Visite prévol « poussée » et vigilance lors des premiers vols sont de rigueur…
L’accident est survenu en mai 2022 sur le London Airport, en Ontario, et vient de faire l’objet d’un rapport d’enquête par le Bureau de la Sécurité des Transports du Canada (TSB). En sortie d’une visite technique majeure (visite des 2.000 heures et visite annuelle) au sein de Diamond Aircraft Industries (filiale canadienne de Diamond Aircraft, constructeur implanté à Wiener-Neustadt, Autriche), le pilote part pour un vol de contrôle en local aux commandes d’un DA-42 NG. Peu après le décollage, le bimoteur part subitement en lacet à gauche.
Le pilote tente de contrôler l’appareil, avec plein palonnier à droite et ailerons à droite, mais l’avion continue à partir en lacet et en roulis à gauche. À 150 m/sol, le pilote envisage revenir se poser, affichant des puissances dissymétriques, pensant à un problème moteur, mais le tout sans résultat. Il pense alors à un problème de commandes de vol, émet un Mayday, et finit par effectuer un atterrissage forcé en bord de piste, en perte de contrôle. Le train d’atterrissage s’efface, l’appareil glisse sur l’herbe avant de s’arrêter, pilote non blessé, avion fortement endommagé. La première observation de l’appareil montre que la direction agit en sens contraire de la normale.
La visite technique a entraîné le démontage partiel de la cellule, le remplacement des deux moteurs, la révision des hélices. Lors de l’inspection, un apprenti assistant les mécaniciens a découvert que les câbles de direction étaient usés, devant donc être remplacés. Le chantier était assuré par deux mécaniciens, un technicien et l’apprenti, ce dernier arrivé à l’usine 4 mois plus tôt en sortie de formation, sans que l’enquête ne trouve trace d’une formation en interne prévue par un manuel approuvé par Transport Canada. Il a eu la charge de remplacer les câbles de la direction, opération qu’il n’avait jamais réalisée sur DA-42.
Le manuel de maintenance constructeur précise que les câbles doivent se croiser à l’arrière de l’appareil afin que le palonnier gauche actionne la direction pour du lacet vers la gauche et vice-versa pour le palonnier droit. Ce qui n’a pas été fait. Auparavant, l’apprenti avait mené une opération similaire sur un DA-40 où les câbles ne sont pas croisés à l’arrière de l’appareil mais restent parallèles. La supervision a fait défaut, la vérification menée de façon indépendante a été incomplète et la direction fonctionnait donc « à l’envers ».
La procédure de changement des guides et câbles de direction prévoit de remplacer un câble puis une fois ceci fait, de changer le second pour en avoir toujours un en place. L’apprenti a démonté les deux guides et retiré les deux câbles, sans noter le principe de montage. Il n’a pas bénéficié de la documentation constructeur et les mécaniciens l’entourant, connaissant le principe du croisement des câbles, ne se sont pas assuré du bon remontage. Celui-ci s’est étalé dans le temps, l’approbation finale étant signée plus d’un mois après l’opération. Il n’a pas été possible de déterminer si toutes les vérifications à faire ont été réalisées notamment l’inspection des commandes de vol lorsqu’elles ont été ajustées et les mesures de débattement. Du cockpit, il est difficile de noter les déviations de la direction, imposant la présence de deux personnes, point qui n’a pu être confirmé. La conjugaison de la roue avant n’est pas concernée. Ceci n’a pas permis au pilote de noter le problème lors de la visite prévol effectuée seul.
Au-delà du rapport, quelques points supplémentaires :
– si un appareil ne répond pas dans le sens souhaité, il ne faut pas accentuer l’action. Si un avion s’incline à gauche alors que le manche est à droite, mettre plus de manche à droite va entraîner plus d’écart à gauche. Facile à dire ! Car tout pilote a été formaté pour contrôler l’inclinaison en mettant plus de manche du côté souhaité. Mais en cas de réaction « inverse » de l’appareil, il est préférable de revenir au neutre, voire d’utiliser les effets secondaires (roulis induit par exemple).
– en sortie de visite technique, même mineure, une visite prévol encore plus soignée s’impose et il faut rester aux aguets lors des premiers vols. Lors d’un vol de contrôle en sortie d’atelier, une alarme ne doit pas être considérée comme une « fausse indication ». Dans le doute, on ne s’abstient pas et il faut la considérer comme réelle. Un rapport du BEA évoque cela en sortie de visite pour un Cessna 401B. ♦♦♦
Photo © Diamond Aircraft
Liens vers les rapports du TSB canadien et du BEA
DA42direction
Cessna401Moteur