Quelques enseignements à tirer d’un rapport du BEA.
La majorité des causes d’incidents et d’accidents étant d’origine humaine (l’opérateur humain, alias le pilote aux commandes), la lecture des Rex et rapports du BEA constitue une source d’informations inégalée devant permettre aux lecteurs de ne pas se mettre dans des situations similaires. L’accident d’un DR-400/140B en juin dernier en fait partie.
Parti de région parisienne, l’équipage (un pilote, un passager) fait escale à Royan. Le lendemain, l’appareil doit rejoindre l’aérodrome privé de Pressignac-Vicq où se trouve la ferme de Rebeyrotte. Cette piste privée est particulière pour qui est habitué à des aérodromes « standards ». Si les dimensions sont « classiques » avec 800 m de long pour 35 m de large, l’environnement est plutôt vallonnée, avec différents hameaux ou fermes à ne pas survoler.
Surtout, la piste en pente impose un QFU 19 à l’atterrissage et un QFU 01 au décollage. À l’atterrissage, la 19 connaît une pente de 5% sur les 150 premiers mètres, puis environ 3,5% sur les 550 m suivants et une pente légèrement descendante sur les 100 derniers mètres. L’atterrissage en 19 est interdit par vent du nord de plus de 10 Kt (9 Kt du 340° relevés par Météo-France le jour de l’accident). Le tout figure sur la « fiche VAC » de l’aéro-club local à consulter pour obtenir l’autorisation d’atterrissage.
À l’arrivée, après une verticale de reconnaissance (il s’est déjà posé sur ce terrain par le passé), le pilote réalise un premier tour de piste. Pour éviter le survol d’une ferme proche de l’axe de la finale, il tourne rapidement en base. À l’atterrissage, l’avion rebondit, touche durement puis rebondit à nouveau. Après remise des gaz, lors de la seconde approche, « il a raccourci le circuit d’aérodrome en virant prématurément en étape de base afin d’éviter le survol d’une ferme » mentionnée sur la fiche VAC au lieu de prolonger sa vent arrière pour aller plus au nord et faire le tour de cette ferme. L’avion touche la piste environ 500 m après le seuil et dévie aussitôt vers la gauche. La sortie de piste s’achève dans les arbres.
Le rapport du BEA précise que « dans un contexte d’approche finale courte, avec du vent arrière, il n’est pas parvenu à stabiliser l’approche. Il l’a poursuivie bien qu’elle n’ait pas été stabilisée, la vitesse étant excessive, la trajectoire décalée de l’axe de piste et au-dessus du plan d’approche. Une perte de lucidité possiblement due à la fatigue accumulée par le programme de la journée a pu contribuer au fait que le pilote n’a pas interrompu l’approche ».
S’il avait « noté un vent de secteur nord assez faible », il a « oublié de prendre en compte la composante de vent arrière lors de l’approche finale ». De plus, comme facteur contributif est citée « une connaissance partielle de la carte d’aérodrome » qui a « conduit le pilote à virer prématurément en étape de base et a ainsi contribué à l’approche non stabilisée ».
Au-delà de ce rapport, d’autres recommandations peuvent être mentionnées :
– pour une approche sur un terrain jamais ou peu pratiqué (notammeent récemment), il est absolument nécessaire de ne pas se précipiter… et donc de faire un « tour de piste de Boeing », c’est-à-dire large et à bonne distance, pour prendre le temps d’analyser la trajectoire, de bien suivre ses paramètres, d’être devant son appareil, d’avoir du recul.
– si l’environnement (relief, urbanisation, etc.) impose un tour de piste relativement court, ceci ne peut s’improviser au dernier moment. Un entraînement régulier avec instructeur, en circuits basse hauteur, demeure une solution bien adaptée au maintien de ce genre de compétence au fil du temps…
– une fiche VAC regorge de données et il est nécessaire de bien la lire dans les détails lors de la préparation du vol. De nos jours, sa consultation peut être utilement complétée par une vision de l’environnement via GoogleEarth, représentation en 2D ou 3D permettant de noter des repères visuels qui pourront être utiles pour dessiner ensuite le tour de piste dans le paysage lors du vol réel.
– une finale stabilisée s’impose avec le triumvirat axe-plan-vitesse à contenir dans les tolérances acceptables et avec une « porte » finale à franchir entre 500 et 300 ft/sol selon l’expérience acquise. Si les paramètres ne sont pas maîtrisés à ce passage de « porte », la remise de gaz s’impose. Il faut s’y être entraîné, ce qui peut se faire lors des vols de prorogation pour conserver la pratique et la gestuelle de cette manoeuvre utile à la sécurité.
– le respect d’un point d’aboutissement de la trajectoire est un paramètre fondamental. Il faut s’en donner un à partir de la fiche VAC, ou travers le seuil de piste en vent arrière, voire en finale mais il faut en avoir un pour respecter une trajectoire donnée. Il en est de même pour la vitesse d’approche à afficher en prenant en compte l’effet du vent.
– enfin, il faut se donner un point de repère le long de la piste à partir duquel la remise de gaz devra être engagée si l’appareil n’a pas encore touché des roues. Une chose est sûre,
« trop haut, trop rapide » est une situation menant souvent à l’accident. La remise de gaz s’impose… avant le touché des roues car généralement avion une fois au sol, le reste de piste devant lui n’est plus suffisant ni pour s’arrêter avant les obstacles ni pour remettre les gaz.
Il est alors trop tard… ♦♦♦
Photo © GoogleEarth
Lien vers le rapport complet du BEA
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