Quelques rappels de saison sur l’usage du réchauffage carburateur…
Si le BEA a rebattu les cartes au niveau du givrage carburateur, notamment pour les graphiques évoquant les conditions les plus critiques en termes d’humidité et de température, le givrage carburateur reste une menace bien présente, notamment à l’approche de l’hiver quand les températures ambiantes ne dépassent pas les 15°C dans la journée, d’où des températures le matin juste au-dessus du 0°C.
C’est cette zone de températures qui est la plus propice au phénomène. Car s’il fait -20°C en température ambiante, l’air est trop sec pour susciter le moindre givrage et le réchauffage carburateur devient alors inutile. Et donc si la période automne-hiver reste propice au givrage carburateur, il faut se rappeler que l’on peut givrer aussi en plein été, en volant tôt le matin par exemple (faible température) et s’il a plu la veille, la rosée (humidité) recouvrant l’herbe du terrain. Une approche sur un plan trop fort, une réduction du régime moteur le temps de faire un rattrapage de plan et la reprise du moteur n’est pas certaine. Dans certains cas, ce sera au moment de l’arrondi, manette des gaz tirée à fond que l’hélice décidera de rester en croix, interpellant le pilote sur l’absence de réchauffage carburateur alors qu’il fait « très beau » et que le ciel est clair… Un exemple de situation similaire ici.
Avec les températures actuelles, fleurtant avec les valeurs tout juste positives en début de matinée et atteignant difficilement la température « standard » de 15°C dans la journée, le givrage carburateur peut ainsi être rencontré dès le démarrage du moteur, ce dernier s’étouffant après avoir accepté quelques temps moteur ou perdant progressivement des tours alors qu’il est mis en chauffe avant le roulage. Dans certains cas, le pilote devra rouler avec le réchauffage carburateur actif – bien que cela ne soit pas idéal car l’air d’admission n’est alors pas filtré – qu’il faudra repousser à la mise de gaz au décollage.
C’est en effet à bas régime, avec un clapet (ou papillon) de carburateur déjà largement refermé, que le givrage pourra se former, suite à l’abaissement de la température due à la détente de l’air dans le venturi du carburateur et à la vaporisation de l’essence pour créer le mélange air/essence nécessaire à l’alimentation de la chambre de combustion. Cette chute de la température dans le carburateur peut atteindre 10 à 20°C, certains textes évoquent même jusqu’à 30°C. C’est alors la condensation et le givrage de la vapeur d’eau contenue dans l’air d’admission qui suscitent le phénomène.
Le carburateur étant ainsi obstrué par le givre, l’alimentation du moteur ne peut être optimale. Sur avion à hélice à calage fixe, l’effet pour le pilote sera dans un premier temps une baisse du nombre de tours, imposant progressivement de pousser toujours plus en avant la manette des gaz pour maintenir une valeur stable au tachymètre. C’est déjà le signe avertisseur qui doit entraîner une réaction rapide avec l’application totale du réchauffage carburateur.
Sur appareil à hélice à calage variable (vitesse constante), l’effet pour le pilote n’est plus une chute des tours mais une chute de la pression d’admission (PA). Tout en n’annulant pas la totalité des risques, un système d’injection améliore grandement la situation. Pour les appareils équipés d’un indicateur de température du carburateur, la plage jaune est à surveiller en évitant que l’aiguille ne s’y trouve, la position de cette dernière devant être modifiée par l’application du réchauffage carburateur.
Avec le réchauffage carburateur appliqué, le moteur ne bénéficie plus de l’air à température ambiante mais d’un air réchauffé à l’intérieur d’un boîtier, lui-même monté en température par les gaz d’échappement. Qui dit air chaud dit air moins dense (et richesse accrue du mélange) et donc moins de puissance délivrée, d’où des performances moindres au décollage si l’on a oublié d’annuler le réchauffage carburateur et aussi lors d’une remise de gaz.
Sur certains avions de faible puissance, un manuel de vol peut ainsi préconiser de supprimer le réchauffage carburateur en courte finale. Sur remise de gaz, avec réchauffage carburateur actif, l’augmentation forte de la température dans la chambre de combustion peut amener à des à-coups moteur, pouvant aller jusqu’à la détonation ou le préallumage), rappelant à l’ordre le pilote sur la nécessité d’annuler le réchauffage carburateur.
D’où la nécessité aussi au point fixe, avant de décoller, de vérifier le bon fonctionnement du réchauffage carburateur, l’absence d’efficacité devant entraîner un renoncement. L’étude du BEA précise que « pour un moteur équipé d’un carburateur à flotteur, pour une puissance de 75 % de la puissance maximale et au niveau de la mer, un dispositif de réchauffage est exigé, dont il est attendu qu’il permette une élévation de la température de 50°C. On note que ces exigences sont fixées pour des conditions de température extérieures particulièrement faibles (-1 °C pour l’EASA) ».
En vol, il faudra considérer le système comme « anti-givrage » et non pas « dégivrage ». C’est donc un système préventif et non pas curatif car une fois le moteur calé par le givre, le réchauffage carburateur ne sera plus d’aucune utilité, faute de réchauffage de l’air… sauf une fois dans le champ, glaçon fondu et moteur rédémarrant du premier coup. Mais en croisière, avec un régime moteur élevé, il est rare de givrer côté carburateur sauf à avoir décollé alors que les conditions sont vraiment peu propices (conditions givrantes… connues).
Aussi, dès l’apparition des symptômes annonciateurs d’un début de givrage carburateur, le réchauffage carburateur doit être appliqué à fond (chaud) car le système fonctionne en « tout ou rien ». Si le givrage était tout juste naissant, l’application du réchauffage carburateur va entraîner une remontée des tours hélice (hélice à pas fixe) ou de la pression d’admission (hélice à pas variable). Si le givrage était plus important, le réchauffage du carburateur va entraîner la fonte du givre et donc imposer l’absorption de l’eau par le moteur. Il faut donc accepter ces « ratatouilles » passagères et bien conserver l’application du réchauffage carburateur pour retrouver un fonctionnement nominal.
Avec une fonction seulement préventive, il est impératif en tour de piste d’appliquer la réchauff carbu AVANT la réduction du régime moteur pour atteindre l’arc blanc des volets, afin de laisser le temps au système d’entrer en action et d’augmenter la température du carburateur en quelques secondes. Réduire le régime puis appliquer le réchauffage carburateur n’est assurément pas la bonne procédure… ♦♦♦
Schéma © FAA