Il y a 90 ans, le premier vol du HM-14 Pou-du-Ciel conçu par Henri Mignet
Passionné d’aviation, Henri Mignet commence une correspondance avec Gustave Lilienthal, le frère du pionnier décédé, quand il a seulement 18 ans. Un an plus tard, en 1912, son premier appareil, le HM-1, est un planeur inspiré des ailes d’Otto Lilienthal. Plusieurs projets se suivent, interrompus par la Première Guerre mondiale. Pour le HM-2 de 1920, il s’est inspiré de la formule Blériot. Suivront le HM-3, un appareil à ailes repliables puis le HM-4 sans gouverne de direction.
Après avoir assisté au 1er Congrès français de vol sans moteur, organisé en 1922 à Combegrasse, il conçoit en 1923 son HM-5, un planeur porté sur les épaules. Après le HM-6 motorisé, il passe à l’hélicoptère avec le HM-7 dont le premier vol se termine mal. Touche-à-tout (de la photographie à la radio sans fil en passant par la réalisation d’une caméra), ses multiples projets et ses innovations (roues orientables, ailes pivotantes…) font qu’il est déjà bien connu des constructeurs amateurs au point que Georges Houard, le rédacteur-en-chef du journal hebdomadaire « Les Ailes » publie une série d’articles signés Mignet à partir de 1928.
Son HM-8 est plus classique, ce sera son premier succès. Par cette avionnette monoplace, Henri Mignet suscite l’engouement de nombreux lecteurs car l’aviation légère à l’époque demeure très coûteuse, réservée à l’aristocratie. D’où l’intérêt suscité par son approche visant à réaliser des avionnettes à se construire soi-même dans son propre garage. Des HM-8 sont ainsi construits à la fin des années 1920 par des amateurs, à partir des conseils prodigués par Henri Mighet.
Le généreux concepteur partage ses connaissances avec les amateurs, via en 1928 l’ouvrage « Comment j’ai construit mon avionnette », basé sur le HM8, avec les principes de construction détaillés, schémas techniques et explications compris. Mais le HM-8 est de pilotage conventionnel et subsiste le risque du décrochage – on parle de « perte de vitesse » à l’époque – phénomène que Henri Mignet subit lui-même, détruisant son premier HM-8 lors d’un survol de la plage de Royan, sans dommages pour lui.
Il poursuit donc ses recherches, cherchant une « formule » destinée à éviter le décrochage et donc la vrille (À l’époque, « Le décrochage, c’est la vrille et la vrille c’est la mort »…), en imaginant un pilotage 2-axes. Les ailerons sont donc supprimés, la mise en virage et la sortie de virage se faisant par roulis induit à l’aide d’une direction surdimensionnée pour avoir de l’efficacité en lacet. Le contrôle en tangage est réalisé à l’aide des deux voilures d’envergure similaire, donc l’une est articulée. La seconde, à l’arrière, doit apporter un « effet de fente » pour empêcher le décrochage de l’aile avant. À faible vitesse, l’appareil ne décroche pas au sens d’abattée mais s’enfonce sur une forte pente, tout en restant contrôlable par le pilote, éventuellement jusqu’au sol…
Après le HM-13, c’est le HM-14 qui devient le Pou-du-Ciel avec la formule définitive du concept mis au point par Henri Mignet. Ce dernier effectue le premier vol de son HM-14, le 10 septembre 1933, il y a 90 ans ! Pour mettre au point son monoplace, l’obstiné inventeur rejoint la campagne dans le secteur de Soissons, y passant plusieurs mois quelles que soient les conditions météorologiques. Une tente, un atelier, des outils, le tout transporté par le side-car familial, donne lieu au « Bois de Bouleaux », le centre de ses essais en vol. Le 10 novembre prochain, la Fédération RSA rendra hommage à Henri Mignet au Bois de Bouleaux, à Vailly (02).
En 1934, il publie « Le Sport de l’Air », ouvrage entièrement consacré au HM-14, avec les plans de ce dernier. L’appareil est présenté, au 14e Salon de l’Aéronautique, au Grand Palais à Paris. Relégué dans un coin par les organisateurs, il est la vedette aux yeux du public, avec de nombreux visiteurs venant voir le stand de « Monsieur Mignet », qui devient le « Saint-Patron de l’aviation légère », avec une aviation à la portée de tous. Un succès peu apprécié des « grands constructeurs ».
« Le Sport de l’Air – Pourquoi et comment j’ai construit le Pou du Ciel ? » est traduit en plusieurs langues, édité à des milliers d’exemplaires. Le concepteur sait encourager ses lecteurs à se lancer dans la construction : « Si vous savez clouer une caisse d’emballage, vous saurez construire un HM-14 » ! Des chantiers de construction de HM-14 voient le jour à travers le monde. Ce sont les Anglais qui lui donneront son surnom (Flying Flea ou Puce volante, d’où le Pou-du-ciel, vocable qui plaira à son concepteur). Le mouvement va entraîner la création du Certificat de navigabilité restreint (CNRA) en 1938, dans le sillage de l’Aviation populaire (1936).
Suite à quelques accidents mortels – liés à des amateurs ne suivant pas toujours les plans ou les matériaux prévus, et surtout une instabilité longitudinale à grande vitesse à un centrage préconisé – suivis d’une une interdiction de vol décidée par les pouvoirs publics avant des essais en soufflerie à Meudon et des modifications apportées au centrage du HM-14, l’appareil fera la Une des journaux aéronautiques, avec les aficionados d’un côté et les détracteurs de la formule de l’autre. Mais la dynamique est bien lancée. Il est désormais possible de construire son propre avion et de découvrir la campagne depuis le ciel !
Henri Mignet va fonder en 1935 le Réseau des Amateurs de l’Air (RAA), regroupant les constructeurs amateurs. Après la Libération, cela donnera naissance en 1946 à la création du Réseau du Sport de l’Air (RSA), aujourd’hui fédération aéronautique membre du CNFAS. D’autres appareils portant la marque HM suivront, en mono ou biplace, pour des usages civils et militaires. À sa disparition en 1965, la formule du Pou-du-Ciel sera poursuivie par ses proches et d’autres concepteurs dont Emilien Croses et Gilbert Landray. ♦♦♦
Photos © Raymond Spekking/CC (HM-8), Joost Bakker/CC (HM-14 au sol à Brienne-le-Château), l’Imperial War Museum (HM-14 en soufflerie), Comedy Nose/CC (HM-14 en exposition) et Agence Meurisse (HM-14 en vol, photo d’ouverture).