La machine à créer de la ZIT et de la ZRT sans SUP-AIP fonctionne à fond…
Après les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques qui ont « bloqué » l’aviation générale en région parisienne pendant des semaines, on pouvait penser à un retour à la normale… L’optimisme n’est pas interdit… Mais le SUP-AIP 188/24 est venu livrer sa douche froide, avec une interdiction de vol le samedi 5 octobre 2024 en région parisienne suite au Sommet de la Francophonie. La délimitation de la ZRT Francophonie (SFC/FL085 de 8h00 à 21h00 locales) est bien claire, excluant toute activité de la Circulation aérienne générale (CAG VFR) dans le secteur et notamment pour les aérodromes d’Enghien-Moisselles, Beynes-Thiverval, Chavenay-Villepreux, Saint-Cyr l’École, Chelles-Le Pin, Lognes-Emerainville, Toussus-Le Noble) sans oublier Issy-les-Moulineaux. L’activité IFR au départ et à l’arrivée du Bourget, de Paris-CDG et d’Orly n’est pas limitée même si des événements par le passé ont bien montré que la menace est bien plus importante avec un avion de ligne qu’un avion léger…
Mais ce n’était pas tout ! Ce serait trop simple dans un pays dont le Plan de sécurité de l’Etat (PSE), décliné au niveau de l’aviation générale, prévoit une amélioration de l’information aéronautique à l’horizon 2028 ! Une ZRT et la ZIT sur la capitale ne suffisaient pas… Deux Notam récemment validés par les « autorités » rajoutent une ZIT et une ZRT supplémentaires…
La première (ZIT « Villers », SFC/085, localisation imprécise en image ci-dessous) est comprise dans un cercle de 8 nautiques de rayon centré sur le château de Villers-Cotterets
– alias la Cité internationale de la langue française… – également concerné par ce Sommet de la Francophonie. Cette ZIT sera active le jeudi 3 octobre (12h00/17h00 locales) et le vendredi
4 octobre de 9h00 à 21h00. 50 à 60 chefs d’Etat, hauts dignitaires étrangers, ministres, institutionnels y sont attendus…
Aux mêmes horaires, il faudra également prendre en compte la ZRT « Thierry ». Et là, c’est le pompon. Pour la localiser, il faut « plotter » 6 points communiqués en coordonnées longitude-latitude et tracer de plus un arc horaire de 16 nautiques de rayon centré sur l’un des points, le tout « à l’exclusion » de la ZIT « Villers » précitée. Mais de qui se moque-t-on au 21e siècle, à l’ère des cartographies en 2 et 3D, du GPS, des applications numériques de navigation et de l’intelligence artificielle pour appeler ces deux Notam de « l’information aéronautique » diffusée par « la référence » en la matière. Ils ne sont même pas foutus de sortir un unique SUP-AIP concernant ce Sommet de la Francophonie avec toutes les ZIT et ZRT clairement affichées sur un extrait de carte lisible ! Et ce sont les mêmes qui vont annoner ensuite que les pilotes doivent bien préparer leurs vols malgré les moyens obsolètes, imparfaits et « piégeux » mis à leur disposition…
Cela fait des semestres que ce Sommet de la Francophonie est planifié, cela fait des mois que les réunions s’enchaînent pour son organisation à tous les niveaux de l’Etat et à une dizaine de jours de l’événement, après un premier SUP-AIP concernant le 5 octobre, c’est subitement deux Notam qui annoncent pour les 3 et 4 octobre des ZIT et ZRT de 8 à 16 nautiques de rayon et allant du sol au FL085. Il se pourrait, de plus, que le terrain de Soissons-Courmelles serve de base arrière à l’événement, aérodrome fermé donc pour y stationner des unités de logistique, de transport, de renseignement, de sécurité et d’intervention.
En 2007, deux ingénieurs généraux des Ponts & Chaussées avaient été missionnés par le ministre des Transports de l’époque pour rendre un rapport intitulé « Sécurité de l’activité Vol à moteur de l’aviation générale ». Dans ce document de 66 pages, Jean-Claude Finot et Alain Soucheleau, indiquaient déjà (page 32) : Souchet2007
« Il suffit de se pencher sur une carte de navigation en espace inférieur français pour constater la complexité des structures d’espaces au-dessus du territoire métropolitain. Il y a une imbrication d’espaces contrôlés de différentes classes et de zones dangereuses, réglementées ou interdites dont la représentation en deux dimensions est quasiment impossible. À ce dispositif, que l’on pourrait presque qualifier de « traditionnel » dans la mesure où il perdure depuis des décennies, se superposent depuis 5 ans environ, des « zones d’interdiction temporaire » (ZIT) et « zones réservées temporaires » (ZRT) qui, malgré leur définition présentent un caractère durable, étant périodiquement reconduites, mais qui surtout constituent des zones interdites de fait et sont théoriquement connues des usagers par la voie de l’information aéronautique temporaire (Notam, AIP-SUP) : cet état de fait constitue typiquement un domaine « d’insécurité réglementaire » au sens exposé plus haut, où, au nom d’une certaine conception du « principe de précaution », la pratique aérienne est rendue plus complexe sans que les bienfaits pour la collectivité en soient évidents ».
Dans les recommandations faites alors à la DGAC, figurait ce point (page 42) : « Pour que la complexité de l’espace aérien évoquée plus haut ne soit pas une cause d’insécurité, nous recommandons l’adoption de mesures visant à en faciliter la description, à « doser » les exigences pour la fréquentation des espaces soumis à autorisation, visant enfin à mettre en oeuvre et garantir un service d’information et d’assistance adapté ».
17 ans plus tard, on en est toujours très loin, la situation ne s’étant pas améliorée, voire est devenue encore plus complexe (nécessitant donc une information aéronautique à la hauteur des enjeux…) sans que les fédérations aéronautiques n’y trouvent mot à redire. Elles prennent acte de gardes à vue de pilotes pour avoir écorné une ZRT, avec une large disparité des sanctions selon la région, avalisant cet état de fait en publiant un récit de pilote « gardé à vue » sans le moindre commentaire, même si on peut lire sur leurs sites que parmi leurs missions figure la défense des intérêts des pilotes privés… ♦♦♦