Situation rare mais à laquelle il faut être préparé pour réagir rapidement…
La sortie dissymétrique des volets est une situation rare mais critique car il s’en suit généralement une perte de contrôle que ne peut rattraper le pilote, faute de hauteur suffisante. Les volets étant appliqués pour obtenir de la portance au décollage (faible braquage) et de la portance mais aussi de la traînée en approche et à l’atterrissage (pleins volets), si les deux volets ne sont pas à la même position, une dissymétrie de portance s’en suivra inévitablement, entraînant l’appareil en virage plus ou moins prononcé.
Tous les cas de figure peuvent se retrouver. Ce peut être une rentrée dissymétrique après décollage. Un volet rentre mais pas l’autre, en notant qu’a faible vitesse et faible braquage,
les effets néfastes devraient être moindres qu’une sortie dissymétrique des pleins volets,
l’un ne sortant pas du tout ou restant au cran Décollage, le second se braquant totalement.
Cette sortie dissymétrique des volets pardonne rarement car l’affichage des volets se fait en tour de piste, généralement en vent arrière pour le premier cran et en finale pour le second. Dans les deux cas, l’appareil se trouve à faible hauteur et la reprise de contrôle par le pilote n’est pas assurée.
De tels accidents se retrouvent dans différents rapports au fil des décennies, même si cette cause est loin d’arriver en tête des statistiques. La sortie dissymétrique des volets fut ainsi la cause de l’accident mortel du racer Tsunami aux Etats-Unis en septembre 1991, un avion de course dans la catégorie Unlimited. Avec son instigateur et propriétaire aux commandes, John Sandberg, l’appareil de retour des courses de Reno était en approche quand l’appareil a été vu partir en virage serré à droite jusqu’au sol. Lors du convoyage, accompagné d’un Mitsubishi MU-2, une différence de 25 Kt avait été de plus notée entre les deux appareils, le Tsunami ne comptant alors qu’une vingtaine d’heures de vol.
Initialement, le Tsunami avait été conçu sans volets. Ils furent rajoutés par la suite par le propriétaire. Le NTSB notait alors que « les vérins des volets gauche et droit sont chacun constitués d’un cylindre hydraulique avec un piston hydraulique interne et une tige de vérin de volet attachée. Lorsque le piston et la tige sont sortis sous l’effet de la pression hydraulique, les volets sont poussés jusqu’à la position maximale de braquage de 44°. L’examen du mécanisme des volets a montré que la partie filetée des deux tiges de l’extrémité de la tige était pliée à 80° avant de se rompre. Les deux tiges se sont séparées de l’extrémité du palier à centrage automatique de l’assemblage ».
Plus récemment et dans notre domaine de l’avion « léger », c’est un APM-30 Lion qui a connu une rupture de la commande du volet gauche en août 2020. Le pilote, seul à bord, était en approche à Arras… A l’analyse par le BEA de l’épave, « la commande de volets a été retrouvée sur la position 25° (atterrissage), ce qui est cohérent avec le volet droit. Mais la vis reliant la bielle d’attaque du volet gauche au volet lui-même est rompue ». Aucun autre élément de la chaîne de commande ne peut expliquer la perte de contrôle.
Les volets à trois positions (0°, 12,5° et 25°) sont « commandés par un boîtier multifonctions qui actionne le vérin électrique de commande. Ils sont interconnectés mécaniquement entre eux par un système de bielles métalliques et de renvois en composite. Sur le tableau de bord, trois voyants lumineux (1 orange et 2 verts) précisent la position des volets ou un éventuel dysfonctionnement. Ces voyants sont basés sur la position du moteur électrique de volets.
Le manuel de vol spécifie que le clignotement du voyant orange supérieur indique un défaut ». Il est prévu pour clignoter en cas « de décalage entre la position de la commande au tableau de bord et la position du moteur électrique des volets et non en cas d’anomalie sur la chaîne de commande des volets en aval du moteur électrique ».
Le rapport précise que « dans le cas où un volet n’est plus relié à sa commande, l’avion est susceptible de se retrouver en situation de dissymétrie aérodynamique (portance, traînée et effets induits) pouvant compromettre sa contrôlabilité. Les spécificités de certification CS-VLA n’imposent pas qu’il soit démontré que l’avion reste pilotable en cas de sortie dissymétrique des volets ». Issoire Aviation indique « avoir néanmoins déterminé au moyen de calculs aérodynamiques qu’une dissymétrie maximale des volets pouvait être contrée par une action à 80° de la course de la commande de roulis en sens opposé ».
L’examen visuel et au microscope électronique à balayage a montré que la vis s’est rompue en fond de filet, sous la tête de vis, selon « un processus de fissuration en fatigue sous des efforts de flexions alternées ». La vis droite, examinée, a révélé des microfissures dans une zone comparable à celle de la vis gauche. Le matériau employé, sa microstructure et sa dureté étaient conformes aux exigences attendues pour ce type de vis. Ced constatationd ont également été faites sur les vis de fixation droite et gauche d’un APM-30 appartenant à un autre aéro-club, lors d’une opération de maintenance.
Deux vis neuves fournies par le constructeur, examinées pour comparaison, ne présentaient pas de microfissures en fond de filet. Ces amorces de fissures en fatigue interviennent « après une période d’accumulation et de stockage d’énergie. En général, cette période d’incubation peut représenter de 50 à 90% de la durée de vie de l’équipement, au cours de laquelle l’endommagement n’est pas visible ». Au-delà d’un certain seuil, une ou des microfissures voient le jour, avec propagation plus ou moins rapide jusqu’à la rupture finale. « Le maintien d’un serrage approprié est de nature à retarder le phénomène de fatigue ».
Une inspection visuelle des vis des volets est prévue dans le cadre des visites 2.000 heures/6 ans, avec démontage des volets et des vis, le constructeur n’imposant pas le remplacement de ces dernières. Les fissures observées sur la vis incriminée ne sont pas visibles lors d’une telle opération. Le constructeur a publié à la suite des examens du BEA une consigne de navigabilité urgente concernant les vis de volets.
Des sorties dissymétriques de volets ont également été enregistrées sur différents modèles de MCR, avant qu’un nouveau système ne soit proposé par SE Aviation avec également une modification du manuel de maintenance. Dans un cas, l’accident du MCR Sportster est survenu non pas à la sortie mais à la rentrée dissymétrique des volets en montée initiale. La même situation a été rencontrée par le pilote d’un MCR-4S avec la rentrée dissymétrique des volets en montée initiale entraînant une inclinaison de 60°, le contrôle étant cependant conservé « manche et palonniers en butée à droite » avant un atterrissage à contre-QFU sans autre dommage. Le troisième cas concerne une sortie dissymétrique en finale.
Si lors de la formation au PPL(A), des exercices de procédures d’urgence sont prévus pour gérer les pannes de différents systèmes, la sortie dissymétrique des volets n’en fait pas partie car il n’est pas possible de la simuler en pratique. Les exercices liés aux volets se limitent à la simulation d’une panne de sortie des volets entraînant un atterrissage sans volets, impliquant une vitesse plus élevée en finale, correspondant à 1,3.Vs de la configuration affichée (volets en lisse). Aussi, comme le précise le BEA, « les pilotes sont peu sensibilisés au risque de sortie dissymétrique des volets ». Les « bonnes pratiques » transmises par les instructeurs incitent à éviter de sortir les volets en dernier virage, car dans le cas le plus défavorable de non sortie d’un des deux volets, la perte de contrôle sera encore plus rapide.
Il faut aussi rappeler qu’au point fixe avant décollage, l’affichage (si le manuel de vol l’impose) d’un cran de volets peut être complétée de la sortie du second cran, pour vérification du bon fonctionnement total du système, avant retour au premier cran pour décoller. Pour les deux angles de braquage, il ne suffit pas de regarder le répétiteur de position en cabine ou la lampe confirmant la sortie des volets mais de contrôler visuellement que les volets sont bien sortis et de façon symétrique.
Il faut aussi évoquer une règle de base dans le domaine des essais en vol : si une action du pilote entraîne un comportement non souhaité de l’appareil, il faut aussitôt annuler l’action initiale, cause de cette réaction non souhaitable. Si à la sortie des volets, l’appareil part en roulis, il faut rentrer aussitôt les volets (si le système marche encore dans ce sens…). Le BEA note la possible difficulté pour le pilote de l’APM-30 à « détecter et comprendre la situation ». A passage, une perte de contrôle par forte assiette à piquer après sortie des volets de façon… symétrique peut également exister si la profondeur a décroché suite à du givrage, la déflexion aérodynamique des volets sortis ayant augmenté l’incidence de l’empennage horizontal.
On peut encore ajouter pour améliorer la contrôlabilité de l’appareil que tous les effets aérodynamiques doivent être utilisés et si le plein débattement des ailerons pour contrer une sortie dissymétrique des volets n’est pas suffisant, l’utilisation du roulis induit (effet secondaire) par action en lacet peut participer à la récupération de l’appareil.
Le BEA, dans un chapitre intitulé « Sensibilisation des pilotes aux dysfonctionnements des commandes de vol » précise que le niveau de contrôlabilité qui résulte des effets induits liés aux différences de portance et de traînée est difficile à évaluer et les effets peuvent différer significativement d’un type d’avion à l’autre. « Ils ne sont pas forcément évalués par les constructeurs » et donc ne donnent pas à lieu à des consignes d’urgence précisées dans les manuels de vol. Les effets néfastes seront évidemment accrus sur appareil disposant de volets hypersustentateurs, de grande surface et/ou à forts braquages (exemple : Cessna 152 et 172, Rallye) contrairement à des volets de faible surface (DR-400).
Le BEA précise que « l’enquête a montré que de nombreux pilotes n’envisagent pas la possibilité d’une sortie dissymétrique des volets et/ou en ignorent les conséquences », d’où cet article participant à cette sensibilisation nécessaire. En effet, « l’entraînement pratique en vol se heurterait d’une part au réalisme limité de la mise en situation et à l’absence de manoeuvre de récupération préconisée par le constructeur. L’improvisation d’une telle mise en situation en vol pourrait directement en compromettre la sécurité », en notant que « la plupart des simulateurs d’avions légers ne disposent pas de modèles fiables pour restituer ce type de situation, l’entraînement pratique pourrait par certains aspects avoir des conséquences contre productives (negative training) ».
Pour autant poursuit le BEA, « les pilotes pourraient probablement bénéficier d’une sensibilisation par les instructeurs lors de leurs formations initiales et récurrentes. En effet, les phases de vol au cours desquelles un dysfonctionnement de cette nature est le plus susceptible de se produire se caractérisent par une vitesse et une hauteur généralement faibles. Dans le cas où l’avion reste partiellement contrôlable, une compréhension et une réaction rapides sont nécessaires pour éviter l’accident. La DSAC ou les fédérations pourraient proposer des synthèses à l’attention des instructeurs pour alimenter et cadrer cette sensibilisation. Ce type d’initiative pourrait être étendue à la plupart des dysfonctionnements touchant les commandes de vol aérodynamiques pour lesquelles les pilotes ne disposent pas de procédures et ne sont pas entraînés ». Point déjà appliqué par des instructeurs avec, par exemple, un tour de piste sans manche actif, en n’utilisant que les palonniers (roulis induit) pour le contrôle latéral et, dans le plan vertical, les gaz (couples) et le compensateur… ♦♦♦
Photo © The Tsunami Project et F. Besse/aeroVFR.com
Pour aller plus loin, liens vers des rapports du BEA :
APM30volets
MCR1volets
MCR2volets
MCR3volets