L’accidentologie avions légers en 2024 avec les thématiques relevées par le BEA.
Depuis 2020, en début d’année, le BEA dresse un bilan thématique de l’accidentologie de l’année passée par type d’aéronefs : hélicoptères, avions légers, planeurs, ballons et ULM.
En 2024, le BEA a publié 69 rapports relatifs à des accidents d’avions légers (dont 2 en remorquage de planeurs traités dans les enseignements Planeur), dont 61 concernent des avions de masse maximale au décollage (MTOM) de moins de 2,25 t. Parmi ces 69 rapports publiés, 27 sont basés uniquement sur le témoignage du pilote (enquêtes dites par correspondance). 24 de ces accidents ont entraîné des conséquences corporelles avec 16 personnes décédées, 27 personnes blessées ou grièvement blessées. Ce bilan thématique concerne 33 événements. Six thèmes ressortent plus particulièrement de ces rapports.
1) Conséquence d’ennuis mécaniques
– Panne ou diminution de la puissance du moteur : « Lors de sept événements, des pilotes ont été confrontés à une baisse de la puissance, voire à un arrêt du moteur, qui les a contraints à réaliser un atterrissage ou un amerrissage forcé. Quatre de ces événements relèvent de problèmes de gestion ou d’emport de carburant ». Pour ce type d’événements, le BEA a dénombré « une personne décédée et six personnes blessées, dont une grièvement.
On peut toutefois noter que pour plusieurs événements les personnes à bord n’ont pas été blessées malgré un niveau d’énergie élevé à l’impact ».
– Défaillance technique (hors groupe motopropulseur) : « Au cours de huit événements,
les pilotes ont dû faire face à des défaillances techniques de leur avion. Bien que les pilotes soient formés à gérer certaines pannes connues (perte de puissance moteur, panne électrique), une défaillance inconnue provoque une surprise et des difficultés de compréhension qui augmentent considérablement leur charge de travail. Cela peut nuire
à leur capacité à établir des priorités et compromettre la surveillance des paramètres de vol ».
Il peut s’agir d’une sortie dissymétrique des volets ou la rupture d’un raccord de câble de commande d’aileron. « Un pilote peut difficilement faire face à un dysfonctionnement d’une commande de vol s’il n’y a pas été entraîné. Il peut alors être intéressant d’envisager et d’évoquer les actions à accomplir dans un tel cas, lors des formations initiales ou lors
des vols de maintien de compétences. Il ne s’agit pas cependant d’improviser de telles situations en vol si aucune manoeuvre de récupération n’est préconisée par le constructeur.
Cette sensibilisation pourrait se faire, suivant la situation abordée, en vol ou au sol. Elle doit surtout être adaptée à l’avion utilisé par le pilote ».
2) Approches non stabilisées, gestion de l’arrondi : « Une approche stabilisée permet généralement d’assurer un atterrissage précis et en sécurité. L’approche est considérée comme stabilisée lorsque l’avion est configuré pour l’atterrissage, la trajectoire est axée sur la piste, l’avion est positionné sur le plan d’approche vers le point de visée, la vitesse stable et conforme à la vitesse d’approche définie et que seules des corrections légères d’assiette
et de roulis sont nécessaires ».
Par ailleurs, « à l’issue de l’approche, l’atterrissage, et en particulier l’arrondi, est une phase critique du vol. La technique de pilotage associée à l’arrondi dépend des conditions du jour (aérologie, masse et centrage…), de la manière dont est définie la trajectoire avant le toucher des roues, des caractéristiques de l’avion et de la maîtrise de cette technique par les pilotes ».
Le BEA note que « vingt rapports d’enquêtes par correspondance publiés en 2024 relatent
de pertes de contrôle au sol, sorties de piste, atterrissages durs ayant lieu lors de l’arrondi
ou de l’atterrissage, sans conséquence corporelle. On dénombre pour les événements cités une personne décédée et cinq personnes blessées, dont trois grièvement ».
3) Interruption de l’atterrissage : « Lorsqu’un pilote est confronté à une situation inattendue lors de l’atterrissage (arrondi long, rebonds, déport latéral), comme évoqué dans le thème précédent, il peut être amené à devoir prendre une décision rapide dans une situation dynamique entre poursuivre l’atterrissage au risque d’endommager l’avion ou redécoller ».
« L’étude des événements antérieurs montre que les accidents aux conséquences corporelles et matérielles les plus graves lors de l’atterrissage interviennent surtout lors de remises en puissance réalisées avec un contrôle insuffisant de l’avion. En revanche, les accidents survenus alors que l’atterrissage a été poursuivi conduisent rarement, sur avion léger, à des blessures graves ou mortelles, bien qu’ils entraînent des dégâts matériels. Plusieurs accident, évoqués dans le thème précédent «Approches non stabilisées, gestion de l’arrondi» sont directement liés à une interruption de l’atterrissage mal maîtrisée ».
D’où la recommandation « lors de la formation initiale ou des maintiens de compétences »,
de rappeler « les différents phénomènes de mécanique du vol en jeu lors d’une interruption
de l’atterrissage. Il est aussi essentiel d’évoquer toutes les menaces à prendre en compte
pour décider si une interruption est préférable à une poursuite de l’atterrissage ».
De plus, « l’interruption de l’approche, si elle est décidée et réalisée à une hauteur raisonnable, permet d’éviter les risques associés à une approche non stabilisée ». On dénombre pour les événements cités une personne décédée et cinq personnes blessées, dont trois grièvement.
4) Pression induite par l’emport de passager ou le contexte du vol, objectif destination : « Plusieurs rapports d’accidents publiés en 2024 abordent le contexte dans lequel s’est déroulé le vol. Un pilote privé peut ne pas être préparé aux contraintes liées aux vols au cours desquels il devra prendre en charge des passagers qu’il ne connaît pas. Ces derniers peuvent attendre un service avec exigence pour une prestation qu’ils ont payée. Une surcharge de travail liée à la description du vol ou à un stress associé à la volonté de réaliser le vol peut altérer les performances du pilote. Pour certains accidents, il n’a pas été possible de déterminer si le contexte de vol particulier a été ou non contributif dans les décisions prises par le pilote ».
« De même, une forte volonté d’arriver à destination peut biaiser l’évaluation des risques effectuée au départ et rendre difficile la décision du déroutement ou du demi-tour d’autant plus quand la destination approche. Une fois en vol et confronté à des conditions météorologiques défavorables à la poursuite du vol, le déroutement voire l’interruption volontaire du vol sont des solutions qui permettent généralement de trouver une issue positive. Toutefois, chaque pilote doit être conscient des difficultés qu’il peut y avoir à envisager cette replanification quand la situation est déjà dégradée : le stress, la fatigue ou encore les préoccupations du pilote (notamment ses motivations ou les contraintes qu’il se fixe) sont autant de facteurs qui peuvent affecter sa capacité de discernement et la précision de ses actions ». On dénombre pour l’ensemble des événements cités sept personnes décédées et six personnes blessées, dont trois grièvement.
5) Rôle de l’instructeur : « L’instructeur joue un rôle central dans la sécurité des vols, à la fois lors de la formation des pilotes, mais aussi lors des vols de maintien ou de contrôle de compétences. Il apporte non seulement des connaissances techniques (pratiques ou théoriques), mais il va aussi contribuer à modeler le comportement du futur pilote. L’empreinte que l’instructeur va laisser sur ses élèves est déterminante et son comportement a souvent valeur d’exemple ». Trois rapports d’enquêtes publiés en 2024 soulignent que les instructeurs peuvent s’installer dans une certaine routine. Ils peuvent ainsi sous-évaluer les menaces associées à leur activité. n dénombre pour les événements cités trois personnes blessées.
6) Collisions en vol : « Bien que le niveau de risque de collision aviaire soit évalué comme faible sur la base de la fréquence et de la gravité des événements répertoriés, le BEA a publié en 2024 deux rapports d’accidents relatifs à ce sujet ».
Des cas de collision entre un hélicoptère et un avion, entre un avion et un ULM confirmer « la faiblesse de la seule règle «voir et éviter» comme moyen de prévention des collisions en vol pour les pilotes en VFR. La présence de moyens électroniques d’aide à la détection d’aéronefs à bord des deux aéronefs aurait pu aider les pilotes à identifier l’autre aéronef ». On dénombre pour les événements dont le rapport a été publié en 2024 une personne blessée.
Ces 6 thématiques sont développées en détail avec des liens vers les rapports d’accidents associés ou vers des documents, des notes d’information ou encore des règles pratiques donnant des pistes de réflexion avant le début de la saison… ♦♦♦
Photo © BEA
Lien vers les enseignements de sécurité pour l’avion léger en 2024 sur le site du BEA.