déjà parti auparavant sur un projet personnel, souhaitant développer un bimoteur et non pas un trimoteur imposé par la compagnie faute de moteurs français suffisamment puissants. En faisant du mécano avec des cellules militaires déjà existantes mais « épurées », en retenant moteurs, voilures, hélices de tel ou tel modèle… ce sera le MB-220 ou le DC-2 « à la française », qui ne parviendra pas à rivaliser avec le successeur américain du DC-2, le fameux DC-3. Mais Air France s’y intéresse malgré une capacité de 14 à 16 sièges ! L’architecture est moderne avec aile basse cantilever, train rentrant, pas variable et la croisière tourne autour de 300 km/h. 17 appareils seront produits, prototype compris, pour ce « Pulmann européen ». Une dizaine sera réquisitionnée au début de la guerre car l’armée de l’Air découvre subitement qu’elle n’a aucun transport de troupes…
Les bimoteurs de combat
En 1938, s’ajoutent aux multiples projets la réponse à un programme de l’armée de l’Air pour un bimoteur mais la mission visée est mal définie, passant de la reconnaissance au bombardement ou au commandement de la chasse, avec une capacité qui oscille entre 2 et 3 membres d’équipage. Les concurrents sont les Potez 63-11 et Breguet 693. Les premiers Bloch 170 ne brillent pas pour leurs qualités de vol. Après les 171, 172 et 173, il faudra attendre le 174 pour connaître la production avec une cinquantaine d’exemplaires dont l’un sera utilisé par Saint-Exupéry pour sa « mission sur Arras » à l’été 1940, qui donnera naissance au livre
« Pilote de guerre ».
C’est là que s’arrête ce deuxième tome, toujours aussi épais, avec 528 pages, une iconographie abondante et souvent inédite (1.000 photos…), 33 profils en couleurs et une poignée d’écorchés et de plans 3 ou 5-vues, une liste de production détaillée pour chaque appareil… L’effort des Avions Bloch va aussi porter sur les chasseurs de la série MB-150/152/157. Ce sera le coeur du troisième et dernier tome à venir. Reste plus qu’à l’attendre.
Il est programmé pour septembre prochain… ♦♦♦
Photos © collection Ph. Ricco
– Les avions Bloch, tome 2, par Philippe Ricco. Éditions Lela Presse. 528 p. 79,00 €