Retour d’expérience d’un aérodrome géré par une municipalité après le désengagement de l’État en 2007…
Par un arrêté en date du 2 mars 2007 « portant transfert d’aérodromes civils appartenant à l’État à des collectivités territoriales ou à des groupements de collectivités territoriales », l’État se désengageait de la gestion d’une centaine d’aérodromes. Un abandon en rase campagne du maillage important de plates-formes aéronautiques couvrant le territoire…
Avec certains sites localisés aux portes de grandes agglomérations, certains maires ou conseillers généraux y voyaient rapidement la possibilité d’une opération économique intéressante, récupérant ainsi aisément une surface plane pour y implanter habitations ou zones industrielles au rendement financier alléchant. On a vu, depuis, plusieurs aérodromes fermer, sous couvert de différents arguments diffusés pour justifier la fermeture auprès de la population locale qui s’en mord parfois les doigts quelques années plus tard, la surface verte, permettant notamment le maintien de la biodiversité, s’étant transformée en zone bétonnée pour des intérêts commerciaux.
C’est là qu’il faut saluer, ici ou là, quelques initiatives allant à l’encontre du courant, dont notamment celle de l’aérodrome de Niort-Marais poitevin. Après le désengagement de l’État, de la CCI de Niort et de la Communauté d’agglomération, en 2007, c’est la ville de Niort qui reprenait donc la gestion de la plate-forme, alors que la tour de contrôle fermait… La ville, chef-lieu du département des Deux-Sèvres, héritait ainsi, du jour au lendemain, d’un aérodrome, en devenant son propriétaire et exploitant.
Après réflexion, l’équipe municipale décidait de « faire de son aérodrome un outil au service du développement du territoire », le rebaptisant Aérodrome de Niort-Marais poitevin. C’est là qu’il faut citer le rôle mené depuis par Olivier Dupont, de la Direction de la Réglementation et de l’Attractivité Urbaine pour la mairie de Niort, ayant le titre de Responsable d’aérodrome et agent AFIS. A l’époque, simple étudiant, pilote avion et planeur, « ne faisant pas partie des personnels municipaux ni de ceux du précédent gestionnaire », il a présenté « de manière spontanée un projet de développement basé sur l’usage optimal des infrastructures existantes ». Les élus ont alors décidé de créer un poste temporaire qui lui a été attribué, transformé ensuite en poste permanent.
Dans le cadre de ce projet de développement proposé, la première action sera la réouverture de l’AFIS afin de sécuriser et développer les pratiques, entraînant la formation de deux agents AFIS et l’aérodrome sera le premier à reproposer un service l’AFIS parmi ceux ayant perdu tout contrôle après le désengagement de l’Etat.
Cinq ans plus tard, soit de 2007 à 2012, le nombre de mouvements annuels avait doublé passant de 17.000 à 35.000 et la plateforme, jusque-là déficitaire, commençait à être rentable. Ainsi, le terrain faisait partie des aérodromes les plus actifs du grand sud-ouest, servant d’escale ou de destination pour l’aviation générale. En 2024, cette politique de développement est toujours de mise pour le propriétaire et exploitant de la plate-forme, un exemple qui mérite d’être salué.
Avec un aérodrome implanté à 4 km de la ville, dans une région très rurale, la pression immobilière était certes faible et il est vrai que la plate-forme disposait de nombreux atouts.
Il faut notamment citer une piste revêtue de 1.783 m de long pour 30 m de large (créée en 1974, elle a été rallongée en 1981), dotée d’un balisage diurne et nocturne, permettant l’accueil d’aéronefs allant du l’avion de transport régional à l’avion léger en passant par des jets d’affaires ou des turbopropulseurs de transport militaire. Pour l’aviation légère, il faut rajouter une piste en herbe (682 m x 80 m) avec balisage diurne et une piste (400 m x 30 m) pour les ULM basés.
D’où la possibilité de découvrir et de pratiquer de multiples sports aériens : vol moteur, vol à voile, ULM, aéro-modélisme (avec une piste goudronnée de 120 m x 20 m), parachutisme, aviation de collection, le tout concrétisé par la présence de 9 associations regroupées au sein de l’Association du bassin aéronautique niortais (ALBAN) : aéro-club des Deux-Sèvres, aéro-club de Niort, Club ULM, Association de sauvegarde du patrimoine aéronautique niortais, Ailes anciennes niortaises, Association niortaise des sports aériens, Ecole Niort Parachutisme, Aéro Model Club niortais, Association des grands modèles niortais. D’où une forte activité potentielle, notamment l’été, avec planeurs, parachutisme, avions, voltige et ULM.
N’étant pas tombée dans le leurre d’une ligne régulière, et ne voulant ni ne pouvant concurrencer les aéroports voisins de Poitiers et La Rochelle dans le domaine des vols commerciaux réguliers, Niort-Marais poitevin a choisi de compléter l’offre de service vers les compagnies d’aviation d’affaires, l’aviation de plaisance, le transport d’organes ou encore les vols d’entraînement. Et tout a été fait pour faciliter l’accueil de ces usagers de la troisième dimension mais aussi des visiteurs extérieurs. Exemples parmi d’autres : des boissons chaudes et fraîches sont proposées dans l’aérogare, des aménagements facilitant la venue du public (bancs, aménagement de l’aire d’accueil du public, pose de jumelles d’observation…) ont été réalisés. Une salle Pilotes est mise à disposition.
Il faut aussi citer côté parkings, une surface revêtue d’un hectare permettant l’accueil d’appareils lourds, avec points d’ancrage (également présents sur le parking en herbe) mais aussi un parking voitures gratuit de 40 places. La surface disponible permet de recevoir des manifestations d’ampleur, allant d’un Tour ULM au Tour aérien des jeunes pilotes en passant par une compétition de parachutisme ou le déploiement d’un dispositif aérien pour la Gendarmerie, ou encore une journée de présentation de l’aviation d’affaires aux entrepreneurs locaux…
Pour l’avitaillement, l’Avgas est disponible H24 par automate, il en est de même pour le Jet A1 par gravité (sous pression sur demande). Depuis la réouverture de la tour de contrôle en octobre 2012, le service d’information de vol AFIS est assuré par deux agents de la ville de Niort, en langue française et anglaise, de jour comme de nuit – en période hivernale, la semaine uniquement, en période été, semaine, week-ends et jours fériés(hiver comme été, en dehors des horaires, sur demande H24 et 7j/7). Pour les usagers professionnels, ceci rend l’aéroport opérationnel toute l’année par la mise en place d’un service d’astreinte pour pouvoir répondre à une demande d’atterrissage ou de décollage dans les 15 minutes (cas nécessaire pour une évacuation sanitaire par exemple).
Les services AFIS et SSLIA (sauvetage et lutte anti-incendie) sont sinon mobilisables en moins de 2h00, l’arrivée récente de deux nouveaux pompiers faisant passer l’aérodrome au niveau 2 Sécurité, avec véhicule d’intervention adapté. Font aussi partie de l’offre, une facilité d’accès par la route, la rapidité pour l’avitaillement, une procédure IFR, une salle de réunion, etc. Ceci à fait que la plate-forme a fortement augmenté le nombre de vols sanitaires accueillis chaque année pour des transferts d’organes et des rapatriements d’urgence.
Différentes prestations sont proposées, le personnel pouvant se charger – gratuitement – de l’organisation de votre séjour à Niort (réservation d’hôtel, de restaurant, de taxi, de voiture de location sans compter une voiture « crew car » pour rejoindre le restaurant le plus proche).
La ville de Niort a compris que des usagers aériens peuvent ainsi venir visiter la ville et découvrir le marais poitevin, le temps d’une escale ou d’un séjour plus long.
Les autres prestations sont facturées comme l’ouverture du terrain à d’autres heures (parkings, forfaits d’ouverture, handling – frais qui ne sont pas appliqués à l’aviation légère), après demande 48 heures au préalable par mail ou téléphone. A noter que les aéronefs du SAMU et dons d’organes bénéficient d’une exonération totale de toutes ces redevances. « Les recettes proviennent pour 2/5e des taxes et redevances aéroportuaires et, pour le reste, des convention d’exploitations, conventions de prestations de service, occupation du domaine public. La proportion des redevances aéronautiques augmente chaque année, par l’augmentation de l’activité » précise-t-on à Niort. Au passage, précisons que pour un avion léger, la redevance s’élève à 8,20 € comprenant 2h00 de parking, mais aussi le café, l’accès au « salon pilotes », voire le minibus vers le restaurant.
Aujourd’hui, le personnel sur site comprend 2 agents AFIS, 2 agents SSLIA et 1 responsable d’aérodrome également agent AFIS. Pour la ville de Niort, il faut rajouter 1 responsable SMS, 1 responsable Surveillance Conformité (responsable d’un autre aérodrome) et 1 responsable Exploitation à la mairie, en complément de leurs activités.
D’après Olivier Dupont, l’aérodrome « accueillera cette année environ 20.000 mouvements d’aéronefs dont la particularité est leur diversité (VFR/IFR, civils/militaires, tous types d’aéronefs). Cette multi-activité demande un travail de coordination et d’adaptation quotidien qui porte ses fruits puisque certains usagers choisissent désormais Niort comme escale privilégiée lors de leur passage par le centre ouest de l’Hexagone ». La baisse du nombre de mouvements par rapport à la période de début d’exploitation par la ville s’explique à la fois par une baisse des activités Aviation légère et un enregistrement des mouvements beaucoup plus précis et non pas sur des estimations fournies par les utilisateurs basés.
Parallèlement au développement de l’activité Aviation générale, la ville de Niort a poursuivi ses actions en faveur de la préservation de l’environnement. Ainsi, les agents municipaux ont effectué des opérations de replantage d’arbres, assuré un entretien majeur de la prairie calcaire avec notamment des lycéens en formation « entretien d’espaces naturels » venus se former à l’entretien d’un site de grande surface comme un aérodrome – des résidus de fauche sont utilisés pour créer une barrière naturelle limitant l’accès au terrain.
L’aérodrome à également « adhéré au programme Pictagraine consistant à prélever des graines avant le fauchage afin de les réimplanter localement. Des clauses environnementales ont été ajoutées aux conventions d’exploitations agricoles, tout cela en lien étroit avec les associations de protection de l’environnement (Deux-Sèvres Nature Environnement, Groupe ornithologique des Deux Sèvres, Conservatoire des Espaces naturels) ».
Parmi les projets récents ou en cours, figure la station carburant qui vient de faire l’objet d’importants travaux en partenariat avec Total – ce qui pérennise ainsi à l’avenir les activités aéronautiques. L’aérogare « Espace Max Melun » sera « très prochainement réhabilitée afin de mieux valoriser le territoire desservi et d’améliorer les conditions d’accueil des usagers et visiteurs. Un projet majeur d’évolution du service SSLIA est également en cours de réflexion afin d’exploiter l’aérodrome au maximum de ses capacités et de renforcer son rôle d’outil au service du territoire » précise Olivier Dupont.
« L’impact direct de l’aérodrome se mesure par rapport aux prestations de services demandées par les usagers aux commerçants locaux » – le montant est estimé à environ 150.000 € chaque année sur la base des dépenses en restauration, hôtellerie, transports par taxis, etc. – « mais ne se limite pas seulement à cela ». Pour Olivier Dupont, il convient également « de prendre en compte l’impact sanitaire (lors de vols médicaux garantissant à tous l’accès à des plateaux de soins éloignés), social (multiples temps d’accueil gratuits au profit de tous les publics), environnemental (préservation d’un havre de biodiversité au carrefour de zones économiques, agricoles et urbaines), économique indirect (certaines entreprises liant l’accessibilité de leurs sites à leur développement) et politique (soutien aux forces militaires dans le cadre de leur préparation aux déploiements) ».
Mais le bilan d’exploitation de l’aérodrome de Niort-Marais poitevin peut aussi se résumer à cette seule phrase : « Pour la huitième année consécutive, l’aérodrome équilibre ses dépenses de fonctionnement (hors salaires) par ses recettes ». De quoi donner, peut-on espérer, des idées à d’autres municipalités… ♦♦♦
Photos © via Olivier Dupont/aérodrome Niort-Marais poitevin