Un dossier à mener pour faire respecter les droits des usagers aéronautiques…
Le dossier n’est pas nouveau mais l’année 2024 aura été symptomatique suite au grand nombre d’envahissements d’aérodromes par les gens du voyage, menant à l’exacerbation de cette problématique. Si Laon-Chambry a finalement échappé à plusieurs centaines de caravanes sur ses pistes après de multiples actions et de colossaux efforts insoutenables par les bénévoles d’un aéro-club, Bourg-en-Bresse, Oyonnax, Pont-sur-Yonne, Nuits-Saint-Georges (à trois reprises dans la saison pour ce dernier…) et d’autres terrains ont vu leur activité suspendue.
Dans certains cas, la menace était connue depuis des mois, même si la préfecture locale laisse souvent planer le doute sur la destination finale des rassemblements des gens du voyage, étant ainsi complice d’un état de fait illégal. Mais parfois, les utilisateurs de la plate-forme sont mis devant le fait accompli en étant prévenus seulement quelques heures avant l’envahissement de leur terrain, les empêchant alors de protéger leurs installations et/ou de délocaliser des machines pour espérer conserver une certaine activité sur un terrain proche. Ce fut le cas de Carpentras, sous l’oukase du sous-préfet local, Bernard Roudil.
Il n’est pas question ici de remettre en cause le mode de vie des gens du voyage mais il n’est pas non plus acceptable dans un Etat de droit qu’ils envahissent un aérodrome et ainsi stoppent toute activité aéronautique, bloquant plusieurs associations ou ateliers de maintenance, avec d’importantes conséquences économiques. La liberté des uns s’arrête où la liberté des autres commence… Et il faudrait parler des problèmes connexes : détérioration des pistes et taxiways en herbe par des véhicules routiers, branchements sauvages sur le système électrique, déchets multiples laissés sur place – un bilan inacceptable mais pourtant toléré par les préfectures, bras armé de l’État dans les régions. Un Etat voyou donc… avec l’aval du ministère de l’Intérieur dont le ministre actuel veut de « l’ordre partout » mais ferait bien de commencer par ses propres troupes.
Dans sa dernière newsletter, la FFA a diffusé une information relative à ce dossier dont voici l’intégralité du texte mis en ligne sous le titre « La FFA et le CNFAS s’engagent pour la protection des plateformes aéronautiques françaises » : « Après Laon, Nuits-Saint-Georges, Oyonnax et Bourg-en-Bresse – entre autres – c’est maintenant un rassemblement de 3.000 personnes qui se sont installées sur l’aérodrome de Carpentras, à l’instigation de la Préfecture du Vaucluse.
Ni l’organisme gestionnaire ni les associations utilisatrices de la plateforme n’ont été prévenus de cet envahissement qui va paralyser toute l’activité aéronautique et sportive pendant plusieurs semaines, mettant en péril l’économie des entités basées. Les vols ne sont plus possibles et une manifestation bénévole au profit d’une centaine de personnes handicapées a dû être annulée.
Par l’intermédiaire du Conseil National des Fédérations Aéronautiques et Sportives (CNFAS), la FFA a une nouvelle fois sollicité l’intervention d’urgence du ministère de l’Intérieur afin d’interrompre cette occupation et les dégradations inévitables qui vont en résulter. En effet, la multiplication des envahissements de terrains aéronautiques menace tout un écosystème :
– L’activité aéronautique et sportive est alors bloquée pendant plusieurs semaines, mettant en péril l’économie des entités basées.
– L’intégrité et la sécurité des aéronefs et des installations sont à risque, des dispositifs de protection des installations peuvent être endommagés.
– La biodiversité aéroportuaire est piétinée et sérieusement mise en danger ».
« L’engagement » ainsi annoncé semble bien faible s’il s’arrête à l’envoi d’un courrier au ministère de l’Intérieur puis consiste à attendre le bon vouloir de ce dernier pour consentir
une réponse réelle et non dilatoire. Si l’on prend le dernier exemple en date, relatif à l’envahissement du terrain de Carpentras, on note que le mercredi 2 octobre 2024 en soirée, le maire de Carpentras – prévenu à la dernière minute – s’opposait à l’arrivée de 600 caravanes sur l’aérodrome, sans succès. Le lendemain 3 octobre, elles étaient déjà sur place… Le courrier du CNFAS est daté du vendredi 4 octobre.
Admettons – bien que de nos jours, cela soit utopique au regard des délais désormais « normaux » de la Poste – que ce courrier arrive au ministère le lundi 7 octobre. Le temps de le lire dans la pile de courriers quotidiens, de le prendre en compte par le cabinet du ministre aux prises avec bien d’autres dossiers plus urgents (des taxes sur les compagnies aériennes aux 50 km/h sur le périphérique parisien en passant par les tarifs de la SNCF), de rédiger une réponse diplomatique pour inévitablement préciser que le ministre a bien pris en compte le problème et que ses équipes vont prochainement s’en charger en prenant contact avec
le préfet concerné, il faudra minimum 3 à 4 jours supplémentaires en étant très optimiste, rajoutons un week-end dans le calcul et la réponse-qui-sert-à-gagner-du-temps arrivera dans le meilleur des cas une dizaine de jours après l’envahissement du terrain, voire bien souvent après le départ des caravanes. Plus de problème à gérer, circulez, rien à voir… jusqu’au prochain envahissement, quelques semaines plus tard, sur un autre terrain, dans une autre région, avec un autre préfet…
Ainsi, le monde aéronautique aura toujours un… train de retard sur ce type de dossier, répétitif depuis des années, se faisant berner de terrain en terrain avec une réactivité « décalée ».
Il faudrait donc aller plus loin, entamer une démarche juridique, faire du lobbying, diffuser dans la presse une lettre ouverte au ministre, etc. lui rappelant qu’il est dans un gouvernement basé sur l’État de droit… que ses préfets ne respectent pas – aux services juridiques des fédérations de déterminer une stratégie un brin plus agressive qu’une simple missive dont on sait qu’elle ne servira à rien.
L’objectif à atteindre est d’obtenir une décision nationale, actée et envoyée à toutes les préfectures, leur rappelant – à nouveau – qu’un aérodrome ne peut pas être considéré comme une aire d’accueil des gens du voyage. Les plates-formes aéronautiques ne peuvent servir de bouc-émissaire pour combler les lacunes en matière d’aires d’accueil dans les agglomérations de plus de 5.000 habitants. Les courriers diplomatiques vers le ministre, c’est le degré zéro des démarches de nos jours. Tout au plus l’apéritif avant de passer au plat de résistance… Même quand l’arrivée de centaines de caravanes est programmée plusieurs mois à l’avance, ces courriers envoyés en amont ne reçoivent que des réponses creuses et dilatoires, comme le prouvent les multiples cas enregistrés ces dernières années.
On ne peut assurément pas se contenter d’un tel « engagement »… ♦♦♦
Photo © Fabien Cooper. Carpentras, octobre 2024.