Horizon 2028 ou le plan à 5 ans de l’Etat pour la sécurité aérienne. Extraits choisis
C’est en 2006 que l’Etat français s’est doté « d’un programme national de sécurité, intitulé programme de sécurité de l’État (PSE) ». Il comprend un plan national pour la sécurité aérienne, dont la version en vigueur pour la période 2024-2028 s’intitule « Horizon 2028 » (Plan national pour la sécurité aérienne et Outil de gestion des risques). Ce « plan à cinq ans s’inscrit dans la continuité des précédents, lancés à partir de 2009, et a pour but de définir des grands axes d’amélioration de la sécurité ». Concrètement, cela fait un beau document avec beaucoup de bonnes intentions dont il faudra suivre l’application…
Le plan Horizon 2028, coordonné par la Mission Evaluation et Amélioration de la Sécurité (MEAS/DGAC), présente en effet « un ensemble d’actions planifiées et prioritaires, tant sur le plan systémique qu’opérationnel, sur lesquelles l’Etat s’engage. S’agissant des axes opérationnels le document traite notamment de la prévention du CFIT (Controlled Flight Into Terrain), des sorties de piste ou de l’amélioration de l’information aéronautique. Fruit d’une analyse des risques détaillée et d’une large concertation lancée dès 2022, il prend en compte les risques et mesures identifiés dans le Plan européen pour la sécurité aérienne (EPAS), publié par l’Agence de l’Union européenne de la Sécurité aérienne (EASA) ». Et l’autorité annonce que « l’ensemble de ces actions fera l’objet d’un suivi régulier »…
Comptant 62 pages, téléchargeable sur le site de la DGAC ou en bas de cet article, ce document traite prioritairement, et logiquement, de l’aviation commerciale. Mais « s’il s’adresse pour l’essentiel aux entités étatiques, les actions sont menées au bénéfice de la communauté aéronautique entière, y compris l’aviation légère » précise-t-on. Car « si l’aviation professionnelle présente un niveau de sécurité satisfaisant au regard des objectifs stratégiques que la France s’est donnés, il n’en va pas de même pour l’aviation légère qui a connu une évolution défavorable au cours des dernières années ».
Pour élaborer ce plan, la DGAC a « identifié les principaux domaines de risques et a engagé une concertation avec les principaux acteurs aériens afin d’en confirmer les axes prioritaires » à traiter dans les cinq années à venir. « Ces sujets sont articulés en actions systémiques et actions opérationnelles avec un espace particulier réservé à l’aviation légère ».
Au fil des page, on découvre quelques chiffres ou données relatifis au « contexte aéronautique français », caractérisé par « une forte densité aéroporturaire, un tissu d’aviation légère vivace, tant du côté des aéronefs certifiés que des ULM, une forte tendance à l’innovation (vols de prototypes, projets liés à de nouvelles mobilités urbaines (VTOL), usage des drones, sources alternatives d’énergie, etc.) » – ceci pouvant entraîner l’émergences de menaces.
A noter les chiffres suivants :
– 12.000 aéronefs disposant d’un certificat de navigabilité européen ou national,
– 16.000 ULM,
– 20.000 opérateurs de drones,
– 100 opérateurs détenant un certificat de transporteur aérien (CTA),
– près de 500 aérodromes,
– 900 plates-formes ULM,
– 500 ateliers de maintenance ou organismes de maintien de navigabilité,
– près de 160 ATO et plus de 750 DTO,
– 145 millions de passagers commerciaux ayant transité par les aéroports français dont 116 à l’international (données 2022),
– le premier espace aérien d’Europe avec 3 millions de vol contrôlés (la moitié en survols), 5 centres en route, 11 organismes d’approche, 80 tours de contrôle et autant de prestataires Afis.
« Si le taux d’accidents mortels d’exploitants français en transport commercial d’avions de plus de 20 sièges passagers est resté à zéro lors du précédent programme « Horizon 2023″, cela n’a pas été le cas pour l’aviation générale et le travail aérien pour des aéronefs immatriculés ou identifiés en France » (hors baptêmes et vols de découverte non pris en compte). Si le PSE « vise à réduire de manière significative le nombre d’accidents mortels, cet objectif n’a pas été atteint lors de la période du dernier plan Horizon et le PSE devra en tirer les conséquences dans la détermination des actions de sécurité prises dans le cadre de ce plan ».
En matière de sécurité systémique pour l’ensemble de l’activité aérienne, on note – parmi les
5 thématiques listées – le « volet Promotion de la sécurité, pilier essentiel de la gestion des risques, avec une pérennisation des publications existantes et une attention accrue sur la portée des diverses actions de promotion de sécurité vers les opérateurs et vers les acteurs individuels ».
Au chapitre « Aspects relatifs à la compétence et à la formation », au-delà de la culture juste et de la culture de notification rappelées, il est indiqué que « l’autorité de surveillance promouvra des méthodes de gestion des menaces et des erreurs telles que le TEM (gestion des erreurs et des menaces) dès la formation de base des pilotes. Par ailleurs, l’autorité de surveillance accompagnera la généralisation des méthodes pédagogiques basées sur les compétences ou sur les preuves de compétences et contribuera aux réflexions internationales destinées à les faire évoluer ».
Au chapitre « Axes opérationnels », parmi les cinq domaines majeurs identifiés par l’OACI,
« la DGAC a identifié des actions particulières dans les domaines suivants : les sorties longitudinales de piste, les collisions en vol, les collisions sur piste et les collisions avec le relief sans perte de contrôle (CFIT) ». Au-delà de ces domaines de risques prioritaires, la DGAC prendra dans le cadre de ce plan des actions spécifiques dans les domaines suivants :
– Prévention des risques liés aux opérations Sol,
– Documentation et information aéronautique,
– Influence de mesures de sûreté sur la sécurité,
– Suivi de la mise en oeuvre et risques associés à certaines nouvelles technologies,
– Eléments liés à la météorologie.
Ainsi, pour la « Prévention des collisions en vol », la DGAC « poursuivra la mise en oeuvre d’actions de sécurité visant à évaluer et maîtriser le risque de collision entre un aéronef de transport commercial et un aéronef léger aux abords d’aérodromes non contrôlés ».
Elle « portera une attention particulière aux aérodromes faisant ou ayant fait l’objet de mise en place d’un organisme AFIS consécutive à la suppression du service de contrôle, ou lorsqu’une alternance entre service de contrôle et AFIS en fonction des horaires est mise en place.
La DGAC favorisera la mise en place de zones à utilisation de radio et/ou de transpondeur obligatoires (RMZ, TMZ) en fonction du risque ».
« Les intrusions en espaces aériens contrôlés d’aéronefs légers, qui constituent un précurseur du risque de collision avec un aéronef contrôlé, ont connu une recrudescence à la sortie de la période de Covid. Afin de limiter le nombre d’intrusions, la DGAC prendra des actions incluant l’amélioration de la préparation des vols par les pilotes d’aéronefs légers, l’amélioration de l’information aéronautique (On souligne ! Ndlr) et la sensibilisation des instructeurs ».
Et « dans un contexte de réorganisation du service d’information de vol par la DSNA, l’autorité de surveillance s’assurera de la fourniture continue du service d’information de vol dans les espaces aériens où celui-ci est dû. Concernant le risque de collision en vol en croisière, la DGAC identifiera les barrières de sécurité défaillantes, tant du côté bord que du côté du contrôle aérien, sur le sujet des transpondeurs dysfonctionnels en concertation avec les opérateurs. Par ailleurs, la DGAC conduira annuellement une évaluation de l’incidence des exploitations de dones et des opérations U-space sur la sécurité aérienne afin de garantir que le développement de ces nouvelles activités ne dégrade pas le niveau de sécurité aérienne ».
Au chapitre « Documentation et information aéronautique », il est indique que « l’abondance croissante de l’information aéronautique, notamment liée à la complexité de l’espace aérien, son format et sa présentation parfois non ergonomique aux usagers, sont autant de facteurs pouvant contribuer à la survenue d’évènements de sécurité. (On souligne ! Ndlr)
Ce constat avait déjà été établi en 2013, ce qui avait conduit la DSAC à tenir son symposium annuel sur ce thème et mis en oeuvre une première série d’actions. La multiplicité des acteurs impliqués dans l’élaboration de l’information aéronautique et dans sa présentation aux usagers en fait un sujet particulièrement complexe ».
« La DGAC se fixe dans un premier temps l’objectif de réaliser un état des lieux des difficultés existantes et proposer des axes d’amélioration. A cette fin elle mettra en place un groupe de travail (GT) rassemblant les principaux acteurs aéronautiques, des prestataires de service d’information aéronautique aux utilisateurs finaux, en passant par les intégrateurs commerciaux. Ce GT abordera également les aspects d’inflation documentaire, dépassant ainsi le strict cadre de l’information aéronautique. Parallèlement à cette initiative, la DGAC prendra des actions visant à fournir aux usagers des cartes électroniques dynamiques, c’est-à-dire actualisées avec l’information temporaire actuellement diffusée par Notam ou SUP-AIP ».
On arrive alors au chapitre spécifique à l’Aviation légère… Les « Axes systèmiques » concernent à nouveau :
– la promotion de la sécurité : vecteur essentiel pour « partager la conscience des risques
et inciter les pratiquants à adopter les bonnes pratiques permettant de réduire les risques ou leurs conséquences »,
– le traitement des évenements de sécurité : retour d’expérience et notification des événements comme objectif prioritaire, l’autorité s’engageant à « faciliter la notification »,
ce qui aprés l’introduction en juillet 2023 d’Eccairs 2 est déjà un bel objectif.
– le partage d’information de sécurité entre acteurs, notamment au niveau des utilisateurs d’un même aérodrome.
– formation et compétence : le programme précise que « les instructeurs constituent la clé de voûte de la compétence des pilotes qu’ils forment. Ainsi, l’autorité entreprendra des actions destinées à s’assurer que les instructeurs s’approprient les messages de sécurité et les retransmettent efficacement vers leurs élèves. La méthode de gestion des menaces et des erreurs a fait ses preuves pour mieux anticiper les risques et réduire leurs conséquences. L’autorité fera de sorte que les méthodes de gestion des menaces et des erreurs, telles que le TEM, soient enseignées en formation initiale, pour insuffler un état d’esprit et transmettre des outils méthodologiques qui permettent de gagner en sécurité ».
De plus, « le respect des procédures (SOP, Standard Operating Procedures) reste un socle sur lequel se bâtit la pratique quotidienne. L’autorité fera en sorte que les pratiquants de l’aviation légère soient mieux familiarisés avec les conceptions d’actions, actions « par coeur », et listes de vérifications (check-lists) et que les structures auxquelles ils sont affiliés disposent d’outils le plus normalisés possibles. Par la meilleure compréhension de leurs objectifs, leur utilisation conforme et rigoureuse en sera facilitée ».
– gestion de la sécurité : l’autorité mettra à disposition de ces structures des outils pédagogiques permettant de mesurer les enjeux de plusieurs composantes clé, sur les thématiques suivantes :
– L’aviation légère et les enjeux de sécurité,
– Des événements aux mesures d’atténuation du risque,
– Leçons découlant d’accidents et événements de sécurité récents/habituels,
– La classification des accidents et des événements de sécurité,
– Les compétences du pilote,
– Termes et concepts de la gestion de la sécurité,
– La notification des événements,
– Les canaux de la promotion de la sécurité,
– Propositions d’orientations pour l’amélioration de la sécurité ».
– prolongement des actions déjà entreprises lors du du précédent plan Horizon 2023, pour les axes opérationnels, les actions suivantes sont prévues :
– Prévention des sorties de piste : « La survenue récente d’accidents mortels sur des avions chargés d’occupants plus nombreux qu’à l’accoutumée montre que les pilotes peuvent être surpris par les caractéristiques de vol de leurs avions dans des circonstances telles que vols de découverte ou longs voyages à plusieurs. L’autorité s’attachera à délivrer les messages de sécurité en préparation des vols et en réalisation, de sorte à mieux préparer les pilotes à ce contexte et ses menaces spécifiques ».
« Ces types de vol constituent une des circonstances qui peuvent favoriser le décollage au second régime. Cette circonstance devra faire l’objet d’une meilleure appopriéation au sein de l’aviation légère. L’autorité mettre en oeuvre, en lien avec les fédérations, des mesures de promotion de la sécurité en lien avec ce précurseur de la perte de contrôle ».
– Prévention des collisions en vol :
1) Aérodromes : « Le premier environnement où peuvent survenir des collisions en vol est le circuit d’aérodrome. Outre la promotion de bonnes pratiques de « cohabitation », l’autorité proposera des actions éducatives sur l’intégration en circuit d’aérodrome, de sorte à améliorer l’aptitude à connaître et se faire connaître des autres aéronefs, en s’intégrant sans interférer avec les autres usagers ».
2) Autour des aérodromes : « Certains volumes de trafic à relativement forte densité (souvent autour d’aérodromes accueillant des activités multiples) peuvent justifier la mise en place de restriction d’accès aux aéronefs munis de transpondeur et/ou de radio. Afin de bénéficier d’une réduction de risques homogène sur tout le territoire, la DGAC définira des critères nationaux pour l’établissement de RMZ ou TMZ, en lien avec les représentants des usagers dans les instances de concertation régionales. A cet égard, l’autorité lancera des actions pour limiter le risque d’usage inapproprié de la radio, vecteur essentiel de l’information réciproque au bénéfice de la conscience de la situation. Plus généralement, la connaissance précise des avioniques de l’aéronef reste une compétence à parfaire ».
3) Complexité de l’espace aérien : « La complexité de l’espace aérien peut faire perdre la conscience des règles à appliquer dans une portion d’espace donnée. Elle peut aussi générer une charge de travail accrue, diminuant la disponibilité pour faire face à des imprévus. De plus, elle peut générer des concentrations de trafic dans des zones parfois exiguës, où l’accès est moins restreint mais de volume contraint par l’environnement (urbanisation, relief, présence d’un aéroport secondaire) ».
« Dans certains cas particuliers d’opérations SPO ou drones à basse hauteur, la connaissance réciproque des activités de tous les usagers est primordiale pour améliorer la conscience de la situation. Ainsi, l’autorité recherchera des solutions pour que l’information soit mieux partagée et intégrée par toutes les parties prenantes. Ainsi, l’autorité s’attachera à ce que les travaux portant sur l’amélioration de l’information aéronautique (décrite plus haut dans le document) débouchent sur des améliorations efficaces au bénéfice des pratiquants de l’aviation légère, notamment des outils de cartographie dynamique. De même, lors de changements nécessaires dans l’espace aérien, l’autorité sera particulièrement attentive
à ne pas générer de sur-complexité ».
4) Intrusions en espace aérien contrôlé : suite à un symposium tenu en 2023 pour l’aviation commerciale, « l’autorité s’attachera à transposer les actions pertinentes pour l’aviation légère, dont les enseignements de sécurité feront l’objet d’amendements au guide des vols solo publié par la DSAC ».
« D’une manière générale, la pénétration inopportune en espace aérien contrôlé est une situation hautement indésirable, contre laquelle l’autorité déploirera plusieurs actions. En premier lieu, en formation de base, cette notion devra être approfondie. Ensuite, les forums VFR, permettant des rencontres entre contrôleurs et pilotes, seront renouvelés. L’ensemble des actions contribuant à une meilleure connaissance des enjeux, de la préparation du vol à l’usage de la radio et des procédures, notamment, y sera développé. En second lieu, l’autorité veillera à ce que les compétences requises pour éviter ces pénétrations figurent parmi les compétences essentielles des instructeurs et que les examinateurs soient particulièrement sensibilisés à ce risque ».
5) Cas particulier de l’environnement montagneux : « Une situation particulière fera l’objet d’actions spécifiques, le vol en montagne. En effet, la collision survenue en janvier 2019 au voisinage du glacier du Ruitor, en Italie, a amené l’autorité à concevoir un plan d’actions particulier. Celui-ci comprend notamment des mesures relatives aux fréquences utilisées en vol, des bonnes pratiques appelées à être codifiées comme le sens de circulation dans les vallées, des dispositions propres aux sites les plus fréquentés, des procédures d’altimètrie rénovées ».
Le dernier chapitre du document évoque les différentes méthodes de gestion des risques, depuis la constitution d’une liste des dangers à la classification du risque des comptes rendus d’événements de sécurité en passant par la méthode Bow-Tie ou les outils de réduction d’exposition aux risques (exemple : le TEM). ♦♦♦
Lien pour télécharger Horizon 2028 :
Horizon2028