Quand l’Etat bafoue le droit au préjudice des associations aéronautiques face aux déplacements des gens du voyage.
Il y a quelques semaines ou mois, c’étaient les aérodromes de Cambrai, Soissons-Courmelles, Pont-sur-Yonne et du Havre-Saint-Romain (liste non exhaustive) qui voyaient l’arrivée de gens du voyage sur l’emprise de leur plate-forme, interdisant toute activité aéronautique. Pour Soissons, l’aérodrome a ainsi été réquisitionné le 21 juillet dernier, avec installations de 120 caravanes à proximité des hangars et des pistes. Ceci faisait suite au « barrage » à base de blocs de béton, de bennes métalliques et de tranchées creusées par les membres de l’aéro-club de Laon-Chambry pour protéger leur aérodrome cible initiale des caravanes. Celles-ci ont finalement quitté Soissons le 29 juillet. Entre-temps, la solution de repli avait été pour la préfecture de réquisitionner le terrain de Soissons.
On connaît le dossier de Laon-Chambry, où l’aéro-club local reste très inquiet avec la menace de l’arrivée de 600 caravanes et 2.500 à 3.000 personnes sur l’aérodrome de Chambry à compter du 22 août prochain si la préfecture de l’Aisne n’a toujours pas compris qu’une telle situation sera vivement combattue sur place et que tout trouble à l’ordre public serait une conséquence des décisions… préfectorales.
Malgré les multiples sollicitations de l’aéro-club pour organiser une table ronde avec tous les acteurs concernés, la préfecture pratique en effet le mépris total, voulant « jouer la montre » et gardant le silence radio. Cependant, au même moment alors que la date fatidique se rapproche, la communauté d’agglomération du Pays de Laon (CAPL) a reçu récemment une injonction de la préfecture pour préparer un terrain à proximité de Couvron – une ancienne base de l’Otan et l’un des lieux alternatifs proposés par l’aéro-club sur une liste de 13 sites potentiels (photo en ouverture).
L’injonction à préparer l’accueil imposerait dans les faits de réaliser un coûteux branchement électrique, et à assurer la présence de citernes d’eau à louer, à remplir et à surveiller pour s’assurer que les qualités sanitaires sont maintenues malgré les fortes chaleurs actuelles régnant sur le nord du pays – le tout sous la responsabilité de la communauté d’agglomération…
Le président de la CAPL – Eric Delhaye, par ailleurs, maire de Laon – a refusé cette injonction au motif que les coûts seraient supportés par la CAPL. Il a suggéré au préfet de « réquisitionner » ce qui aurait pour effet de remettre les coûts de ce rassemblement hors norme à la charge de l’État. Le décideur (comme le pollueur) doit être le payeur. Pas de réponse… La menace de voir arriver 600 caravanes à Laon-Chambry demeure donc d’actualité.
La situation n’est pas unique. Du 3 au 16 septembre prochain, l’aérodrome de Bourg-en-Bresse a été réquisitionné par la préfecture de l’Ain pour accueillir un rassemblement évangélique des gens du voyage, soit 900 caravanes, 4.000 personnes et 1.500 véhicules attendus, avec un immense chapiteau installé. Ceci à la demande de l’association Action Grands Passages (AGP) qui « gère » les déplacements des gens du voyage. L’Etat a ainsi retenu l’emplacement de l’aérodrome, solution de facilité car répondant aux besoins de surface et « afin de mieux l’encadrer ».
Les acteurs locaux, au nombre de 14 structures dont certaines comptent des salariés (aéro-club avion, hélicoptère, planeur, entreprise de maintenance, restaurant) dénoncent une perte économique et ont symboliquement manifesté en sortant leurs machines sur le tarmac de l’aérodrome le 24 juillet dernier, lors de la venue d’une vingtaine de personnes de diverses autorités gouvernementales, présentes sur l’aérodrome pour valider les emplacements des caravanes.
La société Aerolight estime sa perte d’exploitation à 100.000 €. Le coût d’occupation des lieux durant 15 jours est chiffré à 400.000 €. La préfecture tient les habituelles promesses annonçant à la presse que l’impact économique sera pris en compte, avec une indemnisation des acteurs impactés mais sans préciser – évidemment… – sur quelles bases, selon quels délais sachant que des expériences passées ici ou là montrent que les promesses des préfectures peuvent en rester ensuite au niveau oral. Il faudrait un engagement écrit au préalable auquel se refuse la préfecture, bras armé d’un gouvernement démissionnaire qui prône une « République exemplaire » et se comporte en voyou… avec l’impunité auto-octroyée.
Si la loi du 5 juillet 2000, relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, prévoit l’élaboration et l’approbation dans chaque département d’un schéma d’accueil des gens du voyage (pour toute ville de plus de 5.000 habitants), ceci ne doit assurément pas se faire au détriment des associations aéronautiques dont les droits sont bafoués à chaque fois par l’État et leur existence économique menacée. Une réaction beaucoup plus énergique de la totalité du milieu aéronautique national et de ses représentants serait nécessaire mais la torpeur estivale n’est pas propice à une telle réaction… ♦♦♦
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