Est-ce une solution pour faciliter le renouvellement des flottes vieillissantes ?
Fin janvier 2025, la société Green AeroLease – connue pour avoir lancé une offre de location sur la base du Vélis Electro et à « l’ambition d’accélérer la transition écologique de l’aviation légère en France et en Europe » – organisait un webinaire sur le thème « Pourquoi louer certains de ses avions ? » à l’intention des pilotes et plus particulièrement des gestionnaires d’aéro-clubs et d’écoles de pilotage, entendant ainsi évoquer « quelle stratégie retenir pour optimiser la gestion d’une flotte ? ». La présentation était assurée par Charles Cabillic, PDG
de Green AeroLease et Guillaume Abéguilé, en charge de la partie commerciale.
Un premier bilan de la « location d’avions bas carbone » était dressé avec une quarantaine d’appareils déployés, ayant accumulé sur trois ans 12.210 heures de vol et économiser 938 tonnes de CO2. L’offre avec le Vélis se veut complète avec la location de l’avion mais aussi celle du chargeur, l’assurance, la maintenance assurée par un réseau d’ateliers partenaires
et le suivi de navigabilité. Pour faciliter la transition à la variante électrique (2h00 de théorie), quatre vols de 40 mn sont offerts aux instructeurs ainsi que la formation d’un mécanicien.
La prise en compte de la maintenance permet de suivre la flotte des Vélis et d’améliorer
cette dernière. Ainsi, depuis les débuts de l’offre de location, l’appareil en est à sa deuxième génération de batteries et tous ont été désormais équipés du « kit hivernal » optimisant la recharge des batteries par faibles températures. On évoque l’autonomie maximale de 1h07 en espérant atteindre 1h30 en 2026. Cela restera encore insuffisant pour imaginer une formation complète menant aux LAPL et PPL, encore moins un test pour ces deux licences qui atteint en moyenne les 2h00/2h30 de vol sans parler des marges de sécurité à l’arrivée… Le « temps de recharge est inférieur à une minute de recharge pour une minute de vol », soit environ 30 à 35 mn avec le chargeur standard (22 kW), moindre avec le chargeur 44 kW.
Pour élargir son marché et répondre à la demande, Green AeroLease a ajouté des avions thermiques « éco » à son offre électrique pour rendre « accessible des avions durables »
aux DTO et ATO. Il est vrai qu’aujourd’hui, un seul avion 100% électrique est disponible sur le marché : le Vélis Electro de Pipistrel (groupe Textron Aviation), biplace certifié EASA en juin 2020 et dédié à la formation de base au pilotage au vu de son autonomie. D’où l’ajout dernièrement d’avions à moteurs thermiques utilisant des Rotax pour diminuer de moitié les consommations par rapport aux moteurs Lycoming et Continental. Sont donc désormais également proposés le Pipistrel Explorer, l’Elixir, le BRM B23 ainsi que le rétrofit Rotax du
DR-400/120. Côté maintenance, le contrat comprend toutes les pièces de maintenance programmée mais la main d’oeuvre reste à charge de l’aéro-club pour les avions thermiques. Pour les électriques, main d’oeuvre et pièces sont prises en compte car une formation spécifique est nécessaire.
Pour optimiser la formation, le Vélis est mis en avant pour le vol local et les tours de piste, l’Explorer (même cellule mais motorisation Rotax) servant alors de complément pour le reste de la formation, sans trop dérouter l’élève même si gestion d’un moteur électrique n’a rien à voir avec celle d’un moteur thermique (temps de chauffe ou pas, puissance conservée en altitude…) sans parler des performances (pleines ou vides, les batteries pèsent toujours le même poids).
La problématique est posée avec le nécessaire renouvellement de la flotte actuelle, sujet qui alimente les conversations depuis… des décennies ! Une bonne partie des avions utilisés en clubs et écoles (DR-400, PA-28, C-172, TB-9/10…) ont été conçus dans les années 1960-1970
et s’ils sont tous ou presque encore en production, avec des évolutions au fil du temps, nombreux sont les appareils anciens puisque la moyenne d’âge des monomoteurs dépasse désormais les 30 ans…
Et à raison de 1 à 5 avions neufs produits par mois – 1.508 monomoteurs neufs produits dans
le monde en 2023 par les industriels regroupés au sein de la GAMA – le renouvellement ne pourra se faire sauf à l’étaler sur des décennies. Il y a donc bien un goulet d’étranglement.
Côté appareils électriques, le Vélis a encore de beaux jours devant lui, même si d’autres concurrents sont en gestation. Il leur faudra atteindre le stade de la certification et dans tous les cas, les tarifs annoncés sont au moins un multiple de 2 du prix du Vélis.
D’où la solution préconisée, à savoir louer une partie de sa flotte (mixte location et achat), à l’instar des compagnies aériennes qui ne sont propriétaires en moyenne que de 50% de leur flotte (56% pour Air France) contre 20% au niveau des aéro-clubs français, pourcentage qui serait plus élevé au niveau des écoles de pilotage, notamment étrangères. Les avantages mis en avant sont les suivants :
– utilisation d’avions modernes, plus attractifs pour les pilotes et les candidats au pilotage, avec notamment une avionique récente, un possible parachute intégral sans oublier une empreinte sonore plus faible côté riverains,
– coûts d’exploitation plus faibles avec des consommations moindres (électrique ou thermique via Rotax) et des machines neuves, donc plus disponibles et demandant peu d’entretien, contrairement à certains appareils anciens où les pièces sont parfois difficiles
à obtenir dans des délais acceptables,
– investissement initial faible, sachant que l’achat en neuf est de plus en plus coûteux ou difficile à mettre en place (emprunt bancaire), avec des tarifs allant de 250.000 à 500.000 €.
La trésorerie permise par la location d’appareils neufs et la vente d’appareils anciens peut alors être réaffectée sur d’autres postes, comme l’amélioration des infrastructures,
– une visibilité financière mieux établie avec des coûts fixes connus, des prix encadrés
par contrat,
– une adaptation de la flotte pouvant se faire selon la demande… encore que les contrats
sont établis sur une durée minimale de 3 ans. Un service Premium garantit un avion de remplacement en cas de maintenance ou accident.
– la mutualisation et la co-location ou sous-location sont envisageables pour deux structures sur une même plate-forme.
Les tarifs de location les plus attractifs (donc liés à la plus forte activité durant l’année au-delà du minimum contractuel) sont précisés, soit 93 €/h TTC pour le Vélis, 119 €/h TTC pour l’Explorer. Pour le Vélis Electro, le nombre d’heures de vol minimum à faire est de 24 heures par mois, mais l’annualisation reste possible soit 288 h/an. Pour les autres appareils, c’est 30 h/mois. Les délais de livraison après signature du contrat sont de 2 à 3 mois pour les Vélis Electro et Explorer, 4 mois pour le Vélis Club et une durée variable pour les autres appareils selon la disponibilité des constructeurs.
Tout cela est vrai mais reste en partie théorique, sachant que selon la fameuse loi des 80/20, nombreux sont les « petits » clubs ayant déjà peu ou pas de trésorerie, et comptant dans leur flotte des appareils anciens dont la valeur résiduelle sur le marché d’occasion ne permet pas de dégager de la trésorerie. Le renouvellement de la flotte reste donc souvent du domaine du rêve inaccessible. Quand on voit qu’un DR-300 des années 1970 peut être proposé à 40.000 € d’occasion soit quasiment 10% d’un DR-400 neuf, bien équipé et de même puissance, les marges à la revente sont faibles et l’investissement reste difficile…
Certes les coûts d’exploitation des appareils anciens restent élevés, ainsi que la consommation horaire e leurs moteurs dont la technologie remonte aux années 1940/1950, surtout quand pour le même DR-300 pris en exemple, tous les 6 ans ou 2.000 heures de vol,
il faut passer par une grande visite à l’atelier dont la facture – pièces CEAPR comprises… – va atteindre près de 50% du prix de vente de l’avion sur le marché d’occasion. La comparaison avec le monde automobile est flagrante…
Pour Green AeroLease, avec près de 1.600 DR en France (y compris les modèles à « forte » puissance, 160 à 200 ch), il reste aussi la solution du rétrofit Rotax sur cellule légère
(DR-400/120), projet en cours avec l’achat par Green AeroLease de DR-400 d’occasion pour
les louer après rétrofit Rotax, avionique moderne, entoilage complet, changement de sellerie
et visite 2.000 heures faite.
Le STC développé par Nogaro Aviation a permis de réaliser 6 ou 7 DR-400 à Rotax, ce STC ayant été acquis par la société Xénon Aero Services (Vannes, La Rochelle, Bordeaux-Léognan-Saucats). La transformation Lycoming/Rotax est donnée pour une durée de 2 mois mais sans pouvoir « traiter » un grand nombre de machines même si la cadence de production est donnée en augmentation. La location d’un DR-400 Rotax commencerait au tarif de 115 €/h TTC sans le carburant. Le différentiel avec le coût d’exploitation d’un appareil ancien est-il suffisamment convainquant ? ♦♦♦
Photos © constructeurs