50 bougies pour le monoplace de Michel Colomban
Quand au début des années 1960, Michel Colomban se lance dans la conception d’un avion monoplace selon ses idées sur le « vol à faible puissance », il est encore peu connu dans le milieu de l’aviation légère et la construction amateur. Dans l’industrie aéronautique, il a cependant déjà connu une progression spectaculaire. Entré en 1955 chez Morane-Saulnier comme ajusteur d’études (MS-760 Paris, MS-1500 Epervier), il passe rapidement au bureau d’études, assurant calculs et études aérodynamiques, notamment pour le MS-880 Rallye encore en gestation chez Morane.
Passé chez Potez notamment pour le calcul des structures du quadriturbopropulseur Potez 840, il rejoint Sud-Aviation qui va devenir la SNIAS puis l’Aérospatiale, étudiant divers projets alllant d’un biturbopropulseur au jet d’affaires SN-600 Corvette en passant par l’étude de l’hypersustentation par soufflage d’hélices, des avions STOL sans oublier la mise au point de méthodes de calcul en hypersustentation.
Mais quand il présente les premières ébauches d’un monoplace bimoteur développé sur ses loisirs, les observateurs sont sceptiques au niveau des performances annoncées, soit 200 km/h avec moins de 25 ch et une capacité à voltiger (+6/-3 G)… Pourtant bien armé pour juger de la faisabilité d’aéronefs, l’ingénieur-pilote d’essais Jacques Lecarme pense que l’avion n’aura qu’un faible domaine de vol avec quasiment une unique vitesse en montée, en croisière et en approche.
Michel Colomban a développé de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes de construction pour faire léger. L’obsession de la moindre masse l’entraîne à peser tout élément de la structure métallique et à trouver parfois des solutions sophistiquées pour diminuer le devis de masse. Le revêtement de chaque voilure de bon allongement (7,74) est assurée par une tôle pliée et plaquée sur le longeron et les nervures par dépression, via l’usage d’un simple… aspirateur. Les nervures sont réalisées en Klégecell, matériau qui sera repris par la suite par d’autres constructeurs.
La voilure bénéficie de flaperons, faisant office de volets et d’ailerons sur la totalité de l’envergure. Différents réglages des commandes de vol, par élastiques, permettent de régler la sensibilité de l’appareil selon les goûts du pilote. Les deux moteurs Rowena (10 ch chacun), à axes rapprochés pour limiter les effets en N-1, sont montés sur un bras en V bénéficiant d’un système limitant les vibrations des moteurs. Avec une forte expérience dans le domaine du modèle réduit, le concepteur a retenu des monocylindres, à démarrer à la main comme une tondeuse à gazon, actionnant des hélices de faible diamètre, tournant à des régimes élevés, augmentant la stupéfaction des observateurs en matière de rendement…
Au final, la masse à vide (63 kg pour le prototype) de l’appareil baptisé Cri-Cri (diminutif du prénom de sa fille Christine) est plus faible que la charge utile avec une masse maximale de 170 kg. Le pilote bénéficie d’un simple siège de camping, les genoux prenant appui sur le réservoir de carburant. De plus, l’appareil est démontable en quelques minutes avant de pouvoir être transporté dans une remorque automobile conçue par Michel Colomban. Au final, avec une verrière hypertrophiée pour accueillir un pilote, le MC-10 pourrait presque prétendre à la catégorie des Petits Gros en aéromodélisme.
C’est le 19 juillet 1973 – il y a 50 ans cette année… – que le prototype prend son envol depuis l’aérodrome aujourd’hui disparu de Guyancourt, en région parisienne ouest. Aux commandes, Robert Buisson, un ancien pilote de chasse, notamment sur Dewoitine D-520, que l’on peut cotoyer jusqu’aux années 1980 à Chavenay-Villepreux, étant instructeur sur HR-200, avec une casquette de coureur cycliste immuable sur la tête…
Les performances visées par le concepteur sont au rendez-vous. Le Cri-Cri va devenir la vedette des meetings aériens, de La Ferté-Alais à Oshkosh. Pilotes d’essais, Claude Lelaie et Denis Legrand présenteront l’appareil aux Etats-Unis avec une patrouille de deux CriCri en voltige. En France, Yves Duval retiendra également le type avec une formation de trois Cri-Cri suivant leur mère-poule sous la forme d’un Zlin 526… Spectacle garanti.
Avec l’aide de sa femme Marie-Jeanne, le concepteur va commercialiser une liasse de plans pour le Cri-Cri avec un descriptif de toutes les actions à mener pour réaliser le monoplace. Ce dernier au fil du temps recevra diverses motorisations, des Valmet aux Solo 210 passant par les JPX 212, atteignant la puissance totale de 30 ch et passant du MC-10 aux MC-12 et MC-15 selon la puissance installée. Des réunions mensuelles ont lieu dans un restaurant à Guyancourt, où les amateurs peuvent venir présenter leurs constructions, recevant les conseils du concepteur, le tout autour d’un buffet…
Michel Colomban ne s’arrêtera pas au Cri-Cri et ses plus de 700 liasses de plans diffusées dans le monde, il passera par la suite au MC-100, un biplace métallique côte à côte diffusé sous la forme d’une liasse de plans mais qui connaîtra surtout la consécration sous sa forme d’un kit en composites sous le nom de MCR (Michel Colomban-Christophe Robin), premier d’une longue gamme de bi et quadriplaces développée au sein de Dyn’aéro (Dijon-Darois). Puis il y aura le MC-30 Luciole, un autre monoplace léger, en catégorie ULM cette fois, mais toujours selon les mêmes principes que ceux du Cri-Cri (faible puissance, faible masse, démontage rapide).
Côté professionnel, ses travaux se poursuivront dans le domaine de l’aérodynamique, donnant naissance à la famille des profils RA16C3 et V16F que l’on retrouvera sur les différents TB de la Socata (du 9 au 30), l’ATR-42 ou encore les Cap 21 et 230. Mais ses travaux concerneront aussi l’étude (aérodynamique, structures) d’un drone, de missiles balistiques ou encore la navette spatiale européenne Hermès restée sans suite. ♦♦♦
Documents © Aviation Magazine. Photo (Robert Buisson aux commandes du prototype) et écorché signés Jean Pérard.
Edit du 20 août avec quelques précisions commmuniquées par Michel Colomban :
– « Concernant le Cricri, le dernier dossier a été fourni à un australien du nom de Glenn Dean en décembre 2019. Il portait le N°772. Compte tenu du manque de certains éléments (moteurs JPX, hélices composite, lame de train, etc.), j’ai arrêté la diffusion des dossiers de construction de cet avion ».
– « Concernant le biplace MC100 j’ai aussi arrêté pour leq mêmes raisons ».
– « Concernant la Luciole, j’avais aussi arrêté au début de l’année dernière. Mais, un ami de longue date (ex-constructeur d’un Cricri et d’un MC100) se propose de reprendre la diffusion des liasses de cet avion. Affaire en cours ».
– « Combien de Cricri en vol ? Difficile de répondre à cette question. « Quelques » années après les premières diffusions de liasses on avait pu en dénombrer plus d’une centaine, principalement en France, mais aussi en Angleterre, en Allemagne, en Belgique et en Suisse. Et puis un peu partout ailleurs, dans 57 pays différents. En fait, il s’est passé le phénomène suivant : pour les premiers constructeurs, faire voler leur Cricri, c’était comme une « gloire », un évènement et ils sautaient sur leur téléphone pour m’en informer. Puis, faire voler un Cricri était, progressivement, devenu une banalité. Les mises au courant étaient de moine en moins fréquentes. De temps en temps j’en découvrais un nouveau par-ci par-là dans un hangar ou dans la presse… Et puis il y a eu Zénair qui produisait des kits au Canada. Combien ont volé ? Mystère. Et puis il y a eu aussi, également au Canada, des copies frauduleuse de mes plans vendues à bas prix sous forme de CD. Jamais aucune nouvelle bien sûr. Conclusion : je crois qu’on ne saura jamais combien de Cricri ont volé ». Michel Colomban
– 9-10 septembre : Rassemblement RSA Normandie et avions conçus par Michel Colomban à Mortage-au-Perche. Présentation statique sur les deux jours. Portes ouvertes de l’aéro-club. Camping possible sur le terrain. Samedi 9 septembre : arrivée des participants. 12h00 : apéritif puis déjeuner sous le hangar. 20h00 : Barbecue sur réservation avant le 4 septembre. Dimanche 10 septembre : 12h30 : apéritif puis déjeuner sous le hangar. Contacts : ggermondrsaouest@orange.fr ou aeroclubmortagne@gmail.com
Fiche d’inscription et consignes à télécharger InscriptionJPO