Plus de 75 ans de rapports d’enquêtes à la suite d’accidents…
Créé en 1946, s’appelant depuis 2001 Bureau d’enquêtes et d’analyse pour la sécurité aérienne et non plus Bureau Enquêtes-Accidents aux connotations plus négatives, le BEA a pour objectif d’améliorer la sécurité aérienne. Un ouvrage collectif, rédigé par les acteurs de ce processus et édité par Mémoire de l’Aviation civile, a vu le jour début 2025, établissant la chronologie de cet organisme de 1946 à 2024, soit plus de 75 ans, le tout sur 212 pages denses en textes et illustrations…
Via une frise en début d’ouvrage, la chronologie d’accidents d’avions de ligne ou d’affaires ayant marqué leurs différentes époques donne accès d’un simple clic aux rapports en question, de l’accident d’un DC-3 d’Air France au Blanc Mesnil en janvier 1948 à la perte d’un réacteur par un A380 d’Air France au-dessus du Groenland en septembre 2017 en passant par l’Airbus A320 d’Air France à Mulhouse-Habsheim (1988), l’Airbus A320 d’Air Inter au Mont Sainte-Odile (1990), la collision d’un Beech 1900 de Proteus Airlines et d’un Cessna Cardinal privé en baie de Quiberon (1998), le Concorde Air France à Gonesse (2000), l’AF447 dans l’Atlantique (2009), l’A320 de Germanwings dans les Alpes (2015)…
On passe ensuite à l’histoire des débuts du transport commercial au sortir de la Première Guerre mondiale et les premières initiatives en matière d’enquête après des accidents, ceci, dès les années 1920. Puis l’ouvrage aborde l’évolution du service, de sa structuration progressive avec l’immobilier, les moyens financiers et humains, mais aussi les moyens techniques utiles aux enquêtes (laboratoire, analyse des matériaux et des enregistreurs de vol), détaillés les uns après les autres, dont les fameuses « boîtes noires » qui sont de couleur orange, issues du monde des essais en vol et de l’enregistreur HB pour Hussenot-Beaudouin, mis au point au CEV de Brétigny-sur-Orge.
Les catégories d’enquêtes et leur déroulé sont passés en revue, avec les différentes spécialités des enquêteurs, du généraliste à l’épaviste. Un chapitre spécifique évoque l’aviation générale, les spécificités de ces « activités peu contrôlées » et « l’importance des facteurs humains ». D’où aussi le développement de l’analyse des GPS, GoPro, tablettes et autres smartphones susceptibles d’apporter dans ce domaine « des informations complémentaires précieuses ». Au passage, on notera l’inversion des photos ou des légendes en pages 125
et 126.
Les chapitres suivants abordent les parfois difficiles relations entre BEA et justice, avec des possibles pressions multiples, des rumeurs avant la publication d’un rapport quand des gouvernements étrangers décident par exemple de ne pas publier les résultats, mais aussi l’évolution de la « communication » du BEA nécessaire face à la pression médiatique notamment et aux fuites lors « d’enquêtes à grande exposition médiatique » – un dur apprentissage qui connaîtra des hauts et des bas. Après un rappel de la coopération internationale en matière de sécurité aérienne, l’ouvrage revient sur la traque du vol Rio-Paris (AF447) via un documentaire à consulter en ligne (1h30), accident qui demeure emblématique des multiples responsabilités engagées dans un « monde moderne » (compagnie, constructeur, DGAC, EASA, équipage) et la gestion de l’enquête par le BEA.
Le contenu forcément pro domo s’appuie, sous la forme de multiples encadrés, sur de nombreux témoignages d’acteurs, qu’ils soient actuels ou anciens enquêteurs, ou directeurs du service. On y découvre sans surprise la lente modernisation du service, « en raison à la fois de l’inertie de l’administration et de la faiblesse des moyens disponibles », ce jusqu’aux années 1990 et le transfert du service du Bourget, en quittant les bungalows d’après-guerre de la Cité administrative de la DGAC entre la rue de la Convention et la rue Lecourbe à Paris. Il faut alors parfois utiliser son portable personnel et assurer les frais de déplacement à l’étranger…
Des récits évoquent des enquêtes « vécues sur le terrain », ayant marqué la carrière des signataires, et où l’on note de multiples anecdotes rapportées par des enquêteurs qui doivent évoluer « en milieu hostile », avec comme maître mots « indépendance » et « impartialité ». D’autres encadrés reviennent sur tel ou tel accident et les « retombées » acquises donnant lieu souvent à des recommandations de sécurité, le lecteur souhaitant aller plus loin pouvant accéder d’un clic au rapport complet.
Pour une version courte de cette présentation de l’ouvrage numérique, quelques chiffres enregistrés en près de 80 ans d’activité : près de 7.000 rapports d’enquêtes publiés, désormais une centaine d’agents pour un budget moyen de fonctionnement d’un peu moins de 3 millions d’euros par an, des bureaux et laboratoires implantés sur 5.000 m2 hormis un hangar stockant les épaves d’aéronefs pour les besoins d’analyses et de prélèvement de certaines pièces et composants, lors de certaines enquêtes. ♦♦♦
Photo © BEA
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