Remise en état de vol d’un planeur de performance des années 1960.
Le patrimoine aéronautique n’est pas seulement motorisé… Vincent Lifermann et Jean-Louis Geffroy – deux ingénieurs officiant au sein de l’Atelier Industriel de l’Aéronautique (AIA) à Clermont-Ferrand et par ailleurs instructeurs vélivoles – ont décidé de remettre en état de vol un SIREN C-30S Edelweiss, le n°48. C’est un planeur de performance de conception 100% française, conçu par Jean Cayla déjà concepteur des Breguet 901 Mouette et 904 Nymphale, et que l’on reconnaît de loin avec son empennage en V dit papillon. Le prototype a volé en 1962. C’est avec le n°3 immatriculé F-CCUC que Francois-Louis Henry a remporté les championnats du monde de vol à voile en 1965 à South Cerney, Grande-Bretagne.
Le monoplace de classe standard (15 m sans volets) sera développé par la Société industrielle de réalisations et d’études nouvelles (SIREN), à Argenton-sur-Creuse. En complément de 2 prototypes, 53 exemplaires seront construits. Avec 18 d’allongement, le C-30S affiche 35 de finesse à 95 km/h pour 0,7 m/s de taux de chute minimal. Sa structure repose sur l’emploi de matériaux composites avec un sandwich contreplaqué-mousse Klégécell et résine.
C’est la crise sanitaire due au Covid qui a déclenché le projet, en récupérant la cellule auprès de Philippe Moniot, précédent propriétaire et patron du groupe Issoire Aviation. Le planeur est sorti de chaîne en 1968 avec un premier vol en juin. Son premier propriétaire est le club de Buno-Bonnevaux mais il est endommagé en avril 1969 sur sa remorque lors d’un dépannage. Réparé à la SIREN, il est finalement acquis par le club de La Llagonne fin 1975.
À nouveau endommagé lors d’une vache en août 1976, réparé à la SIREN en 1977, il va passer dans les mains de plusieurs clubs ou propriétaires privés, de Grenoble à Gap pour finir stocké à Cannes en 1996, fuselage fortement endommagé lors d’un accident. Philippe Moniot l’acquiert en 2007 et le planeur rejoint Issoire. Il sera vendu fin 2021 aux deux restaurateurs.
Il leur faudra réaliser une grande visite et réparer la cellule (3 ans et 3.000 heures) avant une remise en vol le 16 septembre 2023 après 27 ans de sommeil. C’est en juillet 2024 que la restauration sera achevée. Seront associés au projet des apprentis de l’AIA et des élèves de
la section Composites du lycée Roger Claustres.
Il faudra en effet reprendre tout le fuselage dont les cadres sont décollés et des éléments
en contreplaqué cassés en de multiples factures sous la zone d’attache de la voilure. La poutre arrière de fuselage est désolidarisée de la cabine, les cadres de reprise de la voilure sont décollés. Il faudra tout repositionner avec précision et recoller l’ensemble avec une colle époxy, en conservant bien la géométrie, grâce à des gabarits de soutien fabriqués spécialement. La première mise en croix sera satisfaisante.
Tous les collages de revêtements seront faits via une enture entre 15 et 20 fois l’épaisseur
en fonction des courbures car le fuselage a une forme ovoïde. Des renforts de cadre ou de ferrures de fixation de voilure seront posés.
Le bureau d’études d’Issoire Aviation a justifié l’équivalence du pli de carbone utilisé pour remplacer le contreplaqué du revêtement interne dans toutes les zones où il n’a pas pu être changé pour des raisons notamment d’accès ou de perte de géométrie. Côté pièces mécaniques, Issoire Aviation a mis à disposition le stock de pièces neuves d’origine…
Les réparations porteront également sur la voilure, notamment pour les bords de fuite à l’emplanture. L’intérieur du cockpit a été refait à neuf (nouvelle sellerie, nouveaux capitonnages, réfection du plancher) avec arrivée d’une nouvelle verrière à adapter au fuselage et la fabrication d’un carénage pour le train principal. Les empennages ont été rentoilés.
Le F-CDGG a été repeint bi-ton rouge et beige. Lors du dernier Grand Prix du Patrimoine (AeCF), les deux instigateurs de cette restauration ont reçu la coupe de la fédération RSA pour le travail effectué sur cette ultime évolution des planeurs en bois-et-toile avant le passage
au tout composites. ♦♦♦