Le bilan thématique 2023 du BEA pour l’hélicoptère…
Le BEA réalise tous les ans un bilan des rapports sur les accidents ou incidents sur des aéronefs légers qu’il a publié au cours de l’année précédente. Il s’agit d’un bilan thématique.
En 2023, le BEA a publié 10 rapports relatifs à des accidents survenus lors de l’exploitation d’hélicoptères. Les rapports publiés impliquent uniquement des hélicoptères monomoteur, quatre ont été détruits et quatre autres fortement endommagés. Les dix accidents ont eu lieu de jour, pour trois d’entre eux la prise en compte des conditions météorologiques a été un des éléments contributifs, un seul accident a pour origine une panne mécanique toutefois non expliquée.
« Trois événements mettent en exergue la faible prise en compte, voire la méconnaissance, des caractéristiques et des limites de performance des aéronefs à voilure tournante par certains pilotes privés. Six rapports abordent les risques que peuvent prendre les pilotes face aux possibilités d’évolution qu’offrent les hélicoptères lors de vols à proximité d’obstacles ou du relief. Un rapport traite de l’usage de drogue. On dénombre pour l’ensemble de ces accidents un total de quatre personnes décédées, deux personnes blessées à bord et deux autres personnes blessées à l’extérieur de l’hélicoptère par une élingue ou une charge » précise le BEA.
Ces Enseignements de sécurité concernant les voilures tournantes contiennent des hyperliens vers les rapports d’accident dont la lecture est recommandée. Quatre thématiques ont été mises en exergue pour l’année 2023 :
– Méconnaissance des caractéristiques et des performances hélicoptères
En 2023, trois enquêtes révèlent « une méconnaissance ou une mauvaise prise en compte des phénomènes spécifiques aux voilures tournantes (en particulier le départ en lacet non anticipé). De surcroît, des accidents ont lieu en phase d’instruction ».
Dans un cas, « alors qu’il s’apprêtait à virer à gauche pour dégager la piste, l’élève pilote, seul à bord, a perdu le contrôle de l’hélicoptère qui a effectué deux ou trois tours complets sur lui-même à gauche autour de son axe de lacet. L’élève pilote a baissé ensuite la commande de pas général. L’hélicoptère a touché le sol et a rebondi avant de retomber durement à plat sur la piste. L’élève pilote ne se souvenait plus de quel côté il avait réellement appuyé sur les palonniers ni avec quelle amplitude, et n’excluait pas d’avoir appuyé sur le palonnier gauche. L’élève pilote a insuffisamment pris en compte l’orientation du vent au retour du vol solo. Il a effectué une translation au-dessus de la piste avec une composante de vent de travers droit, alors qu’il en avait réalisé plusieurs en double-commande avec une composante de vent de travers gauche juste avant de partir pour ce vol solo ».
Les mêmes circonstances ont concerné un autre accident. « Lors de la translation vers le poste de stationnement, avec un vent de travers droit, l’hélicoptère a commencé à tourner sur son axe de lacet vers la gauche. L’élève pilote a dans un premier temps appuyé sur le palonnier droit sans atteindre la butée et n’est pas parvenu à contrer le mouvement.
La rotation en lacet à gauche a ensuite été amplifiée par l’action du pilote à tirer sur la commande de pas collectif pour s’écarter du sol, puis par l’appui sur le palonnier gauche du pilote probablement désorienté par le fort taux de lacet. Après plusieurs tours, l’hélicoptère est entré en collision avec un pylône puis est tombé verticalement jusqu’au sol ».
« Ces deux accidents montrent que la sensibilisation au départ en lacet est perfectible et peut être aussi en partie associée aux spécificités du fenestron et ses conséquences en termes de manoeuvrabilité. Ils mettent en exergue combien sont exigeantes l’instruction dispensée et la maîtrise du pilotage de l’hélicoptère. Elles nécessitent des actions promptes et cohérentes avec la mécanique du vol comme prendre en compte qu’actionner la commande de pas général engendre automatiquement une réaction sur l’axe de lacet de l’hélicoptère ».
« L’état de vortex (VRS) est un phénomène connu des pilotes d’hélicoptères, mais lorsqu’il arrive près du sol il est généralement difficile, voire impossible à récupérer. Il est important que les pilotes gardent en permanence à l’esprit l’enveloppe de vol dans laquelle ils évoluent ».
Un événement concerne un accident où « le pilote professionnel expérimenté a réalisé une approche à vitesse verticale de descente élevée par vent arrière. L’hélicoptère utilisé (Airbus AS350 B3e) est réputé disposer d’une marge de puissance importante lorsqu’il n’est pas exploité à la masse maximale. Ces qualités intrinsèques de l’hélicoptère peuvent amener des pilotes à une confiance excessive dans les performances de l’hélicoptère et dans sa capacité à se sortir de situations délicates ». Ces accidents n’ont pas entraîné de conséquence corporelle.
– Maîtrise d’un hélicoptère et de son environnement
Un premier type d’événements est lié aux opérations de levage, l’hélicoptère étant « parfois le seul moyen adapté pour la dépose et la récupération de matériel dans des zones difficiles d’accès. Souvent les sites d’exploitation sont complexes et les pilotes sont parfois confrontés à décider seuls de l’exécution de la mission. Ils doivent composer avec les risques environnementaux, les conditions météorologiques du moment et leur propre expérience de vol et une pression commerciale latente ».
Deux accidents lors d’opérations à l’élingue montrent bien les contraintes auxqulles doivent faire face les équipages dans ce type d’opération. Pour ces événements cités deux personnes ont été gravement blessées au sol.
L’autre type d’événement est l’atterrissage sur un sol peu propice. L’accident a eu lieu à proximité d’étangs, avec les dangers associés qui doivent être pris en compte (effet ventouse). Suite à des fluctuations du régime, le pilote a réalisé un atterrissage d’urgence sur une digue. Les patins se sont enfoncés et l’hélicoptère a glissé vers l’arrière. « Le pilote a tenté de redécoller, mais le patin droit de l’hélicoptère est resté collé dans le sol meuble. Surpris, le pilote a agi excessivement sur la commande du pas collectif et a perdu le contrôle ».
D’autres rapports cités évoquent un accident lors d’entrainements à l’autorotation. Pour les événements cités deux personnes ont été blessées.
– Collision avec le relief par conditions météorologiques défavorables au vol
Un cas concerne l’entrée en IMC de l’hélicoptère, à proximité du relief avec désorientation spatiale du pilote. Dans un autre événement, « alors qu’il n’était pas qualifié pour le vol aux instruments et qu’il était peu formé à évoluer dans des conditions de vol sans visibilité, le pilote a réduit sa vitesse face à un danger météorologique (brume de mer), a poursuivi au cap, est entré dans les nuages et a perdu toutes les références visuelles extérieures. Il a alors perdu le contrôle de l’hélicoptère qui est entré en collision avec le sol ».
Le BEA précise qu’une « formation régulière et basée sur des scénarios réalistes, comme celles réalisées par certains exploitants, peut offrir des outils de sauvegarde : monter à une altitude de sécurité prédéfinie, maintenir l’altitude, préafficher une puissance pour atteindre une vitesse refuge, effectuer un demi-tour contrôlé et/ou utiliser les aides à la radio navigation. Ce type de formation n’affranchit pas les pilotes du respect des règles de vol VFR et des conditions VMC, mais assure une meilleure préparation des pilotes aux situations de perte par inadvertance des références visuelles extérieures. Par ailleurs, les simulateurs de vol sont une alternative intéressante pour la pratique d’une entrée par inadvertance dans la couche nuageuse ». On dénombre pour les événements cités quatre personnes décédées.
– Conduite d’un vol sous l’emprise de drogues
L’enquête a révélé que le même pilote, confronté à la brume de mer, « avait entrepris le vol alors qu’il se trouvait sous l’influence de cocaïne et qu’il portait les traces de la consommation récente de CBD, THC et d’alcool. Le profil du pilote était celui d’un usager caché installé dans l’usage transgressif répété de la cocaïne dans les mois précédant l’accident. La capacité de ces usagers à se soustraire aux contrôles fondés sur la détection de l’influence au moyen de tests de dépistage salivaire offrant un recul au mieux de quelques jours explique qu’ils puissent longtemps rester méconnus. La dégradation de leurs capacités contraste avec le maintien d’une haute estime de soi qui les empêche de prendre conscience de leurs véritables limites. Dans son rapport, le BEA apporte des éléments de réflexion sur les possibles stratégies de prévention des risques liés à la consommation de produits psychoactifs par les équipages ». ♦♦♦
Lien vers la page Enseignements de sécurité du BEA avec les liens vers les différents rapports très instructifs.