Le syndrome de la destinationite peut mener à la perte de contrôle par perte des références visuelles…
C’est un rapport du BEA comme d’autres sur la même thématique, avec pour titre « Perte des références visuelles extérieures, collision avec le sol ». S’il est facile a posteriori d’observer la mise en place progressive de la chaîne d’événements menant à l’accident, il faut aussi noter les quelques « clignotants » qui auraient dû alerter le pilote et l’inciter à renoncer à poursuivre le vol…
Le pilote, après avoir fait escale à Vinon-sur-Verdon, consulte plusieurs sites d’information météorologique, précisant au téléphone à ses proches qu’il n’est pas sûr de pouvoir repartir, transmettant à cette occasion une photo qui montre un ciel peu engageant, au plafond bas. Néanmoins, deux heures plus tard, il redécolle. Il contacte le SIV, précisant qu’en raison des conditions météo, il doit zigzaguer par rapport à son cap nord-ouest. Une dizaine de minutes plus tard, il annonce faire route vers Aubenas, prenant un cap vers l’ouest.
Une dizaine de minutes plus tard, sur la fréquence d’un autre SIV, il s’annonce « à 15 minutes de Mende dans des conditions pas très bonnes ». Le contrôleur lui précise qu’un autre avion est passé une vingtaine de minutes auparavant plus au nord. Le pilote collationne mais ne change pas de cap. Le contrôleur recommande de « garder les conditions VMC », le pilote répondant qu’il « essaie ».
Cinq minutes plus tard, le contrôleur lui précise que les conditions s’améliorent près de Mende. Quatre minutes plus tard, le biplace alors à 4.400 ft entame un 360° avec un taux de virage élevé, donc sous forte inclinaison. L’appareil accuse un fort taux de chute, atteint les 4.000 ft, survole le relief à moins de 85 m de hauteur (le pilote en a-t-il eu conscience ?) puis remonte à plus de 4.700 ft. Une minute plus tard, le pilote annonce être entré en IMC et demande un cap vers Aubenas. Il ne répondra plus au contrôleur, l’appareil ayant percuté le relief après perte de contrôle par virage serré à droite, en descente.
Météo-France a précisé qu’au moment du décollage, le ciel était couvert à Vinon (903 ft) avec une base des nuages comprise entre 3.000 et 6.500 ft. Au-dessus du Vaucluse, la base des nuages remontait avec un ciel plus clair mais dans le Gard et la Lozère, les nuages bas étaient à nouveau présents à l’approche d’une perturbation pluvio-orageuse. La visibilité était réduite sur les Cévennes et proche du lieu de l’accident. Si la trajectoire suivie évitait l’essentiel des précipitations, l’appareil évoluait au nord d’une zone orageuse très active. À l’heure de l’accident, la masse nuageuse descendait jusqu’au sol (brouillard épais confirmé par un témoin au sol), englobant le relief, avec un sommet des nuages entre 6.000 et 6.500 ft et une autre couche entre 9.800 et 15.000 ft.
L’accident a eu lieu un samedi de septembre 2023. Le pilote avait un rendez-vous le lundi suivant à destination. Dès le vendredi, il avait noté que les conditions ne seraient pas bonnes pour le vol prévu le samedi depuis la Corse, avec un plafond nuageux bas en cours de route. Lors de son étape à Vinon, il a confirmé des conditions jugées médiocres, pouvant le retarder d’une journée. L’enquête du BEA « n’a pas permis d’établir avec certitude les raisons qui l’ont incité à redécoller pour rejoindre sa destination le jour-même ».
La connaissance qu’avait le pilote des bonnes conditions météo sur la fin du parcours et son expérience de vol – dont une qualification de vol aux instruments valide entre 1993 et 2004, et un horizon artificiel installé sur le tableau de bord – ont pu retarder sa décision de faire demi-tour face à la dégradation des conditions météo, en zone montagneuse. La décision de déroutement aurait pu mener à une issue positive. Et le BEA de rappeler les « risques associés à la perte des références visuelles en soulignant le danger de l’objectif Destination et de l’obstination à poursuivre un vol ».
La prise de décision (savoir renoncer) n’est pas simple à prendre dans « le feu de l’action », d’où la nécessité de se donner – en amont – des limites à ne pas dépasser et si elles sont atteintes, il n’y a alors plus d’hésitation à avoir pour faire demi-tour et se dérouter. Des alarmes ont clignoté à plusieurs reprises durant le vol en question mais elles n’ont pas été prises en compte : décision de décoller malgré des conditions peu favorables, difficulté à maintenir les conditions VMC… sans compter la présence de nuages bas à proximité, avec peu de marges par rapport au relief sachant qu’en région montagneuse, les conditions météo peuvent rapidement varier localement. Mais les régions de plaine ne sont pas exemptes de ces risques de plafond bas menant à la perte de contrôle. ♦♦♦
Lien vers le rapport du BEA :
PerteDeControle