Panne moteur au décollage, totale ou partielle…
aeroVFR publie cet été une série d’articles concernant le traitement des urgences. Il s’agit d’une synthèse de différents documents issus d’expériences vécues par des pilotes, de Rex ou de rapports d’incidents et/ou d’accidents diffusés par le BEA. Plusieurs situations d’urgence seront ainsi passées en revue de manière générale ou générique, avec les règles de base.
Il va de soi que les procédures préconisées par le manuel de vol de votre aéronef seront celles à appliquer en priorité.
Pour l’avoir déjà vu depuis le sol en conditions réelles, il est possible sur certains appareils de mettre en route, de rouler, de réaliser un rapide Achever au point d’attente avant de s’aligner et de subir une panne moteur peu avant la rotation… La raison : la précipitation et la mauvaise sélection du réservoir de carburant mais avec assez d’essence dans les canalisations pour maintenir le moteur actif durant quelques minutes. La vérification au point d’attente du réservoir en service, de sa contenance, de la mixture « plein riche » reste fondamentale.
S’il faut se méfier des jauges et vérifier son « bilan carburant » avec plusieurs méthodes et valider la cohérence des résultats (contrôle aux jauges, contrôle visuel si possible, contrôle de la consommation selon les vols inscrits dans le carnet de route, contrôle du niveau avec une réglette étalonnée…), il faut aussi se méfier d’un biais comme celui d’avoir fait les pleins la veille et donc d’être persuadé que la panne ne peut provenir d’un problème de carburant. Des vols de carburant ont déjà été constatés…
Si une panne moteur intervient en montée initiale, dans la quasi-totalité des cas, c’est un problème de choix de réservoir. La première action est de « rendre la main » et de piloter pour placer l’appareil sur une pente de descente pour éviter la perte de contrôle et la seconde action est un changement de réservoir… Deux articles sur le sujet ont déjà été publiés sur ce site (Panne moteur et Ratés moteur…). Si le moteur n’est pas reparti, c’est la vraie panne moteur après décollage (EFATO pour les Anglo-Saxons soit Engine Failure After Take-Off) et la nécessité de retrouver le sol dans les meilleures conditions, soit à la vitesse minimale, les ailes à l’horizontale – point qui fera l’objet du dernier article de cette série.
Le temps de réaction disponible dépend évidemment de la hauteur par rapport au sol quand la panne moteur intervient. Si c’est à 300 ou 400 ft, les marges de manoeuvre sont très faibles. Le tout droit s’impose sauf à éviter un obstacle devant soi. Vers 700 ou 900 ft, il est possible de changer de trajectoire, autour des 30° de part et d’autre de l’axe de décollage. Mais si le vent est latéral, on pourra virer au-delà de ces 30° forfaitaires pour aller chercher le vent de face et ainsi diminuer la vitesse sol à l’impact. Au-delà de 1.200 ou 1.500 ft, il y a plus de temps pour mieux analyser la panne, informer les passagers et choisir la zone d’atterrissage.
C’est là que pour certains appareils, dans certaines conditions (exemple : fort vent de face, donc pente sol importante en montée initiale, fort taux de montée, machine de bonne finesse à vitesse relativement faible, etc.), un retour au terrain peut être imaginé mais pas forcément recommandé à faire. Il ne suffit pas en effet de faire 180° pour retrouver la piste face à soi et, avec un vent dans le dos, la sortie de piste peut être plus négative en termes de dommages matériels. L’illustration de la FAA ci-dessous montre bien les limites de l’exercice…
La vidéo, en américain, figurant dans un article précédemment publié sur aeroVFR (L’impossible virage…) révèle les résultats obtenus lors de simulations. Les expériences de retour au terrain évaluées par l’AOPA américaine avec différents appareils (Piper Cub, RV, Cesna 172, Bonanza) montrent bien les limites du virage de retour vers la piste, avec des marges très faibles même quand les conditions sont favorables. Il en ressort que le retour à la piste peut être viable pour certains appareils, dans des conditions idéales, pilotés par des pilotes expérimentés qui se sont entraînés à la manoeuvre, le tout lors de simulations où il est toujours possible de remettre les gaz si la trajectoire ne convient pas. Autant de planètes très bien alignées qui ne seront pas là quand la panne sera réelle, avec le stress inhérent à cette situation.
Si elle est bien gérée, la panne moteur totale après décollage n’entraîne que des dommages matériels. C’est moins le cas si la panne est partielle, selon une étude australienne, montrant que les accidents mortels sont plus nombreux après une perte… partielle de la puissance après décollage par rapport à une perte totale de la puissance. Une étude et plusieurs rapports d’accidents du BEA confirment ce point. Cette situation est la plus critique, nécessitant des prises de décision avec un moteur ne délivrant pas toute sa puissance et sans connaître la raison de cet état, avec le risque d’une panne totale à tout moment. D’où la nécessité d’y avoir réfléchi auparavant, comme pour la gestion de toutes les pannes, d’où l’objectif de cette série d’articles ! ♦♦♦
Pour les instructeurs : l’exercice de panne moteur simulée après décollage est à considérer comme une phase critique. Sans connaissance des réactions de l’élève, il est préférable de la faire initialement avec une bonne marge de hauteur et d’être vigilant…
– Perte de contrôle en P2010
– Perte de contrôle en TB-10
– Atterrissage dur sur HR-200
– Décrochage à l’arrondi
– Décrochage en Cessna 150
Pour aller plus loin : un rapport du BEA
– Panne moteur en montée initiale