Un constructeur français de l’entre-deux-guerres sorti de l’oubli…
Gérard Bousquet a déjà publié divers livres ou fascicules, notamment sur les hydravions.
On lui doit entre autres un magistral « Paquebots volants : les hydravions transocéaniques français » (Docavia, épuisé…). Cette fois, il s’est attaqué à un constructeur français de l’entre-deux-guerres peu connu. Si des livres ou des fascicules ont en effet déjà été publiés sur les Loire 43, 45 et 46, l’hydravion Loire 130 ou encore les bombardiers en piqué Loire-Nieuport,
ils sont tous désormais épuisés. De plus, ils n’avaient traité que quelques modèles et non
pas la totalité de la production sortie des chaînes d’assemblage du constructeur.
C’est donc désormais chose faite avec cet ouvrage sorti fin 2023 pour les 100 ans des débuts de l’industrie aéronautique à Saint-Nazaire, activité qui se poursuit de nos jours sous les couleurs d’Airbus, avec la production d’éléments d’avions de ligne allant des 320 au 350 via
le 220 ou le 400M sur les sites Airbus Atlantic à Saint-Nazaire et Montoir-de-Bretagne.
À l’issue de la Première Guerre mondiale et suite à la chute des marchés militaires, les industriels doivent se diversifier. C’est le cas du premier chantier naval en France, les Chantiers et Ateliers de Saint-Nazaire-Penhoët qui, après la réalisation des grands navires, vont utiliser leurs compétences dans le domaine du métal pour se lancer dans le domaine aéronautique, tendance hydraviation puisque la coque d’un hydravion est similaire à celle d’un bateau.
Le premier projet s’avère très ambitieux, avec un appareil de 18 tonnes motorisé par 5 moteurs, le Richard-Penhoët RP type 1 destiné à des vols commerciaux sur la Méditerranée. L’épaisseur de l’aile permet à un mécanicien d’accéder aux moteurs en vol… Le premier vol du plus grand hydravion au monde à l’époque (40 m d’envergure) a lieu en juin 1926 mais un accident met fin à l’aventure en avril 1928. Le suivant, plus modeste – un trimoteur de 10 places à flotteurs – le Wibault-Penhoêt 240 connut un sort similaire, finissant au fond de la rade de Saint-Nazare lors des premiers vols.
Malgré ces débuts difficiles, d’autres appareils métalliques vont cependant suivre dans la région avec les Ateliers et chantiers de la Loire. La dénomination Loire sera déclinée
au fil des années sous les noms de Loire-Gourdou-Leseurre (LGR, 1925) puis Avions Loire (1931), avant de devenir Loire-Nieuport (LN) en 1935, le stade final étant en 1937 la nationalisation de l’entreprise au sein de la Société nationale de constructions aéronautiques de l’Ouest (SNCAO) puis de la SNCASO en 1941.
Si l’aventure « Loire » a ainsi duré une quinzaine d’années seulement, ponctuées de dizaines de prototypes, peu d’appareils ont connu la série et une importante production. La société
a également produit des appareils sous licence, du Potez 25 au Dewoitine D-501 en passant par le Bloch 200. Pour les productions maison, il faut citer des hydravions novateurs mais restés sans suite à cause des hostilités en 1940 – du bimoteur LN-10 au monoplace de chasse Loire 210/211 – de nombreux projets restés au stade du plan 3-vues ou de la maquette de soufflerie ou des appareils « ratés » tel le trimoteur Loire 30 dit « La Lessiveuse » avec sa tourelle canon à l’avant !
Au milieu, on trouve une série de 450 chasseurs LGL 32 à aile parasol produits à Saint-Nazaire et réceptionnés à Escoublac (La Baule), ou une soixantaine de Loire 46 déjà obsolètes à leur arrivée en unité avec leur aile type PZL censée améliorer la visibilité… Il y aura cependant dans les années 1930 plusieurs hydravions produits en série pour la Marine mais peu dépasseront
la centaine d’unités. Sous les couleurs de la SNCAO, le quadrimoteur CAO-700 achevé
et prêt à voler à Istres en juin 1940 sera finalement ferraillé à la demande de l’Occupant sans
le moindre vol.
Ainsi, les avions et hydravions produits en région nazairienne auront connu des destins très mitigés pour la plupart. Ce pan méconnu de l’industrie aéronautique française de l’entre-deux-guerres méritait d’être contée et cet ouvrage est le premier à traiter la totalité des appareils liés au constructeur Loire sous ses différentes identités. Tous les appareils et projets sont passés en revue avec plan 3-vues, plans d’aménagement, plus de 400 photos sans compter de multiples annexes dont une vingtaine de profils en couleurs, les appareils proposés sous forme de maquettes, l’évolution de l’usine au fil du temps, les modèles de soufflerie ou des codes QR vers des vidéos.
La partie « humaine » n’est pas oubliée avec la une « galerie de portraits » des différents acteurs de cette aventure industrielle, avec notamment les principaux ingénieurs du bureau d’études (Yves Jan-Kerguistel et Alfred Asselot) et les pilotes d’essais (notamment Maurice Morin, Arthur Surtel et le chef-pilote Pierre Nadot). Sorti à la mi-2023, ce très complet panorama des « Loire » entre 1923 et 1940 méritait bien ici ce coup de projecteur… ♦♦♦
– Les avions et hydravions Loire (Saint-Nazaire 1923-1940), par G. Bousquet. Editions Jose Fernandez. 376 p. 65,00 € Diffusé via eBay ou via fernandezairmag@yahoo.fr