Transition de la base militaire vers l’aéroport civil orienté Aviation générale et d’affaires.
Avec le « rétrécissement » des moyens aériens de l’armée de l’Air et de l’Espace depuis la fin de la Guerre froide, plusieurs bases aériennes ont été fermées, transformées en friches, en installations solaires ou zones industrielles. Parmi les bases de l’AAE figurait depuis 1934
la BA 729 « Lieutenant Marcel Beau » à cinq kilomètres à l’est de la ville de Châteaudun, aux confins de la Beauce. C’était l’un des principaux acteurs économiques du bassin d’emploi de Châteaudun jusqu’en juillet 2014 lorsque la base a été « dissoute », devenant un terrain rattaché à la BA 123 d’Orléans-Bricy. Finalement, la base de Châteaudun sera dissoute le
21 juillet 2021.
Dans les années précédant cette fin d’activité militaire, la base de Châteaudun a servi notamment à stocker les appareils arrivés en fin de potentiel ou sortis de la flotte active.
Le survol de la BA 279 permettait ainsi de noter la présence de Mirage IV, Nord 262, Fouga Magister, Jaguar, Mirage F1, Transall et autres avions d’armes alignés le long des taxiways
au sud de la piste principale, avec plus de 250 machines ainsi stockées à l’extérieur – comme le montrent ces photos de 2015…
C’est dès 2014 que l’avenir de l’ancienne base a été imaginé, avec plusieurs projets allant d’un centre de déconstruction d’aéronefs à un campus de formation aéronautique en passant par le projet de troisième aéroport parisien en complément d’Orly et Roissy, d’implantation d’une centrale photovoltaïque… En 2016, Fabien Verdier, conseiller municipal de la ville et conseiller régional propose d’en faire un aéroport Aviation générale (avions légers, drones, aviation d’affaires et privée, activité aéro-industrielle) en bénéficiant d’une piste de plus de 2.000 m de long. Le projet reçoit plusieurs soutiens, du président de la région Centre-Val de Loire aux dirigeants de sociétés de plusieurs pôles de compétitivité. L’aéro-club de Châteaudun « Jean Fournier » est déjà implanté sur la base avec sa flotte de quatre monomoteurs.
La plate-forme est finalement cédée à l’euro symbolique à la communauté de communes
du Grand Châteaudun tandis que la collection d’avions d’armes au sein du Conservatoire d’aéronefs non opérationnels et préservés (Canopée) est maintenue. En 2021, le maire par voie de presse demande une aide à l’État pour faciliter la reconversion de la base en un aéroport civil, comme support au développement territorial.
Depuis octobre 2022, le site est la propriété de la communauté de communes dunoises, placé sous la responsabilité de la Société publique locale (SPL) Air Châteaudun – présidée par Fabien Verdier, maire de Châteaudun et président du Grand Châteaudun – qui a pour tâche d’aménager et d’exploiter la plate-forme. Le projet de central photovoltaïque est toujours d’actualité, devant être développé sur 83 hectares. En novembre 2023, la DGAC a homologué la piste de 2.050 m x 45 m pour les jets d’affaires. En 2024, Châteaudun a servi de « terrain de repli » à plusieurs propriétaires d’aéronefs impactés par les contraintes liées aux Jeux olympiques de Paris.
Avec une plateforme de 400 hectares, implantée à 140 km de Paris par l’A10, à 50 km de Chartres ou d’Orléans, Air Châteaudun cherche donc à développer l’activité. Les atouts mis en avant sont notamment les grands hangars métalliques laissés par l’armée de l’Air avec un loyer attractif si l’on compare aux tarifs parisiens, soit 800 € HT à l’année pour un aéronef de moins de 1,5 tonne de MTOW. Le site bénéficie d’une station Avgas 100LL H24 par automate avec carte bleue (sans contrat BP ou Total). Châteaudun, c’est aussi 70.000 m2 de surfaces couvertes, 110.000 m2 de parkings extérieurs, 8.000 m2 de bureaux.
Le hangar HM2 fait depuis janvier dernier « l’objet de travaux pour accueillir fin 2026 un ou plusieurs opérateurs MRO (Ndlr : Maintenance, Repair and Overhaul), les travaux comprennent l’ajout d’une résine au sol, mise aux normes environnement et EASA Part 145 des bureaux-ateliers-hangars, ajout de « passes dérives » pour accueillir des avions monocouloirs jusqu’à l’Airbus 321N » précise Quentin Étienne, responsable commercial pour l’aéroport. Les autres hangars sont disponibles pour le stationnement des avions : hangar HM4 d’une superficie
de 4.100 m² avec 8.50 m de hauteur et portes électriques. Des bureaux et ateliers attenants sont également disponibles (1.500 m² environ). Le HM3 offre les mêmes capacités de stationnement sans les portes électriques et sans les bureaux. Les hangars sont fermés avec coffres à clés mis à disposition.
Actuellement, l’aéroport (LFOC) est encore « terrain restreint », avec autorisation à demander auprès de l’exploitant. SPL Châteaudun indique « travailler actuellement à l’ouverture à la CAP », estimant une ouverture possible dans un délai d’un an et demi suite aux dossiers d’impacts environnementaux devant être fournis au ministère de l’Environnement. Pour l’heure, des autorisations de toucher-décoller lors d’une navigation école par exemple sont possibles après accord de l’exploitant via un formulaire de demande de PPR. Les taxes d’atterrissage s’élèvent à 8 € HT pour un aéronef de moins de 1,5 tonne, 14 € HT pour 1,5 à 3 t et 36 € HT de 3 à 6 tonnes. Pour les basés, le forfait illimité s’élève à 160 € HT (moins de 1,5 t) et 320 € HT (1,5 à 3 t). À noter parmi les projets, la remise en service du balisage de nuit courant 2025 tandis que des procédures IFR sont en cours d’étude. Mais aussi, l’installation d’une cuve de Jet A1 et la réhabilitation du service SSLIA.
L’aéroport vient de rejoindre le réseau Sky Valet Connect, « premier hub d’aviation d’affaires en Europe » et filiale des Aéroports de la Côte d’Azur. Ce réseau propose à des aéroports régionaux comme Châteaudun de bénéficier du réseau commercial des FBO Sky Valet et de faire la promotion des infrastructures, avec accroissement de la notoriété au niveau européen, offre aux clients de standards de service. Dans ce cadre, un guide tarifaire est en cours d’élaboration pour proposer un service de handling (guidage de l’avion, calage de l’aéronef, accès aux lounges Crew & Pax), accès aux informations hôtelières, taxis et restauration, etc.
Un terminal Affaires a été aménagé, avec salle de repos pour les passagers et les équipages, un espace dédié aux pilotes (préparation des vols sur PC, imprimante, accès WiFi, etc.).
Les horaires nominaux d’ouverture vont de 5h30 à 20h00 l’été) et 6h30 à 18h30 l’hiver). Le site est sécurisé 24/7 avec notamment une société réalisant le filtrage à l’entrée de l’aéroport.
Globalement, « la stratégie recherchée est de proposer un foncier important à des sociétés aéro-industrielles (MRO, construction, Recherche & Développement) » tout en recherchant une activité aviation générale et d’affaires, indique Quentin Étienne. Il s’agit de développer un « pôle de compétitivité aéronautique complet ». Autres atouts mis en avant pour redonner vie à cet aéroport : la ville de Châteaudun est connectée à la région parisienne par le train.
Le territoire est situé sur une zone ZRD (Zone de Restructuration de Défense) qui inclut les exonérations d’impôt sur les bénéfices et de CFE (Cotisation Foncière des Entreprises) sans oublier une aide de l’Etat à l’embauche. Comme pour l’aéroport de Niort-Marais poitevin, il faut saluer de tels projets recevant le soutien politique local.
En attendant, par la route, ou mieux par la voie des airs – mais en faisant bien attention aux multiples ZRT dans le secteur dont l’activité devrait être étendue au-delà du 16 avril prochain… – il est possible de venir sur place visiter la collection Canopée implantée sur la base depuis 2004 et animée par les bénévoles de l’association des Amis du conservatoire (AC3A).
Baptisé Conservatoire d’aéronefs non-opérationnels préservés et exposés (d’où Canopée),
ce musée conserve une vingtaine d’appareils principalement issus de l’armée de l’Air et de l’Espace et des équipements. Il est ouvert tous les jours (sauf le mardi) dans la matinée
et l’après-midi, avec visite libre ou guidée sur réservation au préalable. L’ancienne base étant
la « seule à avoir accueilli un jour sur son sol la quasi-totalité des aéronefs en service » dans l’AAE, cette action de sauvegarde du patrimoine a été lancée par des militaires d’active passionnés souhaitant rassembler et préserver les avions « exposés » sur les pelouses ou réformés et donc ferraillés. Le tout constitue en quelque sorte le pendant au nord de la Loire du musée européen de l’aviation de chasse à Montélimar…
On peut ainsi y découvrir une belle brochette d’aéronefs retraçant l’histoire militaire de 1945
à nos jours : MD-450 Ouragan, MD-454 Mystère IV, Super Mystère B2, Republic F-84F Thunderstreak, Lockheed T-33A, MD-312 Flamant II, North American F100A Super Sabre, Mirage IIIC, IIIB, IIIE et IIIRD, Mirage 5F, Mirage F1C, F1CR et F1CT, Mirage IVA, Mirage 2000B, 2000C et 2000N, SNCASO Vautour B2 et 2N, CM-170 Fouga Magister, Nord 2501 Noratlas, Mystère 20P, Nord 262 Frégate, DHC-6 Twin Otter, Sepecat Jaguar A et E, Morane-Saulnier MS-760 Paris, SA-319 Alouette III, AS-355F Écureuil, Socata TB-30 Epsilon, Embraer EMB-312 Tucano, Cap-10B, MH-1521 Broussard, Transall C-160G Gabriel et C-160 NG, des planeurs Pilatus B4 et Wassmer Wa-30 Bijave… Mais aussi des moteurs à pistons et des réacteurs, des missiles, des consoles de contrôle aérien, des sièges éjectables, du matériel de servitude et de mesure, des maquettes… Une idée de sortie d’aéro-club ? ♦♦♦
Photos © F. Besse/aeroVFR.com, Air Châteaudun, AC3A/Canopée