Savoir renoncer à temps plutôt que de s’enfoncer dans la nuit…
La « destinationite » ou le syndrome de vouloir atteindre coûte que coûte sa destination est une cause citée, chaque année, dans de nombreux rapports d’accidents, au point que le BEA en a tiré, il y a quelques années, une étude thématique se proposant « d’analyser les accidents survenus alors que les pilotes tentaient absolument de rejoindre leur destination ».
Quand l’objectif du vol est d’atteindre le terrain de destination, quels que soient les problèmes rencontrés par le pilote en route – de mauvaises conditions météorologiques notamment – l’issue est souvent fatale car la raison a été laissée au sol, avec l’introduction de différents biais maintenant le pilote dans son unique objectif, s’étant placé sous une pression temporelle l’empêchant de faire évoluer son projet d’action.
Mais ce peut-être aussi la poursuite du vol sous de bonnes conditions météo mais… de nuit, faute d’avoir pris des marges avec l’horaire de la nuit aéronautique. Quand la luminosité baisse, que la lecture des instruments sur le tableau de bord – non éclairé car l’appareil n’est pas prévu pour le vol nocturne – devient difficile, que les voitures au sol ont déjà allumé leurs phares, il est déjà grand temps d’être à portée d’un terrain. La notion du temps reste un facteur capital pour un pilote, avec la nécessité de suivre les données de sa montre au fil d’un vol et vérifier le respect ou non des temps de passage aux points de report, pour noter tout retard…
La prise en compte de l’heure du coucher de soleil et de la nuit aéronautique (+30 minutes en métropole) doit être bien appréhendée avant le décollage et si la marge est déjà faible, le feu de couleur rouge devrait s’allumer aussitôt dans le cerveau, menant au renoncement. Car, par rapport au coucher du soleil, de faibles marges horaires dès le décollage ont toutes les probabilités, tôt ou tard, de s’avérer insuffisantes, suite à un vent de face plus fort que prévu, une zone d’espace aérien à contourner, un aérodrome de destination mal connu…
Dans les rapports du BEA placés en annexe à cet article, il apparaît que certains pilotes ont décollé alors qu’il n’était déjà pas possible d’atteindre le terrain de destination avant la nuit… Ceci relève d’une préparation du vol insuffisante ou d’une croyance dans les miracles pour « arrêter le temps ». En vol, le suivi du déroulement de la navigation aurait dû mener à un déroutement, en faisant abstraction d’une interruption volontaire de vol, ultime porte de sortie si la « tunnelisation » a été totale…
Or, le vol de nuit ne s’improvise pas. Réglementairement, il faut déjà être qualifié VFR de nuit, ce qui nécessite quelques heures de formation et d’entraînement au PSV, sans compter un entraînement récent en cas d’emport de passagers. Il faut de plus que l’appareil soit homologué pour cette pratique, ce qui n’est pas le cas de tout ULM. Il faut encore avoir déposé un plan de vol. Faire abstraction de ces différents garde-fous révèle un excès de confiance dans ses capacités tout en n’étant pas qualifié VFR de nuit, ou une méconnaissance totale des différences de tenue machine entre vol de jour, avec de bonnes références visuelles, et vol de nuit, surtout par nuit noire dans une région peu urbanisée. ♦♦♦
Image © SEFA/DGAC
Quelques rapports du BEA sur le sujet…
NuitDR400
NuitRallye
NuitCirrus
NuitGuepard
NuitAutogire
NuitA22