Deux procédures fondamentales à bien connaître et pratiquer.
Parmi les multiples accidents répertoriés chaque année par le BEA, on retrouve bien souvent les mêmes causes. C’est logique… L’être humain n’est pas infaillible, responsable au moins à hauteur de 80 ou 90% des causes d’événements, et donc l’erreur peut survenir à tout instant, imposant méthode et rigueur, notamment durant les phases critiques (décollage et atterrissage). De plus, avec le « turn-over » que connaissent les aéro-clubs chaque année, estimé à 25% de la population (un tonneau sans fond…), de nouveaux entrants ont de grandes « chances » de refaire, tôt ou tard, les mêmes erreurs, même en étant sensibilisés théoriquement à certaines menaces issues de l’expérience acquise, faute d’expérience réelle et de recul dans leur pratique.
Certains accidents récurrents concernent ainsi les remises de gaz trop tardives, quand l’appareil est déjà au sol mais avec des paramètres qui ne sont pas satisfaisants, comme un point d’atterrissage trop long laissant le pilote dans l’expectative : freiner avant d’atteindre l’extrémité de piste au risque d’une sortie longitudinale ou redécoller à l’arrache avec le risque d’une perte de contrôle, de subir le second régime ou de toucher des obstacles avec une trajectoire sous la trouée d’envol…
Quand cette situation est rencontrée, il est déjà trop tard car la décision ne peut attendre une longue réflexion. Le pilote est resté « endormi » depuis l’approche finale. Il aurait fallu réfléchir bien en amont, c’est-à-dire prendre la décision de remettre les gaz avant que l’appareil ne touche le sol. En VFR, une dernière « porte » vers 300 ft/sol reste une bonne valeur pour poursuivre vers l’atterrissage ou remettre les gaz pour une seconde présentation en tirant les leçons de la première et ainsi se donner du temps de réflexion – dans le doute, on s’abstient… Avec un peu plus d’expérience, on peut aussi, en fonction de la longueur de la piste, se donner un repère visuel le long de la piste où si l’avion n’est pas au sol, ce sera la remise de gaz.
Dans le cas de paramètres non tenus en finale, la remise de gaz aurait donc dû intervenir au plus tard en courte finale, dès qu’un paramètre n’est pas à sa place : généralement, il s’agit d’une vitesse excessive et/ou d’un plan trop fort souvent associé à la vitesse trop élevée.
Le pilote ne contrôle alors plus la trajectoire, s’obstinant à vouloir atterrir alors que la distance nécessaire pour « évacuer » le surplus de vitesse (palier de décélération) ne peut être évaluée.
Quand en finale, l’appareil est bien sur l’axe, ce troisième paramètre du triumvirat axe-plan-vitesse pousse le pilote à tenter de récupérer le ou les autres paramètres qui ont dérivé.
On peut alors parler de tunnelisation, en faisant abstraction des écarts au niveau des paramètres à respecter, la remise de gaz n’étant pas considérée comme un plan B. Par contre, on notera au passage que si le plan est correct ainsi que la vitesse, il est rare qu’un pilote ne remette pas les gaz quand la tenue d’axe n’est pas jugée satisfaisante en courte finale, suite à une dérive par exemple pour cause de vent de travers.
Donc, il est nécessaire de se répéter que la remise de gaz est à décider au plus tard en courte finale mais pas au sol, sauf à bénéficier de la longueur de la piste d’Istres (5.000 m…), ce qui n’est pas souvent le cas sur les terrains secondaires où des pistes peuvent être considérées comme limitatives.
Remise de gaz
Et si la décision de remettre les gaz est prise, la procédure doit être appliquée sans perte de temps, sans hésitation dans la gestuelle et les actions à mettre en place, avec dans l’ordre :
– assiette à cabrer et pleins gaz souplement, en contrant les effets moteur,
– diminution des traînées, soit généralement le passage des pleins volets au premier cran de courbure dès lors que la vitesse affichée au badin est supérieure à 1,3.Vs de la configuration suivante.
Sur appareil à train rentrant, ce dernier sera également rentré et le réchauffage carburateur annulé s’il avait été appliqué. On se retrouve alors dans la configuration classique au décollage, en montée initiale, avec le temps de prendre de la hauteur pour aller chercher le vent traversier du circuit de piste. L’assiette au début de la remise de gaz pourra être plus faible que celle prise en montée initiale, pour laisser si besoin le temps à l’appareil de reprende sa vitesse (Vy).
D’autres événements relevés par le BEA concernent les touchés-décollés. Comme la remise de gaz, cette phase de vol est très « dynamique », imposée par la pression temporelle car la piste de nos terrains n’est généralement pas infinie et donc là encore, il faudra ne pas perdre de temps, effectuer la procédure sans perte de temps et avec méthode. C’est là que certains rapports du BEA montrent souvent une confusion entre remise de gaz et touché-décollé, pouvant amener à des dommages matériels.
Touché-décollé
Pour effectuer un touché-décollé, la procédure suivante est à appliquer :
– reconfiguration de l’appareil, soit en pratique passer de 2 crans à 1 cran de volets,
– application de la pleine puissance souplement, en contrant les effets moteur.
Si le réchauffage carburateur avait été appliqué, ce dernier ne sera annulé qu’après les deux précédentes actions.
Cet ordre des actions repose sur une logique. En formation, certains élèves une fois l’atterrissage effectué remettent aussitôt pleins gaz. Ce n’est pas la bonne solution ! Il est rare qu’un manuel de vol préconise au décollage les volets en position Atterrissage, et pour cause, afin de ne pas augmenter la traînée et diminuer les performances de montée.
De plus, en considérant que l’appareil a forcément touché le sol avec une vitesse supérieure à celle du décrochage avec les pleins volets, si le pilote affiche pleins gaz, l’appareil a toutes les chances de redécoller rapidement sur légère action au manche, sur une bosse de la piste ou sur rafale de vent. Si à ce moment, le pilote décide de rentrer le second cran de volets, la trajectoire a toutes les chances de repartir vers le bas (avec un contact plus ou moins contrôlé…), suite à la diminution de la portance – surtout sur appareil à forte hypersustentation type Rallye ou Cessna. D’où l’importance de reconfigurer l’appareil alors que ce dernier est encore au sol avant de remettre pleins gaz.
Passons sur l’erreur classique de l’élève qui rentre tous les volets au lieu de repasser au premier cran mais pas sur l’erreur consistant à vouloir annuler le réchauffage carburateur avant de remettre pleins gaz. Pour peu que la commande soit un peu trop serrée ou que sa localisation prenne quelques secondes, pendant cette durée mise à annuler la réchauff, l’appareil aura parcouru un certain nombre de mètres – à environ 30 m/s de vitesse, et ce pendant quatre ou cinq secondes de retard à remettre les gaz, ceci diminue encore plus la piste restante devant soi… Priorité donc au pleins gaz sur la réchauffe carburateur, l’annulation de celle-ci ne faisant gagner que peu de puissance supplémentaire.
Tout ceci pour bien séparer dans sa tête les deux procédures qui imposent des actions rapides mais sans précipitation, appliquées méthodiquement, qu’il s’agisse de la remise de gaz (l’appareil est alors en 3D) ou du touché-décollé (appareil sur trajectoire en 2D) et en notant bien que les priorités sont… « inversées ». D’où la confusion que l’on retrouve parfois dans les rapports du BEA à lire les commentaires faits par les pilotes concernés, confirmant avoir agi par « réflexe » sous la pression temporelle. ♦♦♦
Remise de gaz
– assiette et puissance (pleins gaz)
puis
– volets (reconfiguration de l’appareil en fonction de la vitesse)
Touché-décollé
– volets (reconfiguration de l’appareil)
puis
– puissance (pleins gaz)