De retour du rassemblement de soutien aux associations de Laon-Chambry.
Ce samedi 8 juin 2024, les usagers de l’aérodrome de Laon-Chambry (LFAF), emmenés par l’aéro-club local dirigé par Matthieu Cabau, organisaient un rassemblement aéronautique pour médiatiser à nouveau l’importante menace pesant sur leurs activités ces prochains mois.
En effet, plusieurs passages des gens du voyage sont annoncés durant cette saison, dont
l’un comptant jusqu’à 600 caravanes fin août-début septembre, et le préfet de l’Aisne,
Thomas Campeaux, n’a pas clairement annoncé que l’aérodrome ne serait pas retenu comme aire d’accueil…
Dans un communiqué en date du 7 mai dernier, la préfecture avait fait savoir via un communiqué de presse au journal L’Union que « Ainsi que le président de la CAPL (Communauté d’Agglomération du Pays de Laon) a pu l’exprimer dans les colonnes de l’Union, il n’a pas été porté à connaissance du préfet de l’Aisne que tous ces passages aient vocation
à être hébergés sur le site de l’aérodrome de Laon ». Formule alambiquée révélant que si tous les passages ne se feront pas sur l’aérodrome (un premier, il y a peu, s’est tenu sur le boulodrome de la ville), certains passages pourraient le faire… La menace est donc bien réelle.
Et les clubs avion et ULM locaux connaissent déjà très bien la problématique, ayant subi à répétition ces dernières années plusieurs fermetures de l’aérodrome par la DGAC (un Notam prend quelques minutes pour être publié…), la suspension de leurs activités aéronautiques durant plusieurs semaines, les dommages ensuite à réparer allant de l’état de surface de la piste en herbe à la pompe à essence en passant par le nettoyage de la plate-forme et autres dégradations possibles. En 2024, avec quatre passages programmés des gens du voyage à Laon pour un total de 1.000 caravanes, le ras-le-bol a atteint son paroxysme.
D’où la décision farouche d’aller au « bras de fer » face à la préfecture, à coups de courriers
du club et du Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS), de pétition
en ligne qui a dépassé les 4.500 signatures, d’informations diffusées dans la presse locale,
de tracts pour informer les habitants de la ville… et d’où ce rassemblement ce 8 juin de 10h00
à 12h00 pour à nouveau attirer l’attention sur la mise en péril des associations basées et bénéficier de la solidarité de la communauté aéronautique car la problématique n’est pas seulement liée à Laon, de telles situations voyant le jour chaque année avec des menaces pesant sur plusieurs aérodromes.
Avec des conditions météorologiques idéales pour la venue de visiteurs aériens, près de 85 aéronefs (avions, ULM et hélicoptères en provenance d’Albert, Amiens, Arras, Brienne-le-Château, Cambrai-Niergnies, Chalons-Ecury, Epernay-Plivot, Lille, Merville, Montdidier, Péronne, Reims-Prunay, Sézanne, Soissons, Troyes et des bases ULM de Montmirail et Beaumont-Baltazar) et 250 personnes étaient ainsi présents sur le parking de Laon-Chambry ce samedi. Les bénévoles de l’aéro-club de Laon avaient bien fait les choses, en exposant un panorama des machines basées sur l’aérodrome (de l’ULM pendulaire à l’avion certifié en passant par l’autogire ou un monoplace de construction amateur), en ayant préparé un parking élargi dans l’herbe et en accueillant les visiteurs par un café-croissant dans leur hangar. La presse avait été conviée,
de L’Union, journal régional, à France 3 Régions.
Du haut d’une estrade bénéficiant d’un système de sonorisation, plusieurs intervenants ont ensuite pris la parole. Etaient présents sur l’estrade Matthieu Cabau, président de l’aéro-club de Laon, Maxime Beton, président de l’ULM club de Laon, Jacques Flotat, président du CRA-Hauts-de-France, Eric Delhaye, maire de la ville de Laon et président de la Communauté d’Agglomération du Pays de Laon, Sylvie Letot-Durande, première adjointe au maire, Jean-Pierre Locquet, conseiller départemental de l’Aisne (et aussi président de l’aéro-club de Péronne) et Nicolas Dragon, député de la première circonscription de l’Aisne.
Dans la foule, on notait la présence de Matthieu Fraise, vice-président et conseiller départemental de l’Aisne, Mme Charles, adjointe au maire de la ville de Laon en charge des Affaires culturelles, Carole Ribeiro, maire de Couvron et présidente de l’Union des Maires de l’Aisne, Jean-Luc Pilotto, membre de la commission Défense des terrains de la FFA et membre du CRA-Hauts-de-France. Etaient aussi présents Antoine Huchez, président de l’aéro-club de Montdidier, Luc Boucher, président des Ailes soissonnaises, Armand Lecorché, président de l’aéro-club de Champagne, Yves Coutureau, président de l’aéro-club Farman-Clément, Sophie Goussale, présidente de l’aéro-club sézannais, Jean-Pierre Loquet, président de l’aéro-club de Péronne, Philippe Macé, président de l’aéro-club de Cambrai sans oublier des dirigeants des aéro-clubs du Briennois et du Cercle aérien de Lestrem…
Matthieu Cabau, s’exprimant au nom des deux associations avion et ULM basées à Laon, a rappelé l’historique du terrain, créé en 1946 et déjà menacé à la fin des années 1960 par le passage programmé d’une autoroute. Et aujourd’hui, l’aérodrome est à nouveau menacé d’où la nécessité de dire « Non » à l’arrivée de centaines de caravanes, 600 à 700 véhicules, 1.500 à 1.800 personnes sur les pistes et taxiways. S’il ne s’agit pas d’ostraciser la communauté des gens du voyage, il n’est pas acceptable que l’aérodrome serve d’aire d’accueil alors que 8 propositions de lieux potentiels, avec eau et électricité, sont sur les bureaux des responsables de la préfecture de l’Aisne. D’où l’appel – à nouveau… – du club aux représentants de l’Etat pour les recevoir et permettre d’expliquer ces solutions alternatives et entamer un « dialogue avec les parties prenantes ».
Par la suite, Matthieu Cabau a lu le discours du sénateur de l’Aisne, Antoine Lefèvre, non présent, rappelant son implication dans ce dossier pour éviter de mettre en péril les associations basées. Début mai, il avait déjà interpellé par courrier le ministre de l’Intérieur sur ce dossier. Dans son discours ce 8 juin, il a rappelé que « Si le droit reconnu à chacun de mener une vie nomade doit être respecté, l’ampleur de ces rassemblements suscite, à juste titre, des inquiétudes quant aux incidences négatives potentielles sur le territoire. Aux impacts financiers et économiques, s’ajoute également la crainte de compromettre l’avenir professionnel dans l’aéronautique de plusieurs jeunes en cours de formation à l’aérodrome.
J’ai donc été d’autant plus surpris d’apprendre qu’aucune information préalable ni concertation n’avait été engagée. L’ampleur de ces accueils et les conséquences potentiellement néfastes qu’ils pourraient engendrer sur le territoire semblent avoir été sous-estimées ».
Le président du comité régional aéronautique (CRA) Hauts-de-France de la FFA, Jacques Flotat, a rappelé l’utilité de l’aviation générale, l’économie liée à cette activité et le fait qu’elle serve de tremplin pour des jeunes vers des carrières aéronautiques. Si la FFA a été active sur le dossier de Laon, faisant appel au « poids » des différentes fédérations aéronautiques via le CNFAS pour interpeller le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, on aurait cependant apprécié une mention de Laon dans la revue fédérale de juin. Mais aucune trace du sujet dans l’éditorial, dans l’agenda (pour le rassemblement du 8 juin) ou dans la rubrique Clubs. Et rien sur les sites webs fédéraux. Mais le reproche pourrait aussi être fait à l’encontre de la FFPLUM. C’est bien dommage(able) ! Si dans quelques années, on cherche à dresser un état des lieux de l’aviation générale en France en 2024, le dossier Laon-Chambry restera introuvable dans la presse spécialisée et les informations fédérales…
Le maire de Laon, Eric Delhaye, gestionnaire du terrain, s’est exprimé pour indiquer son soutien aux actions des usagers de l’aérodrome, recevant symboliquement le listing des pétitionnaires destiné à la préfecture de l’Aisne. Le député Nicolas Dragon a confirmé vouloir agir assez fermement à son niveau pour éviter l’arrivée des caravanes sur l’aérodrome.
Ce rassemblement de pilotes, de dirigeants d’aéro-clubs de la région et de sympathisants de l’aérodrome de Laon-Chambry a bénéficié d’un reportage diffusé le soir même sur France 3 Picardie sous le titre « Aérodrome de Laon, la contestation décolle ». Plusieurs acteurs défendant les intérêts de l’aérodrome y sont interrogés mais il y est mentionné que la préfecture n’a pas souhaité donner suite aux questions de France 3 Picardie sur le sujet…
Ce jour, sur son site web, L’Union a publié un sujet sur la manifestation, soulignant que ce rassemblement de soutien a permis à chacun « d’afficher sa détermination » même s’il « manquait des hôtes de marque ».
À Laon, les organisateurs du rassemblement sont satisfaits du résultat avec « le soutien affiché (soutien aéronautique, soutien des sympathisants, soutien des élus) et de la réussite globale de ce rassemblement inédit », avant de s’atteler « à être reçus en préfecture, avec tous les acteurs, pour expliquer nos solutions alternatives afin de router le flux de 600 caravanes vers un ou des lieux qui seront sans impact sur l’activité aéronautique et sur l’activité économique tout court ». Il s’agit que ce dossier « fasse jurisprudence et qu’il serve à tous les aérodromes de France pour que plus jamais les aérodromes ne soient considérés comme des terrains pouvant accueillir des caravanes au gré des grands passages ».
Une chose est sûre, les oreilles du préfet de l’Aisne ont dû siffler, le message « Plus de caravanes sur les aérodromes » étant clairement martelé. Avec des gouvernants évoquant à répétition une « République exemplaire », il faudra malheureusement encore attendre un peu pour voir si le préfet, bras armé du gouvernement dans les régions, compte étudier les propositions alternatives de l’aéro-club (en notant que l’association Vie & Lumière des gens du voyage n’est pas opposée à rejoindre un autre site) ou s’il compte s’asseoir sur le droit, dégradant un peu plus alors dans ce dernier cas la fracture avec les citoyens et bafouant l’esprit démocratique. ♦♦♦
Photos © F. Besse/aeroVFR et aéro-club de Laon
Ndlr : la problématique n’est pas liée qu’à Laon, même si ce terrain pourrait (et devrait…) servir de jurisprudence…
– Bourg-en-Bresse : pour un rassemblement évangéliste, la préfète de l’Ain Chantal Mauchet compte réquisitionner l’aérodrome durant près d’un mois en septembre prochain, avec près de 800 caravanes attendues, soit au moins 1.500 à 2.000 véhicules et de 3.500 à 4.500 personnes…
– Oyonnax : avec sa disparition annoncée fin 2021 et encore reportée fin 2023 mais décision définitive actée, l’ex-plate-forme pourrait être convertie en aire d’accueil temporaire pour les gens du voyage. Sur son Facebook, l’aéro-club Jean Coutty informe la population locale (dont certains habitants ont dû souhaiter la fermeture de l’aérodrome…) de cette proposition à l’étude, avec potentiellement un premier rassemblement de plusieurs centaines de caravanes en août ou septembre prochain.