L’acquisition du brevet n’est qu’un début et non une fin…
La durée minimale d’une formation PPL pour un candidat ab-initio est réglementairement de 45 heures. Du temps de la précédente licence franco-française qui s’appelait alors TT, c’était 40 heures. L’augmentation du cursus de la licence européenne est liée à de multiples facteurs allant de l’accroissement du nombre d’exercices durant la formation à la prise en compte d’un espace aérien de plus en plus complexe en passant par la complexité de la planche de vol (avionique), etc. Certes, le LAPL n’exige que 30 heures, ce qui est possible avec un stagiaire ayant déjà obtenu une autre licence (ULM, planeur) mais pour un ab-initio, ce n’est pas la navigation en solo plus courte et l’absence d’initiation au PSV qui exigent 15 heures de moins que pour le PPL et comme l’examen pratique est similaire ou identique…
Dans les faits, s’il est possible de former un PPL en 45 heures (si le candidat est jeune, motivé, régulier et réactif…), il n’est pas rare d’ajouter une dizaine d’heures si le candidat est plus âgé, moins disponible, moins assidu, plus lent à progresser. Malgré cela, toutes les situations susceptibles d’être rencontrées dans une « vie de pilote » ne pourront être vues durant la formation bien que celle-ci soit menée intégralement. La formation, par exemple, donne au candidat une méthode permettant, une fois les fondamentaux de la navigation acquis, de les appliquer sur des terrains jamais pratiqués auparavant.
Si pendant la formation, des conditions de vent de travers n’ont pu être rencontrées de façon suffisamment marquée, il faudra prévoir un perfectionnement post-brevet si l’on veut repousser ses limitations. D’où l’intérêt de dérouler une formation sur une saison – ce qui est généralement le cas pour les stagiaires privés en aéro-clubs – afin de découvrir des conditions météorologiques variées au fil des mois, ce qui ne serait pas le cas avec une formation accélérée sur la période estivale.
La formation ne s’arrête donc pas à la délivrance du PPL comme certains stagiaires pourraient le croire. Rester pilote impose de suivre une « formation continue » pour réviser ou acquérir de nouvelles connaissances, enregistrer de nouvelles expériences (emport de passagers), réaliser des « premières » (survol maritime vers la Corse, pratique d’un aéroport à fort trafic, vol trans-frontalier, etc.).
Cela peut aussi passer par le recours à un instructeur, ou l’accompagnement par un pilote plus expérimenté, si la « marche » à franchir semble trop haute. Et avec peu d’expérience dans le carnet de vol, la valeur de la « marche » peut être difficile à estimer… Il faut rester à l’intérieur de sa « zone de confort ».
Car si l’apprentissage définit des limites au « jeune » breveté, elles sont « basses » juste après l’acquisition du PPL, généralement suite à une formation par conditions météorologiques souvent très favorables. Il faudra progressivement les repousser, qu’il s’agisse de valeurs de plafonds, de visibilités ou de vent de travers. À chacun de se faire sa « grille » de minima personnels et les respecter, sans biais de lecture par exemple en lisant un Métar ou un Taf dont certains éléments seraient aux « marges » de sa capacité. Il faut toujours rester dans sa « zone de confort » avec des marges donc, dont certaines sont « floues » (prévision météo), voire trompeuses. Et si l’on a des doutes, un recours à un instructeur pour valider un savoir-faire n’a rien de déshonorant. Les pièges de l’information météorologiques sont nombreux (lire ici, là et encore là) sans parler des paramètres « flous » de l’atmosphère.
Il s’agit aussi durant toute son activité de pilote d’accroître progressivement sa culture en matière de sécurité, en déterminant ses propres limites, en mettant des marges dont les curseurs pourront varier au fil du temps et de l’expérience acquise (limites de vent de travers, de visibilité, de durée du vol et donc de distance parcourue, etc.). Encore une fois, avoir le PPL en poche n’entraîne pas l’acquisition subite de tous les savoirs (savoir-faire, savoir-être) nécessaires à une pratique avec les meilleures marges de sécurité. Une culture de sécurité se bâtit avec son expérience mais aussi celle des autres, à analyser à partir des Rex, des rapports du BEA, en s’intéressant de près au sujet…
Le diagnostic est connu depuis longtemps. Si les programmes de formation définissent les connaissances (formation théorique), les savoir-faire (formation pratique) et aussi – avec un certain retard en France par rapport aux pays anglo-saxons – les savoir-être (connaissances non techniques avec l’apport des facteurs humains, de la gestion des erreurs et des menaces), même si les exercices ont bien été expliqués, compris et restitués en vol et lors du test pratique, il y a parfois un décalage par la suite avec, en pratique, la perte de lien pour l’intérêt de la manoeuvre.
Exemple : des remises de gaz ont bien été pratiquées en formation, voire bien restituées le jour de l’examen, mais une fois breveté, quelques mois ou années plus tard, le pilote malgré une situation en finale du type « trop haut-trop vite » ne prendra pas la décision de remettre les gaz, poursuivant l’approche pour arrondir à mi-piste et se retrouvant alors dans la situation où il n’y a pas à la fois la distance nécessaire pour redécoller ni pour freiner avant de sortir de piste. L’exercice de remise de gaz maintes fois réalisé en formation, voire lors d’une prorogation, n’est alors pas lié à la situation rencontrée par absence de décision, analyse insuffisante et/ou tunnelisation.
On pourrait citer d’autres exemples :
– Mauvaise prise en compte de l’évolution des performances d’un aéronef au décollage (et à l’atterrissage) par conditions différentes, qu’il s’agisse d’un aérodrome en altitude et/ou par conditions de températures élevées.
– Oubli de la méthode pour décalaminer des bougies au point d’attente quand on perd des tours sur une magnéto.
– Oubli des symptômes de givrage carburateur (perte progressive de la puissance), pouvant être considérée par erreur comme une panne due au carburant alors que cette dernière se caractérise par une perte très rapide de la puissance à gérer par changement de réservoir, même en cas de perte partielle de la puissance notamment après décollage. Le réchauffage carburateur se pratique en tout ou rien et certains graphiques sont prendre avec un certain recul.
– En cas perte de la check-list, absence d’une méthode alternative pour démarrer et assurer les essais moteur et les actions vitales au point fixe.
– Gestion d’un « shimmy » de train avant, phénomène qui a pu être « masqué » sur piste en herbe mais devenant bien présent sur piste en dur.
Mais on l’a vu ci-dessus, toutes les situations ne peuvent (et ne sont donc pas…) être vues en formation, ceci faute de temps ou de conditions rencontrées lors de la formation, certaines situations que le pilote rencontrera par la suite ne sont donc pas vécues durant la formation. La formation (théorique et pratique) vise la réussite aux examens en suivant stricto sensu le programme de formation. Ceci ne constitue pas le socle complet, indispensable à l’activité post-brevet car la formation n’est pas parfaitement en phase avec la réalité de la pratique au jour le jour…
Il s’agit alors des à-côtés du cursus que bien souvent les nouveaux brevetés découvriront par eux-mêmes… En voici quelques exemples.
– Avion à la masse maximale : le stagiaire a généralement réalisé sa formation à deux personnes à bord (élève et instructeur). C’est évidemment le cas pour les aéronefs biplaces, avec l’arrivée des biplaces de dernière génération (AT-3, Lionceau, Elixir, Aquila, PS-28, etc.). Si l’avion est multiplace, peut-être aura-t-il pu réaliser des navigations en école avec un binôme. Mais rarement, aura-t-il piloté à la masse maximale.
Les avions de voyage ne sont généralement pas utilisés en formation de base. Si l’on prend un club ayant une gamme Cessna (150/152 et 172) ou Robin (DR-400/120 et DR-400/160 ou 180), la formation pour raison de coûts aura été réalisée sur les aéronefs de faible puissance. Le lâcher sur les quadriplaces de voyage les plus motorisés intervient par la suite, après le brevet, mais généralement toujours sans être à la masse maximale, avec les pleins complets (si c’est possible en fonction du devis de masse) et deux passagers à l’arrière. Le lâcher se limite souvent à une prise en main de l’appareil en vol local.
Aussi, quand le candidat partira en voyage pour la première fois avec des passagers aux commandes d’un appareil proche de la masse maximale, il se trouvera dans une situation non pratiquée auparavant. Or, l’avion sera alors centré plus arrière, donc plus réactif à la rotation et si le pilote effectue « mécaniquement » la même action sur le manche ou le volant à la rotation, l’appareil a toutes les chances d’être plus réactif et de cabrer plus que ne l’aurait souhaité le pilote. C’est un scénario pouvant alors mener à un décollage au second régime, l’appareil étant trop cabré (traînée) pour accélérer. Le pilote peut aussi vouloir placer l’appareil sur une trajectoire de montée, habituellement pratiquée à masse légère, mais que l’aéronef ne peut supporter à la masse maximale, au risque d’une perte de contrôle en montée initiale.
– Gestion carburant : le même passage d’un biplace au quadriplace de la flotte entraîne aussi d’autres menaces. Sur bon nombre de biplaces école, la gestion carburant est très succincte puisque l’unique réservoir peut être « ouvert » ou « fermé », et comme la bonne pratique est de le laisser toujours sur « ouvert », la gestion carburant se limite à mettre la quantité de carburant adéquate avant de décoller. Oui mais voilà… sur l’avion de voyage, le carburant sera réparti dans 2 ou 3 réservoirs sans forcément une position « Both » ou « Cross Feed ». Il faudra suivre le bilan carburant lors d’un vol sur longue distance ou aller-retour.
Si la formation n’a pas intégré une meilleure prise en compte de la gestion carburant, si le lâcher machine sur l’appareil à plusieurs réservoirs s’est limité à un vol local pour de la maniabilité, on peut obtenir le scénario que l’on retrouve dans certains rapports du BEA. Le pilote part sur un réservoir mais ne gère pas la consommation. Quand le moteur s’arrête, le réflexe est de se considérer aussitôt en « panne moteur » et donc d’atterrir dans un champ alors que l’appareil compte encore du carburant à bord mais dans les autres réservoirs…
– Gestion de la météo : les navigations en école sont réalisées par bonnes conditions météorologiques, pour ne pas accroître les difficultés du stagiaire et le mettre en échec – il a déjà suffisamment de choses à gérer ! Ces navigations sont donc des allers-retours ou des circuits triangulaires effectués dans un rayon ne dépassant pas généralement les 150 km autour du terrain de base, le tout sur un créneau aux conditions météorologiques idéales.
Dans la réalité, le pilote breveté pourra réaliser des navigations plus longues où les conditions météorologiques peuvent ne pas être homogènes sur la totalité du périple, avec nécessité de « gérer » la situation (déroutement, demi-tour, gestion d’une navigation à basse hauteur par conditions de visibilité « marginales », etc.). Ce sera encore le cas si le voyage se déroule sur plusieurs jours et donc avec parfois un « glissement » des paramètres météorologiques par rapport aux prévisions initiales, imposant un retour plus précoce ou via un itinéraire différent, le renoncement ou une navigation dans des conditions plus difficiles et qui n’auront pas été pratiquées en formation…
C’est plutôt rare en club mais en formation, un voyage à 2 ou 3 élèves en formation sur 1 ou 2 journées reste très formateur, à la fois pour aller plus loin, mais aussi pour affronter la réalité du vol VFR avec la gestion de la météorologie. Ces vols mettront aussi en avant d’autres paramètres peu ou pas rencontrés en formation comme :
– la fatigue subie après un vol long et/ou par conditions météorologiques « marginales »,
– la difficulté parfois à avitailler à l’escale, d’où la nécessité d’anticiper le problème pour le choix des escales et de prendre des marges dans le « timing » si la délivrance de carburant est retardée (exemple…) par la présence d’un avion de ligne évidemment jugé prioritaire par les services de l’aéroport.
– les joies des moyens de transport pour « descendre en ville ».
– l’accès à l’avion parfois difficile en venant de l’extérieur…
Bref, l’acquisition du PPL n’est que… le début du travail à faire par la suite. Si des connaissances théoriques ont été enregistrées, des capacités en maniabilité et navigation acquises, la « pratique réelle » imposera d’aller au-delà de ces compétences techniques (connaissances théoriques, pilotage, procédures de base). Il s’agira de les compléter par les compétences non techniques avec la conscience de la situation, la prise de décision, la gestion de la charge de travail sans oublier la prise en compte de la gestion des erreurs et des menaces et aussi quelques « conseils » comme celui de toujours avitailler à l’arrivée (si cela est possible) pour ne pas avoir une contrainte supplémentaire à gérer au retour le lendemain ou quelques jours plus tard. ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com