Perte de contrôle en montée initiale après arrêt du moteur
Un récent rapport du BEA évoque l’arrêt moteur en montée initiale pour l’équipage d’un ULM Viper SD-4 en juin 2023. Le pilote, accompagné d’un passager, a fait escale et l’ULM repart pour la seconde branche d’une navigation. Des témoins rapportent qu’en montée initiale, à une hauteur comprise entre 150 et 200 ft, un arrêt moteur survient. L’appareil s’oriente légèrement vers la droite puis vire à gauche, avant de décrocher, suivi de la collision avec le sol sous forte assiette piquée. Pilote et passager décédés, ULM détruit.
Issues des témoignages recueillis, le BEA a pu enregistrer diverses informations. Un témoin, mécanicien et pilote, a vu l’ULM effectuer « la mise en route et les essais moteur qu’il a perçus comme nominaux. Il se souvient que l’ULM a stationné environ 30 à 40 secondes au seuil de piste ». Il précise que l’appareil a décroché puis est parti en vrille. D’autres témoins situés à l’autre extrémité de la piste ont entendu l’arrêt moteur suivi d’une « tentative de redémarrage ».
Malgré l’incendie consécutif à l’impact, il est avéré que « les commandes de vol étaient continues sur les parties examinables », c’est-à-dire hors partie avant de la machine.
« Le sélecteur de carburant a été retrouvé en position Fermé (Off). Il est mécaniquement fonctionnel et il est improbable que l’impact ait pu modifier sa position ». En effet, le sélecteur du Viper SD-4 permet quatre positions, sur chaque réservoir (droite et gauche), sur Both et Fermé. Mais pour cette dernière position, une sécurité doit être activée imposant deux actions pour fermer le circuit. Les résultats d’un prélèvement de carburant n’ont pas montré de trace de pollution. L’appareil avait suffisamment de carburant à bord, le pilote ayant fait les pleins au départ de la première branche de navigation.
Le BEA note que le manuel de vol du SD-4, en cas de panne moteur après décollage, indique dans la procédure de couper les magnétos et le circuit carburant avant de sortir les volets à convenance puis d’effectuer un atterrissage forcé. Par ailleurs « la fermeture de l’alimentation en carburant du moteur provoque son arrêt après la consommation de la quantité de carburant résiduelle contenue dans le circuit carburant en aval des réservoirs. Cette quantité résiduelle n’est pas connue. À l’issue de l’accident, l’instructeur de l’école a effectué au sol un essai de coupure carburant en plaçant le sélecteur sur Off sur un Viper SD-4. Le sélecteur sur Off, le moteur tournant à 3.200 tr/mn a fonctionné environ 2 à 3 minutes avant son arrêt.
Le manuel de vol recommande pour le décollage une puissance de 5.300 tr/mn et de 5.100 tr/mn pour la phase de montée. L’instructeur précise que l’ULM n’est pas équipé de voyant d’alarme en cas de mise en route avec le sélecteur de carburant sur Off ».
En conclusion, le BEA mentionne qu’après la panne moteur, le pilote a « effectué une manoeuvre probablement en vue de revenir atterrir sur la piste. Au cours du virage, l’ULM a décroché puis est entré en collision avec le sol. Le sélecteur de carburant a été retrouvé
sur la position Off. Cette position ne semble pas cohérente avec la décision de revenir sur l’aérodrome, et de plus les instructeurs de l’école n’enseignent pas de couper le carburant en cas de panne moteur en montée initiale. Il semble donc peu probable que le pilote ait modifié la sélection carburant pendant la gestion de l’arrêt moteur ».
En conséquence, le BEA précise que « le pilote a probablement mis le sélecteur sur la position Off à l’issue du vol précédent puis oublié d’ouvrir le carburant lors des actions avant vol. En l’absence d’alarme, le pilote a probablement décollé avec l’arrivée de carburant fermée et le moteur s’est arrêté après la consommation de la quantité de carburant résiduelle contenue dans le circuit ».
Comme pour d’autres accidents parfois, il n’y a donc aucune certitude absolue mais un faisceau d’indices pousse le BEA à émettre la cause la plus probable. Elle est étayée par des témoignages, dont celui mentionnant un arrêt de 30 à 40 secondes au point fixe avant alignement. Sur de nombreuses machines, essence coupée, il y a suffisamment de carburant dans les canalisations pour autoriser le démarrage du moteur, permettre un roulage et un décollage si la distance à parcourir jusqu’au seuil de piste est courte et la procédure avant décollage (essais moteur, actions vitales) est menée très (trop) rapidement. Alors, la panne moteur intervient lors de la course au décollage ou, pire, en montée initiale.
Aucun manuel de vol ne mentionnant le temps de fonctionnement d’un moteur dont le circuit Carburant est fermé, c’est une bonne conclusion à tirer de ce rapport et donc de faire l’essai au sol, avec un régime de ralenti puis un régime de roulage, sans aller jusqu’à la pleine puissance nécessaire au décollage. Ce sera déjà une première information utile à noter.
Un autre point à tirer de ce rapport est de se conforter toujours aux procédures acquises sans en déroger et en évitant le syndrome de la précipitation. La lecture méthodique d’une check-list, avec rigueur et vigilance pour ne pas oublier une ligne, demeure la meilleure pratique dans ce domaine. La check-list Achever était à bord du SD-4 et « chaque pilote est formé pour s’y référer avant chaque décollage » précise l’instructeur de l’école. Le pilote était connu pour être « très appliqué lors des préparations au vol » et avait connu « une progression linéaire durant toute la formation ». Son expérience totale restait cependant faible (28h00 toutes sur le type dont 1h50 dans les 30 derniers jours) et un moment d’inattention aux essais avant décollage peut être fatidique. Il était par ailleurs « à l’aise dans la restitution des exercices
de panne moteur après décollage ».
On mentionnera que des entraînements à la panne moteur permettent de garder des réflexes, d’appliquer des procédures à mettre en place mais qu’un exercice ne sera jamais similaire à une panne réelle, émotionnellement parlant. Le manuel du SD-4 reste « particulier » avec les consignes de couper les magnétos et de fermer l’essence avant de suivre la procédure d’atterrissage forcé. Certes, c’est pour éviter un risque d’incendie à l’impact mais il faut se rappeler la principale et première consigne à appliquer en cas de panne moteur : continuer
à piloter l’appareil pour éviter la perte de contrôle.
Par ailleurs, avec une panne moteur survenant entre 150 et 200 ft/sol, comme mentionnée par un témoin pilote au sol, il n’y a aucune action à faire d’autre que de rendre la main pour faire voler l’appareil et de viser une surface acceptable dans l’axe, ou tout au plus à 30° de ce dernier pour éviter un obstacle ou « épauler » le vent. On sait que si un moteur s’arrête brutalement, la cause est un manque de carburant. Avec un peu plus de hauteur, l’action à faire après avoir continué à faire voler l’appareil serait de changer de réservoir (ou d’ouvrir le circuit carburant dans le cas mentionné…).
Même à des hauteurs bien supérieures à 200 ft/sol, partir en virage alors que la vitesse est faible, est une prise de risques certaine, avec une forte probabilité de perte de contrôle. Les statistiques sont là pour démontrer qu’il y a moins de dommages corporels avec un atterrissage tout droit que lors des tentatives de retour au terrain. C’était bien la procédure enseignée par l’école. En 2021, « le BEA a publié une étude sur la diminution de la puissance du moteur au décollage. Il y est rappelé que les accidents mortels survenus dans ce contexte sont tous consécutifs à une perte de contrôle en vol et une grande partie des pertes de contrôle sont survenues lors d’une altération de cap significative, voire d’un demi-tour ».
Les rapports du BEA servent à tirer les leçons d’événements tragiques. ♦♦♦
Photo © via BEA
Rapport du BEA en téléchargement avec ce lien :
PanneMoteurSD4
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