Plus le bilan carburant est faible et plus la précision de calcul doit être grande tout en ajoutant des marges…
Cela se passe dans un autre pays mais là n’est pas l’essentiel… Un pilote doit récupérer un Piper PA-28/140 à l’atelier sur un aéroport extérieur. À la prise en compte de l’appareil, le pilote note « 42 litres » indiqués sur le carnet de route, ce qu’il considère comme suffisant pour le court vol (estimé à 20 mn avec la réserve) à destination d’un premier aérodrome pour refaire les pleins avant le retour à l’aérodrome d’attache. On suppose que l’avitaillement est plus simple sur l’aérodrome intermédiaire plutôt que sur l’aéroport de départ. De plus, en refaisant le plein après 20 mn de vol vers l’aérodrome intermédiaire, c’est la possibilité de revenir au terrain d’attache avec le maximum de carburant à bord, l’aérodrome de base n’étant pas toujours bien avitaillé en carburant.
Lors de la visite prévol, le pilote n’a pu trouver la languette permettant de quantifier avec précision la quantité de carburant dans les réservoirs. Le contrôle visuel le conforte dans une quantité suffisante pour le vol prévu même si les jauges sont près de la butée basse.
Un classique biais de confirmation en se basant sur l’indication mentionnée dans le carnet
de route…
Le vol se déroule normalement et le pilote rejoint le circuit de piste du terrain intermédiaire, passe en étape de base mais au moment de débuter son dernier virage, le moteur cafouille et s’arrête. Le pilote bascule le sélecteur carburant du réservoir gauche vers le droit, mais sans effet sur la puissance délivrée par le moteur. Réalisant qu’il ne pourra atteindre la piste, il choisit un champ parallèlement à l’extension de la piste et réalise un atterrissage sans aucun dommage pour l’appareil. Au sol, en actionnant la pompe électrique et en vérifiant la pression carburant, il comprend que le réservoir gauche est totalement vide, quelques litres restant dans le réservoir droit.
En fait, le carnet de route avait été mal renseigné, les 42 litres étant présents… avant d’arriver à l’atelier, sur l’aéroport, et non pas après atterrissage. De plus, lors d’une maintenance périodique, le moteur est mis en marche au sol pour chauffer l’huile et faciliter ainsi la vidange, d’où quelques litres supplémentaires de carburant consommés lors de cette mise en route. L’enquête a montré qu’au départ du vol, la quantité de carburant à bord devait osciller entre
19 et 26 litres, sans pouvoir déterminer avec précision la quantité dans chaque réservoir.
Le rapport d’enquête mentionne la bonne réaction du pilote (90 heures au total dont 15 dans les 90 jours) en changeant de réservoir puis sa décision de ne pas tenter d’atteindre la piste après l’arrêt moteur.
Le rapport d’enquête s’arrête là mais on peut poursuivre par quelques rappels :
– le bilan carburant avant le vol doit être mené de plusieurs manières pour pouvoir recouper les informations. Un contrôle visuel avec un jaugeur type languette graduée reste le meilleur moyen quand l’appareil le permet. La quantité trouvée doit être confrontée avec la valeur à retrouver dans le carnet de route en prenant la totalité des temps de vol depuis le dernier avitaillement sur la base d’une consommation moyenne à majorité par souci de sécurité.
– l’absence d’un « détail » peut être primordiale pour les conséquences à venir lors d’un vol, telle l’absence de la languette métallique dans l’appareil pour évaluer la quantité dans les réservoirs. L’atelier en avait-il un exemplaire à prêter ? Voler avec les indicateurs des jauges en partie basse nécessite une bonne connaissance de sa machine et aussi la nécessité d’un bilan carburant très précis et non pas une rapide estimation visuelle. Dans le doute, on passe
à la pompe…
– l’importance de bien mentionner la quantité de carburant AVANT ou APRÈS le vol n’a pas besoin d’être expliquée… Si la mention a été faite avant la visite périodique, les valeurs indiquées ne sont pas forcément en phase avec la réalité. On peut rajouter que si les pleins complets ont été effectués, il est bon d’indiquer PC (pleins complets) après la quantité exprimée en litres mise dans les réservoirs. S’il s’agit d’un plein partiel, la mention PP (pleins partiels) est à indiquer pour éviter toute confusion.
– après une sortie d’atelier, l’appareil ayant subi de nombreuses opérations – avec multiples montages-démontages et autres interventions, présence d’outils, etc. – les menaces peuvent être nombreuses et une visite prévol plus « poussée » est une bonne pratique. ♦♦♦
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