Les maux des mots dans la rédaction d’un arrêté…
Une fois de plus, la DGAC/DSAC n’aura pas brillé par sa communication. Dans les tuyaux depuis des mois, sans information sur sa date de sortie, l’amendement à l’arrêté du 10 novembre 2021 relatif aux manifestations aériennes a été publié ce 2 juillet au Journal officiel de la République française. Il s’agit d’un arrêté daté du… 15 mai 2023 ! Sans tambour ni trompette, un lien a été ajouté à la page Manifestations aériennes du site de la DGAC. La communication s’arrête là !
On le sait, le premier arrêté de fin 2021 avait été rédigé de travers mais pour la DSAC, il y avait (parait-il…) « urgence » à le publier et donc il a été publié fin 2021 pour être appliqué dès avril 2022 malgré ses lacunes déjà pointées du doigt, notamment lors d’une convention de France Spectacle Aérien en présence du directeur de la DGAC, Damien Cazé, tout juste arrivé en poste, et annonçant qu’il avait signé l’arrêté qu’on lui avait présenté mais qu’il serait possible de le modifier à la marge au vu des problèmes qui seraient rencontrés durant la saison 2022. Ces derniers évidemment n’ont pas manqué d’apparaître… Et donc le « nouvel » arrêté a été (enfin) publié ces derniers jours. Il faut le lire in extenso pour noter les multiples modifications apportées au texte initial. Le lendemain, 4 juillet, un nouveau guide explicatif était mis en ligne sur la page internet de la DSAC.
Guide à télécharger avec ce lien
GuideSAP23
De l’usage des mots dans la rédaction d’un arrêté par la DSAC… Quelques lacunes ont ainsi été corrigées. Dans le texte initial, seuls des organismes de formation pouvaient organiser une journée Portes ouvertes sur un aérodrome mais si plusieurs clubs étaient implantés sur ce terrain, leur groupement ne pouvait ainsi pas organiser de JPO mais seulement chaque club… Désormais un organisme destiné « à encourager le développement de l’aviation légère » peut le faire.
Autre lacune du texte initial. Dans l’arrêté du 10 novembre 2021, il est question de l’expérience des pilotes (SAP.OPS.205), le texte indiquant :
« I. – Tout participant justifie sur sa fiche de participation (point SAP.OPS.210) des conditions d’expérience requises aux 1°, 2°, 3° et 4° suivants :
(…)
3° Avec le même modèle d’aéronef :
b) En cas de baptême de l’air, de 25 heures de vol comme commandant de bord dans les douze mois qui précèdent le spectacle aérien public (…) »
L’exigence du « même modèle » se conçoit évidemment s’il s’agit d’une présentation en vol, traitée au 1° de ce paragraphe, un pilote s’étant entraîné sur Cap-10 ne pouvant sur cette base considérer qu’il s’est entraîné pour présenter en meeting un T-6. Mais dans le cas de baptêmes, l’exigence du « même modèle » était devenue ubuesque. Rappelons que dans le cas des baptêmes réalisés en aéro-club, l’exigence est pour le pilote de compter 25 heures dans les 12 derniers mois sur… monomoteur (SEP), qu’il s’agisse de DR-400, PA-28 ou Cessna 172, donc des modèles différents.
La nouvelle mouture indique que :
« En cas de baptême de l’air ou vol à sensation :
i) Soit de 25 heures de vol comme commandant de bord dans les douze mois qui précèdent le spectacle aérien public sur même classe ou type d’aéronef sur lequel est effectuée l’opération concernée dont trois heures dans les trois mois qui précèdent le spectacle aérien public avec le même modèle d’aéronef ».
Ainsi, par une autre rédaction un tantinet plus réfléchie, on est passé de 25 heures sur le même modèle à 25 heures sur un appareil de même classe ou de même type, dont 3 h sur le même modèle dans les 3 mois, ce qui devient (enfin) raisonnable. Le simple fait d’ajouter le mot « classe » dans le texte permet d’accepter tous les monomoteurs (SEP comme qualification de… classe) sans exiger 25 heures sur le type ou le même modèle. Eurêka ! Mais bien sûr… Il fallait y penser !
La rédaction initiale du premier arrêté dans ce domaine a entraîné des problèmes sur le terrain. L’organisateur d’une manifestation aérienne souhaitait, comme par le passé, organiser, chaque matin avant son meeting, des baptêmes de l’air avec son MS-893 Rallye. Mais il ne comptait dans ses rangs aucun pilote n’ayant enregistré 25 heures de Rallye dans les 12 mois même si des candidats avaient plus de 40 heures de vol sur SEP dans cette même période. L’arrêté version fin 2021 étant toujours opérationnel courant 2022 et l’arrêté version juillet 2023 encore et toujours dans les tiroirs, règles alternatives ou pas – le Règlement, c’est le Règlement… – des pilotes aux 40 h de vol sur SEP dans les 12 mois ont été refusés par la DSAC locale pour assurer ces baptêmes alors qu’ils auraient pu le faire en club ! Le bon sens est resté dans les tiroirs…
Dans le même domaine, on se souvient par le passé d’un « bug » réglementaire lors de la publication d’un arrêté sur les appareils de construction amateur, où le terme d’usage « non lucratif » remplacé par usage « non onéreux » avait déjà créé des dégâts… Ou encore un autre arrêté relatif à la circulation autour des aérodromes non contrôlés laissant planer des doutes sur la pratique des encadrements, poussant certains à la DSAC à imaginer un exercice de contorsion pour valider un encadrement après une première intégration standard !
La langue française est riche et un bon dictionnaire s’impose pour éviter de prendre tel ou tel mot pour un synonyme de tel ou tel mot car l’interprétation ensuite devient hélas possible. En d’autres mots (ou maux ?), l’absence d’un mot dans la première version de l’arrêté, publiée en force fin 2021 par la DSAC et applicable dès la saison 2022, sans moratoire d’un an comme demandé par France Spectacles Aériens (FSA), malgré la période post-Covid, a pu générer des problèmes aux utilisateurs mais pour « simplifier » leur tâche, il y a bien sûr le joker des « règles alternatives » avec analyse de risque et dossier coûteux en temps à rédiger pour le faire accepter… Mais bien sûr ! ♦♦♦