Une nouvelle vision des facteurs humains…
Christophe Brunelière a passé une cinquantaine d’années dans des simulateurs ou des cockpits militaires ou civils, d’avions légers ou lourds, comme élève, commandant de bord, instructeur. On le trouve plus souvent désormais aux commandes d’un Skyraider lors de meetings. Cette expérience lui a permis d’accompagner, de former et d’observer des collègues dans l’exercice du pilotage mais aussi de lire différents rapports d’incidents ou d’accidents, d’analyser le bon compromis en matière de sécurité, entre la galère et son équipage dirigé par un tambour (procédures, normes, règles) et l’orchestre de jazz (compétence, bon sens et adaptation).
Il en a tiré des chroniques – publiées au fil du temps sur le site MentalPilote ou dans la newsletter de France Spectacle Aérien (FSA) – autour de la thématique de la sécurité des vols. Sur la centaine publiée par le passé, une vingtaine constitue le contenu de cet ouvrage, où il est question de facteur humain, de comportement du pilote, « afin de comprendre, améliorer et perfectionner notre façon d’appréhender notre rapport avec la technologie qui se veut toujours plus sûre ». Il aurait été bien vu de dater ces chroniques pour noter l’évolution au fil du temps de la connaissance du comportement humain, l’être humain étant non adapté au vol malgré un peu plus d’un siècle d’aviation à comparer aux milliers d’années d’évolution de l’espèce humaine.
Il s’agit donc de textes courts sur différentes thématiques, avec des titres souvent accrocheurs car les FH font parfois fuir les pilotes : Qui commande dans cette boîte crânienne ? Le facteur humain a aussi ses limites. Le goût du risque. Compétent ou incompétent ? Prévention des accidents, mission impossible ? Le jugement. Le pilote trop intelligent pour voler ?
Point donc de longs développements théoriques d’experts en FH mais plutôt la démonstration argumentée par les faits et des exemples réels, racontés par un pilote à d’autres pilotes, pour une « nouvelle vision » des FH.
Les exemples cités concernent tous les types d’aviation, du planeur à l’avion de ligne en passant par l’avion de collection, et s’adressent donc à tous les pilotes, de l’élève au chibani.
Il y a donc matière à réflexion pour analyser nos lacunes ou nos faiblesses avec notre cerveau aux trois systèmes d’exploitation empilés et pas toujours bien connectés entre eux. L’objectif est d’éviter l’effet papillon (ou théorie du chaos) quand « une simple petite erreur d’affichage ou de compréhension dans un cockpit peut aboutir à un accident ».
Au gré des chapitres, conseils ou recommandations sont distillés comme la nécessité de bien se connaître, de devoir recadrer son rapport au risque, de savoir rester humble et curieux pour continuer à progresser, notamment en aviation générale où l’équipage est monopilote, domaine où le nombre des accidents est 100 fois plus élevé que dans l’aviation commerciale. La vigilance est de mise pour avoir une bonne conscience de la situation. « Le jugement est le moteur principal de la prise de décision ». Savoir renoncer.
Des pièges sont à éviter comme les effets de la colère ou de contrariétés,, mais aussi le biais cognitif, quand la confiance en soi dépasse la compétence réelle (effet Dunning-Kruger) et « ce n’est pas parce que l’on fait moins d’erreurs qu’on a moins de chance de faire une grosse bêtise ». Un chapitre sur les « pilotes vieillissants » souligne la nécessité de savoir placer le curseur entre les deux solutions extrêmes, entre arrêt d’activité et poursuite jusqu’à rencontrer un problème.
Au final, l’ouvrage apporte du « grain à moudre » à tout pilote concerné par le sujet de la sécurité des vols, l’analyse de sa personnalité et de son propre mode de fonctionnement sans chercher à atteindre une situation à 175 battements de coeur à la minute, avec en exergue en début d’ouvrage la phrase suivante à se répéter avant tout vol : « L’enjeu est-il à ce point crucial pour notre avenir qu’il nous pousse à prendre le risque de ne plus en avoir ? ». ♦♦♦
– Le battement d’aile du papillon, par Christophe Brunelière, 178 pages, 21,00 €
https://www.lebattementdailedupapillon.fr