Etude du SESA suisse sur les risques liés aux parachutes balistiques après accident.
Le SESA est le Service d’enquête suisse sur les accidents, équivalent au BEA français, au NTSB américain ou à l’AAIB anglais. Il a publié récemment son rapport final sur les « risques encourus par les services de sauvetage et d’enquête avec les systèmes de sauvetage par parachute balistique (Ballistic Parachute Systems, BRS) dont certains avions sont équipés ». Il « s’adresse aux autorités, aux fabricants et aux organismes de sauvetage » mais sa lecture peut également intéresser les pilotes et propriétaires concernés.
Si la société américaine BRS Aerospace, créée en 1980, a été pionnière dans ce domaine avec l’installation en 1998 de parachutes sur les Cirrus SR-20, d’autres sociétés (au nombre de 8 selon le SESA) diffusent des systèmes de sauvetage similaires par parachute balistique, basés sur les mêmes principes de fonctionnement – à savoir, un explosif comme combustible solide du moteur de la fusée pyrotechnique. Selon l’OACI, en 2005, plus de 20.000 appareils étaient ainsi équipés. En 2019, BRS revendiquait 400 vies sauvées par son système de sauvetage.
Le service d’enquête a recensé trois accidents survenus en Suisse et liés à des avions équipés de parachutes balistiques :
– En 2006, un Cirrus SR-20 est entré en collision avec le relief. Les occupants bien que blessés ont pu quitter l’épave par leurs propres moyens, avion détruit sans incendie. Le propriétaire de l’avion a informé l’enquêteur que l’avion était équipé d’un BRS mais qu’il n’y avait aucun danger tant que la poignée de déclenchement n’était pas tirée. L’épave a été transportée par hélicoptère « dans une totale ignorance des dangers encourus ». L’enquêteur en contact avec Cirrus Aircraft a appris ensuite qu’il ne fallait pas toucher à l’épave tant que le BRS ne serait pas désamorcé par un spécialiste de Cirrus. Ce dernier est arrivé en Suisse le lendemain.
– En 2008, l’accident d’un Cirrus SR-22 a fait quatre victimes sur l’aéroport de Zurich. Le parachute intégral n’avait pas été actionné ni en vol ni par l’impact au sol. Les secouristes n’étaient pas conscients des risques avec un parachute armé mais ils n’ont pas tenté de désamorcer le système. Sans spécialiste en la matière en Europe, le constructeur a envoyé un expert arrivé en Suisse le lendemain. Entre-temps, les pompiers de l’aéroport avaient évacué l’épave pour remettre en exploitation une piste. Le BRS a été désamorcé par la suite par l’expert américain.
– En 2009, un MCR-4S est entré en collision avec le sol après décollage à Samedan. Dans l’épave, aucune information concernant le désamorçage du parachute n’était présente. Seule une étiquette collée sur le fuselage indiquait de prendre contact avec le fabriquant du système mais personne n’a pu être contacté. Le réservoir ayant été rompu, un risque d’incendie et d’explosion était important.
Ainsi, le SESA indique que le désamorçage de tels systèmes « ne peut se faire en toute sécurité par les secouristes (…) avant le sauvetage des occupants », ce qui « constitue un risque de sécurité ». Le fait de faire appel à un spécialiste du constructeur, retardant les opérations de sauvetage, n’est pas jugé compatible avec les procédures en vigueur pour les sauvetages, car « un désamorçage non effectué ou incomplet peut mettre en danger les occupants et/ou les secouristes lors de l’évacuation de l’épave ». D’où le souhait du SESA de proposer des procédures d’exploitation et de sauvetage correspondant aux normes actuelles.
Le SESA note que l’OFAC (la DGAC suisse) ne dresse pas d’inventaires des avions équipés parachute intégral, et qu’il est donc impossible de connaître les avions certifiés ou non et les Ecolight (version suisse de certains ULM…) ainsi équipés hormis les SR-20 et SR-22 équipés de base. Ayant constaté que tous les rapports d’enquêtes soulignent les dangers que représentent de tels systèmes de sauvetage pour les secouristes et « qu’il y a peu d’informations disponibles sur le comportement thermique de la fusée lors d’incendie et sur la sensibilité des explosifs de la fusée », le SESA a mené une étude sur ces deux points.
Deux types de fusée (BRS-440 pour appareils de 475 kg et BRS-601 pour aéronefs de 600 kg) ont été utilisés, avec des poids respectifs de 0,7 et 1 kg, avec une combustion de 1,25 et 1,7 secondes. La poussée peut atteindre 1.470 N. Si les températures maximales d’entreposage et d’exploitation se situent entre 60 et 70°, sans constituer un danger même en cas de dépassement momentané de la température du système, le SESA précise que l’entreposage à la température maximale sur de longues périodes entraîne un vieillissement de l’explosif et donc une réduction de la stabilité thermique et mécanique.
Pour de tels explosifs, la température de réaction se trouve entre 180 et 220°C, situation possible lors d’un incendie. L’échauffement important à proximité d’un incendie associé à une décomposition thermique à l’intérieur de la fusée peut entraîner une réaction plusieurs heures plus tard. Quatre fusées ont été exposées à une flamme d’environ 1.000°C, entraînant une réaction violente dans les 2 ou 3 minutes qui ont suivi. Dans un cas, une fusée BRS-601 a traversé une tôle témoin en aluminium de 2 mm d’épaisseur et placée à 2 m de là. La sensibilité aux chocs et aux frottements reste modérée.
Au niveau des recommandations, le SESA souhaite que les avions équipés de parachute balistique soient mieux identifiés, avec une étiquette triangulaire de couleur vive et de 40 cm de côté, collée sur le fuselage et indiquant le danger. Un numéro de téléphone auprès des secours doit être indiqué pour être informé des procédures à suivre. Le panneau de sortie de la fusée sur la cellule doit être clairement identifié. Les endroits de la cellule pouvant être sectionnés pour désincarcérer les occupants doivent être identifiés.
Le SESA souhaite que l’OFAC mentionne la présence d’un parachute intégral sur son registre internet des aéronefs, permettant ainsi aux secouristes d’obtenir rapidement cette information. Le SESA recommande l’usage d’indicateurs de température, changeant de couleur en fonction des températures, avec contrôle apparaissant dans la check-list de contrôle au sol de l’appareil.
Par ailleurs, le SASA un contrôle systématique de la longévité, le contrôle des températures d’entreposage et d’exploitation de tels systèmes (programmes et documents d’entretien). La course de déclenchement de la fusée se faisant par poignée et câble avec une course d’environ 13 mm, une tension du câble reste possible lors des manipulations par les secouristes. D’où la procédure de Cirrus sectionnant le câble de déclenchement à l’aide d’une pince spéciale le plus près possible de l’unité de mise à feu même si le NTSB considère que cette pratique reste dangereuse avec risque de traction du câble lors du sectionnement… D’où la recommandation du SESA vers les fabricants en leur demandant « s’il est possible de séparer mécaniquement, à l’aide d’un système de sécurité, l’unité de mise à feu de la fusée ».
Lors de l’incendie d’un hangar, contenant des avions équipés, le danger est bien présent pour les sapeurs-pompiers. Un plan affiché dans les locaux des pompiers serait utile pour connaître la localisation des appareils concernés. D’autres recommandations concernent la formation des pilotes et des équipes d’intervention et des secouristes, avec notamment en cas d’incendie une distance de sécurité à mettre en place au cas où la fusée exploserait et des procédures de « déminage » lors de l’élimination d’une épave. ♦♦♦
Photo d’ouverture © BRS Aerospace
Etude complète à télécharger par ce lien ci-dessous
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