Piper Aircraft répond à la FAA sur le dossier des longerons de voilure de PA-28 et PA-32.
Depuis quelques mois, Piper Aircraft se trouve pointé du doigt par la FAA suite à des problèmes de longeron sur les modèles PA-28 et PA-32. L’administration fédérale a sous le coude des projets d’Airworthiness Directive (CN) renforçant les mesures à prendre pour vérifier, remplacer ou réparer des longerons de voilures au niveau de l’emplanture. Des commentaires de la part des utilisateurs restent possibles jusqu’au 7 novembre 2024, avant que la FAA ne prenne sa décision définitive.
Par la voix dd son président, John Calcagno, et du vice-président en charge de la production, Marc Ouellet, Piper Aircraft n’a pas laissé passer l’occasion de répondre à la FAA, remettant en cause certains points des projets de la FAA et souhaitant apporter leur point de vue.
Le contexte est tout d’abord rappelé pour cette société créée il y a plus de 85 ans, avec des longerons de voilure des modèles 28 et 32 produits de 1961 à 2023 et installés sur plus de 40.000 appareils, dont plus de 20.000 sont encore en état de vol aux Etats-Unis.
Le constructeur rappelle que l’AD précédente en 1987 imposait une inspection des PA-28 et PA-32, en démontant les voilures pour une inspection visuelle et application de produits de détection des criques sur la partie inférieure du longeron. Durant ce processus, 559 avions ont été inspectés dont 2 révélant des criques. Selon Piper, ces appareils étaient utilisés en conditions sévères, avec de lourdes charges supportées par les longerons.
En mai 1989, la FAA a revu sa copie, considérant que les inspections pouvaient endommager les emplacements des boulons de longeron si l’opération n’était pas menée correctement et que le bilan sécurité/vérification n’était donc pas satisfaisant. Ce point reste d’actualité pour Piper Aircraft, après avoir notamment assuré de nombreuses réparations suite à un retrait inapproprié des boulons de reprise des longerons de voilures (ovalisation des logements), et ce, malgré un Bulletin Service (n°1372) définissant les procédures à suivre. Le constructeur précise qu’un pas plus réduit pour les inspections risque d’augmenter les problèmes, avec spirale divergente… en créant un cycle accru de criques de fatigue.
La FAA a reconnu que des appareils dépassant les 19.000 heures de vol n’ont pas révélé de criques. Une école compte 11 PA-28-181 Archer II âgés de 24 à 27 ans, dont quatre ont dépassé les 23.000 heures de vol (dont l’un affiche 41.000 heures de vol !), tous sans révéler de criques. Le constructeur s’appuie sur des essais statiques menés dans les années 1950/1960 avec jusqu’à 300.000 cycles effectués sans rupture, les 70.000 premiers cycles étant suivis par la FAA, point qui a été omis par la FAA selon Piper Aircraft – le constructeur affirmant l’absence de problème si un appareil est utilisé selon le manuel de vol… et précisant que le coût des inspections sera élevé au regard du faible gain en sécurité ainsi révélé.
Le constructeur passe ensuite en revue 11 des 40.000 appareils (estimation de 200 millions d’heures de vol) qui ont révélé des criques après études métallurgiques. Un PA-28-181 de 1987 a assuré de la surveillance de pipelines, dans un environnement jugé « sévère » par le constructeur. Deux PA-32-300 ont été modifiés au niveau du train d’atterrissage par STC, avec une utilisation imposant de multiples remplacements d’éléments du train principal. L’accident d’un PA-28-181 a eu pour « cause probable » une surcharge structurale due aux conditions météorologiques. Le NTSB avait indiqué qu’un des boulons pouvait ne pas avoir été installé car l’aile n’avait pas été endommagée à cet endroit.
Un autre PA-28R-201 accidenté en instruction comptait 7.690 heures de vol et 33.276 atterrissages. Un second PA-28R-201, également utilisé en école, affichait 7.660 heures de vol et 33.288 atterrissages. Un autre PA-28R-201 aux 9.378 heures de vol était propriété d’un privé après 6 ou 7 années d’instruction en école. Un PA-32-300 aux 15.580 heures de vol avait connu un accident avec remplacement de la voilure. Un PA-28-181, également utilisé en école, comptait 4.156 heures de vol. Un PA-32-300 (5.318 heures de vol) avait été accidenté.
Enfin, un PA-28R201 comptait 5.858 heures de vol mais son historique n’est pas connu.
Sur les 559 avions inspectés à la date de janvier 1988, seulement 2 avaient révélé des criques, soit 0,537% de la flotte. Après 2018, six autres appareils ont été concernés sur une flotte inspectée de près de 3.100 appareils soit 0,194%.
Par ailleurs Piper remet en cause les propos de la FAA indiquant que le constructeur avait modifié son processus de fabrication pour proposer de nouveaux longerons. Piper précise
qu’il en est ainsi depuis 2019. À partir de 2023, des angles additionnels ont été ajoutés aux longerons et des appareils sont concernés par les inspections souhaitées par la FAA, avant et après ces évolutions. Piper Aircraft n’est pas en phase avec les méthodes de calcul au niveau de l’analyse et des inspections proposées, notamment sur la formule à prendre en compte au niveau des heures d’utilisation.
Il en est de même sur les heures de maintenance pour assurer l’inspection et donc le coût de l’intervention. La FAA a retenu un coût horaire moyen de 85 dollars alors que selon Piper le coût moyen dans les ateliers atteint les 141 dollars par heure. Le coût pourra cependant varier selon la répartition des avions en deux groupes d’après leurs heures de vol. Au final, la facture pourrait, aux Etats-Unis, s’établir entre 19.000 et 22.500 dollars pour les inspections, à compléter de 18.650 dollars pour le kit de réparation, ou 33.000 dollars environ s’il faut remplacer les longerons en notant que le changement des deux voilures atteint les 140.000 dollars. Le constructeur met en avant des coûts prohibitifs sans compter le temps d’immobilisation des appareils dans les ateliers.
Le constructeur de Vero Beach demande donc à la FAA de revoir sa copie, avec les arguments développés ci-dessus : des criques dues à un usage sévère sur un très petit nombre d’appareils, l’absence de rupture sur des appareils utilisés selon le manuel de vol, des inspections qui peuvent aggraver le problème, un calcul des heures d’utilisation complexe, des divergences de vues sur l’approche analytique du dossier… et une AD précédente qui reste valide aujourd’hui. ♦♦♦
En téléchargement, les commentaires de Piper Aircraft
PiperVsFAA