L’accidentologie de l’ULM en 2024 et sept thématiques mises en avant par le BEA.
Depuis 2021, en début d’année, le BEA dresse un bilan thématique de l’accidentologie de l’année passée par type d’aéronefs : hélicoptères, avions légers, planeurs, ballons et ULM. En 2024, le BEA a publié 22 rapports relatifs à des accidents mortels d’ULM survenus entre 2021 et 2023 et dont la répartition par classe est la suivante :
– 3 événements concernant les paramoteurs,
– 3 événements concernant les pendulaires,
– 9 événements concernant les multiaxes,
– 5 événements concernant les autogires,
– 2 événements concernant les hélicoptères ultralégers
Ces accidents ont entraîné le décès de 23 personnes. De plus, 8 personnes ont été blessées, dont deux grièvement. Six thèmes, dont certains déjà évoqués les années précédentes, ressortent de ce bilan.
1) Objectif destination, pression induite par l’emport de passager ou le contexte du vol : « Une forte volonté d’arriver à destination peut biaiser l’évaluation des risques au départ et rendre difficile la décision du déroutement ou du demi-tour d’autant plus que la destination approche. Il semble essentiel de privilégier la sécurité du vol sur l’atteinte de l’objectif : le déroutement ou l’interruption volontaire du vol doivent être envisagés comme des solutions qui permettent généralement de trouver une issue positive. Toutefois, chaque pilote doit être conscient des difficultés qu’il peut y avoir à envisager de telles alternatives quand la situation est dégradée : le stress, la fatigue, la présence de passager ou encore les préoccupations du pilote peuvent affecter sa capacité de discernement et la précision de ses actions ».
Les rapports associés à ce type d’accident évoquent notamment la poursuite d’un vol de nuit avec trois tentatives d’approche achevées par une panne moteur faute de carburant, la poursuite d’un vol par conditions météorologiques défavorables amenant à une perte de contrôle par perte des références visuelles et rupture de l’appareil en vol, une perte de contrôle en milieu montagneux sans matérialisation de l’horizon naturel en montée face au relief, l’effet induit par le vol en groupe pouvant influencer la prise de décision…
2) Aspects médicaux : « Du point de vue médical, les pilotes d’ULM bénéficient d’un cadre règlementaire peu contraignant et comparable à celui des activités sportives couramment pratiquées. Toutefois, comme tout pilote, ils s’exposent aux contraintes inhérentes à la pratique d’une activité aérienne (accélérations, hypoxie…). En l’absence de questionnement sur la compatibilité de son état de santé avec la pratique aéronautique, un pilote peut ne pas avoir conscience que la sécurité du vol est engagée et qu’il s’expose, ainsi que son passager, à un risque important ».
Dans 5 rapports publiés en 2024, l’aptitude au vol du pilote est questionnée. Présentant une pathologie cardio-vasculaire majeure – une situation pouvant entraîner une dégradation des performances du pilote en situation de stress – un pilote, âgé de 74 ans, « présentait des lésions artérielles diffuses, notamment au niveau des coronaires, qui avaient fait l’objet de pontages. Il était sujet à un risque de décès à tout moment et avait volé avec un passager peu de temps avant l’accident ». Le BEA précis qu’il « est important en cas de doute de consulter son médecin traitant, qui assure le suivi médical régulier du pilote. Par ailleurs, un médecin fédéral se tient à la disposition des adhérents de la FFPLUM pour examiner avec eux les aspects de leur condition médicale relatifs à la pratique de l’ULM ».
Sur les 22 rapports publiés, 9 accidents mortels ont impliqué des pilotes âgés de plus de 70 ans, dont 4 instructeurs. « Au-delà des pathologies, l’âge de plusieurs pilotes a amené le BEA à se questionner sur le vieillissement des pilotes qui conduit à la dégradation inexorable de certaines de leurs capacités. La vision, l’audition, la proprioception, la dextérité vont progressivement diminuer de manière propre à chaque individu. Le corps va développer des mécanismes de compensation pour pallier ces déficiences, de plus l’expérience aéronautique acquise est aussi de nature à les compenser partiellement. Ainsi, le sujet vieillissant peut rester longtemps « dupe » de la réalité de cette dégradation et ne pas avoir conscience de la limite de ces mécanismes de compensation temporaire ».
3) Cas particulier du vol commercial : « En 2024, 2 rapports concernant des prestations commerciales au bénéfice de passagers ont été publiés. Cette activité se caractérise par l’exposition de tiers aux risques inhérents à l’aviation légère non certifiée ainsi que par une charge de travail accrue pour le pilote. De plus lors de vols de baptême, les pilotes peuvent avoir le désir de faire vivre aux passagers une expérience de vol mémorable. Cela peut conduire à la réalisation de manoeuvres non nécessaires à la conduite du vol qui expose au risque de sortir des limites du domaine de vol de l’aéronef ».
Dans un cas, « le pilote a été victime d’une incapacité médicale diminuant fortement son aptitude et a perdu le contrôle de son ULM. Quelques jours avant l’accident, le pilote avait ressenti une douleur à la poitrine et au bras gauche, qu’il n’arrivait plus à fermer. Les jours suivants, la douleur s’est estompée et le jour de l’accident, il a estimé que son état lui permettrait de voler et d’emmener des passagers, notamment lors de prestation commerciale ».
4) Prise de risques et manoeuvres non nécessaires à la conduite du vol : Cette thématique est régulièrement abordée par le BEA, notamment dans le bilan ULM 2023 qui fait référence au rapport sur la sécurité aérienne publié par la DGAC en 2018. Ce rapport mentionne certains facteurs contributifs à la prise de risque, comme la recherche d’une forme de démonstration vis-à-vis de tiers au sol, voire du passager, ou encore la recherche de sensations ». Ainsi, « voler à faible hauteur laisse peu de possibilités de rattraper une situation accidentelle, quels que soient le niveau d’expérience et la dextérité du pilote ».
5) Identification et analyse des menaces avant le vol : « L’étude a postériori des événements montre que l’absence d’identification et d’analyse des menaces avant le vol est souvent un facteur contributif à un accident. Dans le Mémo sécurité du pilote ULM (page 37), la FFPLUM introduit le moyen mnémotechnique IPADEE qui permet d’aider le pilote à identifier les menaces. Lorsqu’un pilote identifie un cumul de menaces et réalise que les moyens à disposition pour y faire face sont insuffisants, il est important qu’il soit mesure de renoncer au vol prévu ».
Cette démarche, comparable au TEM (Threat and Error Management, gestion des erreurs et des menaces), peut permettre :
– « d’identifier les menaces spécifiques au vol prévu, qu’elles soient observables et connues (mauvaises conditions météorologiques, fort trafic d’aérodrome…), observables mais inattendues (panne moteur…), ou latentes ».
– « et de mettre en place une stratégie proactive pour gérer ces menaces et erreurs (utilisation de check-lists, accompagnement par un instructeur, réentraînement…) ».
6) Aspects survie : ceinture de sécurité et parachute de secours. « La base de données du BEA recense 8 occurrences depuis 2013 traitant de la non-utilisation des ceintures. En cas de mauvais réglage ou de ceinture mal attachée, l’occupant risque de heurter le tableau de bord ou le pare-brise, voire d’être éjecté. Une vidéo réalisée par le centre de recherches de la Nasa montre la différence d’effet entre les ceintures ventrales et les ceintures d’épaule ».
« La ceinture de sécurité sert à maintenir les occupants sur leur siège et, selon le type de ceinture, à les empêcher d’être projetés vers l’avant. Ainsi, il est recommandé de rappeler le fonctionnement des ceintures de sécurité et de vérifier leur ajustement et leur bouclage lors du briefing sécurité, pour tous les passagers, y compris ceux censés être familiarisés, comme les pilotes ou les élèves pilotes ».
« La thématique parachute de secours a déjà été abordée dans les bilans ULM 2023 et 2021. Plusieurs enquêtes avaient mis en évidence un déclenchement tardif ou une non-utilisation dans un contexte où ce dispositif de secours aurait pu atténuer les conséquences de l’accident ».
7) Autres rapports publiés par le BEA : le BEA revient sur plusieurs accidents concernant pendulaires, multi-axes, autogires et hélicoptères, dont l’enquête n’a pas permis de déterminer avec certitude la cause. ♦♦♦
Photo © via BEA
Lien vers la page Enseignements de sécurité ULM 2024 sur le site du BEA avec les liens vers les rapports et des documents associés ou vidéos.