Le bilan thématique 2023 du BEA pour les ULM.
Le BEA réalise tous les ans un bilan des rapports sur les accidents ou incidents sur des aéronefs légers qu’il a publié au cours de l’année précédente. Il s’agit d’un bilan thématique. « Au-delà de l’obligation règlementaire européenne d’ouvrir une enquête pour tout accident impliquant un aéronef certifié, la politique du BEA, depuis 2015, est de conduire également des enquêtes sur les accidents d’ULM lors desquels des personnes sont mortellement blessées. Ce bilan est ainsi limité aux accidents mortels ».
En 2023, le BEA a publié 25 rapports relatifs à des accidents mortels d’ULM survenus entre 2020 et 2023 et dont la répartition par classe est la suivante :
– 4 événements concernant les paramoteurs (classe 1),
– 1 événement concernant le pendulaire (classe 2),
– 18 événements concernant les multiaxes (classe 3),
– 2 événements concernant les autogires (classe 4).
« Dans 7 enquêtes, les circonstances qui ont conduit à l’accident demeurent incertaines par manque d’éléments factuels. Néanmoins, de possibles contributions de l’aérologie ou d’antécédents médicaux du pilote ont plusieurs fois été relevées sans pouvoir formellement établir de lien avec l’accident. Il est à noter que dans deux de ces enquêtes aucun élément pouvant avoir contribué à l’accident n’a été identifié » précise le BEA. Ce dernier dénombre pour l’ensemble de ces 25 accidents un total de 35 personnes décédées. Sept thèmes ressortent plus particulièrement de ces rapports, avec des hyperliens vers les événements concernés.
– Parachute de secours
Par le passé, « plusieurs enquêtes avaient mis en évidence un déclenchement tardif ou une non-utilisation dans un contexte où ce dispositif de secours aurait pu atténuer les conséquences de l’accident ». Alors que des « événements ont montré l’efficacité d’un tel dispositif. En 2023, le BEA a été notifié de deux accidents lors desquels les ULM ont subi une rupture de l’aile en vol. Le déclenchement du parachute a permis d’atténuer les conséquences de ces deux accidents qui n’ont pas entraîné de conséquences corporelles graves ».
Un autre accident rappelle ainsi « la difficulté pour un pilote, confronté à une situation d’urgence, de prendre conscience de la nécessité de déclencher le parachute de secours sans délai ». En amont de l’utilisation du parachute comme atténuation des conséquences de la perte de contrôle, « plusieurs facteurs qui ont pu conduire le pilote à évoluer dans des conditions météorologiques défavorables au vol à vue ont été identifiés au cours de l’enquête. Le rapport mentionne notamment la forte volonté du pilote de se rendre à destination, la non-détection par l’agent CIV des difficultés rencontrées par le pilote ».
D’autres accidents font état de « conditions météorologiques incompatibles avec le vol à vue » avec perte de contrôle mais sans que le parachute de secours ne soit activé.
– Effet de groupe
Dans un cas, l’ULM est « entré en collision avec une ligne électrique lors d’une navigation à trois ULM. L’enquête a montré que les pilotes n’avaient pas préparé cette navigation et que la trajectoire choisie reposait sur la connaissance du trajet d’un des membres du groupe. Lors d’une sortie de groupe, l’évaluation des risques peut être partielle, voire implicite. L’évaluation des risques au départ n’est pas forcément individualisée et ne tient pas nécessairement compte des aptitudes ou habitudes de chacun (connaissance du parcours, vol à faible hauteur…). Par la suite, la prise en compte des risques au cours du vol peut se trouver diluée ».
Deux autres rapports publiés en 2023 « concernent des accidents survenus lors d’une navigation à deux aéronefs. Ces deux accidents sont survenus dans un contexte de conditions météorologiques incompatibles avec le vol à vue. Le décollage des pilotes qui les précédaient a pu influer sur leur décision d’entreprendre le vol ». On dénombre pour les événements cités cinq personnes décédées.
– Prestations au bénéfice de tiers
Trois rapports publiés en 2023 « concernent des prestations commerciales au bénéfice de passagers. Cette activité se caractérise par l’exposition de tiers aux risques inhérents à l’aviation légère non commerciale et par une charge de travail accrue pour le pilote ».
Dans un cas, le « pilote a perdu le contrôle du pendulaire en montée initiale après une entrée en tumbling. Une concentration insuffisante du pilote au détriment de la surveillance des paramètres de vol, dans cette phase critique du vol, a pu contribuer à cet accident. Cet éventuel manque de concentration pourrait être lié à un effet de routine dû à la répétition des vols touristiques ce jour-là ».
Lors d’une collision en vol survenue entre un ULM et un avion léger, « la focalisation de l’attention des pilotes sur un château a pu limiter leur capacité à surveiller la présence d’autres aéronefs à proximité. Ainsi, la volonté de satisfaire les passagers au détriment de la surveillance extérieure a pu contribuer à cette collision. Les systèmes de visibilité électronique constituent une solution prometteuse permettant de compléter les principes de sécurité actuels sur lesquels se base la prévention des collisions aériennes. Ainsi le BEA a recommandé que l’EASA promeuve une interopérabilité sortante des systèmes de visibilité électronique, en s’appuyant par exemple sur le développement d’une norme sur les formats d’échange et l’attribution d’une fréquence aéronautique dédiée dans un objectif de promotion de la sécurité ».
Dans un autre événement, l’enquête « a montré que le pilote a progressivement réduit ses hauteurs de survol du relief, et plus généralement ses marges par rapport au relief, jusqu’à un point où la sécurité des vols était compromise. Ceci a pu être favorisé par le contexte commercial des vols et la volonté de satisfaction des passagers. De plus le pilote, peut-être occupé à la satisfaction du passager, a probablement prêté une attention insuffisante à la conduite du vol et à la surveillance de la trajectoire ». Pour les événements cités ci-dessus, neuf personnes sont décédées.
« L’absence d’un cadre d’exploitation spécifique aux vols commerciaux en ULM peut contribuer à ce type d’accident. En réponse à des recommandations du BEA, la DGAC a entrepris de publier un arrêté visant à encadrer ces vols locaux à titre onéreux réalisés en ULM ».
– Prise de risques. Manoeuvres non nécessaires à la conduite du vol
Cette thématique est régulièrement abordée par le BEA. Une précédente étude « avait identifié certains facteurs contributifs à la prise de risque, parmi lesquels la recherche d’une forme de démonstration vis-à-vis de tiers au sol, voire du passager, ou encore la recherche de sensations ».
Dans un cas, le pilote de l’ULM « a exprimé plusieurs fois son enthousiasme sur la fréquence, symptôme de l’état d’exaltation dans lequel il se trouvait. Sa hauteur d’évolution le long du parcours conduisait à des marges de sécurité réduites vis-à-vis des obstacles. Il est de plus descendu pour, selon ses termes, saluer des personnes au sol. Il n’a, lors de cette évolution, pas perçu ou a perçu trop tardivement la ligne électrique et n’a pas pu l’éviter. Dans le rapport sur cet accident, il est mentionné que « Lorsque la sécurité du vol ne repose pas sur l’interdit (en l’occurrence la hauteur de survol), c’est la conscience des risques qui permet de conserver certaines marges de sécurité. Si la pratique n’est pas habituelle, les risques et les limites associées ne sont pas intériorisés. Une fois l’interdit franchi, il n’y a plus de limites. Ainsi dès lors qu’il vole en dessous des normes de survol, le pilote n’a plus de limite l’empêchant de descendre encore plus bas. » Pour ce type d’événements, quatre personnes sont décédées.
– Aspects médicaux
« Les pilotes d’ULM bénéficient d’un cadre règlementaire peu contraignant, mais comme tout pilote ils s’exposent aux contraintes inhérentes à la pratique d’une activité aérienne (accélérations, hypoxie…). En l’absence de questionnement sur la compatibilité de son état de santé avec le vol prévu, un pilote peut ne pas avoir conscience que la sécurité du vol est engagée et qu’il s’expose, ainsi que son passager, à un risque important ».
Les exemples cités font état de pilotes « fatigués », avec différentes pathologies (altération de la fonction cardiaque en cas de stress, absences ou troubles cognitifs constatés par des proches, maladie coronarienne et plusieurs infarctus par le passé), ou d’un état de jeûne d’un élève pilote, associé à un possible état de fatigue résultant d’une mauvaise nuit, ayant pu dégrader sa capacité à supporter les accélérations induites par le départ en virage engagé ». Dans d’autres cas, « bien que la contribution à l’accident de l’état de santé des pilotes ne soit pas avérée, l’état pathologique de ces derniers a conduit à s’interroger sur leur aptitude à effectuer le vol en sécurité ».
« Pour certains de ces événements, une prise de conscience et une considération particulière doivent être portées par les pilotes sur les conséquences du vieillissement, avec notamment des effets sur la vision, sur les réponses psychomotrices et sur leur état de santé. Il est nécessaire que les pilotes concernés aient conscience de ces effets du vieillissement et des limites des mécanismes de compensation qu’ils peuvent mettre en oeuvre ». Les événements cités ont entraîné huit décès.
– Gestion des conditions aérologiques turbulentes
« Les ULM, par leur faible masse, peuvent être particulièrement sensibles à l’aérologie et en particulier aux turbulences. Une estimation erronée ou une prise en compte insuffisante des conditions aérologiques lors des phases de décollage ou d’atterrissage peut entraîner une diminution significative des marges de sécurité par rapport aux obstacles ou conduire à des pertes de contrôle alors que l’aéronef est à faible vitesse et proche du sol » indique le BEA.
Le vol en montagne comporte ainsi « des particularités propres à l’environnement, notamment une aérologie complexe et changeante ». Dans un cas, « le pilote a évolué sous le vent d’un relief et a perdu le contrôle de l’ULM dans une zone à l’aérologie perturbée et turbulente ». Dans un autre cas, « le pilote a probablement subi des rabattants et des turbulences lors de l’approche finale. Ce dernier a été contraint d’interrompre l’approche et l’ULM est entré en collision avec le relief lors d’une tentative de dégagement face au relief ».
Dans un autre cas, la perte de contrôle de l’autogire est survenue quelques minutes après le décollage dans une aérologie complexe. « Le lieu de l’accident se situait dans une zone de turbulence modérée à assez forte en surface et dans les très basses couches. Cette turbulence était due d’une part aux rafales en surface et d’autre part aux vents verticaux ascendants et descendants liés aux reliefs environnants ». Un autre accident révèle que « le pilote réalisait un premier vol après des modifications importantes de l’ULM susceptibles de modifier son comportement en vol et d’autre part le décollage a eu lieu avec une aérologie peu propice à une épreuve en vol ». On dénombre pour ces événements huit personnes décédées et une personne gravement blessée.
– Entretien des aéronefs
Lors de l’accident d’un autogire, « un élément de la chaîne de commandes du rotor s’est rompu après quelques minutes de vol. En raison de cette rupture, le plan du rotor avait une liberté de mouvement qui a entraîné un contact entre une pale du rotor et la partie avant droite du poste de pilotage ». Bien que « le manuel de vol des autogires Magni Gyro n’inclue pas la liaison entre la chaîne de commandes et l’ensemble rotor dans les points à vérifier par le pilote avant le vol, il paraît opportun, au vu des constatations réalisées dans le cadre de cette enquête, de suggérer aux pilotes d’autogire Magni Gyro de vérifier visuellement la liaison entre le tube de fourche et le pivot carré ».
Un autre événement concerne un autre autogire Mani. « Un boulon de la chaîne de commandes du rotor a très probablement été perdu en vol. Cela a pu entraîner un jeu anormal ou une désolidarisation totale ou partielle en vol, rendant l’autogire difficilement contrôlable ou incontrôlable ». On dénombre pour ces deux événements deux personnes décédées. ♦♦♦
Photo © BEA
Lien vers les Enseignements de sécurité ULM 2023 sur le site du BEA