Disparition de Jean Salis (1937-2023), « pape » de l’aviation de collection…
Avec un père (Jean-Baptiste Salis) aviateur sur Blériot et instructeur sur Caudron G-III durant la Grande Guerre, Jean Edmond et sa soeur Irène ne pouvaient échapper aux démons de l’aviation. Leur père, après guerre, avait été pilote du ministre de l’Air, directeur d’une école de pilotage, mais aussi avionneur et restaurateur d’avions anciens pour éviter que ces derniers ne disparaissent. Il avait ainsi restauré un Blériot XI type « Traversée de la Manche » avec lequel il reproduira en 1954 l’exploit de Louis Blériot, vol que son fils, Jean, refera à son tour en 1976.
À l’atelier, Jean épaulera ainsi son père durant plusieurs années, participant à la création d’appareils comme le planeur Horsa du Débarquement réalisé pour le tournage du film
« Le jour le plus long ». Après le décès de son père survenu en 1967, Jean Salis va suivre la même trajectoire, étoffant la collection d’appareils anciens sur l’aérodrome de Cerny-La Ferté-Alais, terrain qui est alors dans l’après-guerre la Mecque du vol à voile, avec les premiers circuits réalisés en triangle. Jean Salis a déjà créé la société Salis Aviation pour la maintenance aéronautique, assurant notamment le réentoilage des directions de Noratlas pour l’armée
de l’Air.
Il rachète un Caudron G-III et le présente en meeting, avec pour seul « bagage » une licence de pilote de planeur. L’administration lui demandera alors de passer le brevet de pilote d’avion, ce qui lui permettra d’effectuer l’épreuve de navigation en… Caudron G-III ! Au fil du temps, la collection grandit, avec notamment des appareils de la Première Guerre mondiale, comme les Morane AI. En 1972 est créée l’Amicale aéronautique de Cerny-La Ferté-Alais, qui deviendra quelques années plus tard l’actuelle Amicale Jean-Baptiste Salis (AJBS) dont Jean Salis sera le premier président.
Les années 1970 verront la réalisation par Daniel Costelle d’une superbe série sur « L’histoire de l’aviation », dont de nombreux plans seront tournés à La Ferté-Alais. Des feuilletons télévisés suivent (« Les faucheurs de marguerites », « Le temps des as ») sans compter des films longs-métrages dont le listing va dépasser la centaine. Roland Payen participe à la conception d’appareils nécessaires pour les besoins du cinéma ou de la télévision, de Nieuport XI au Deperdussin 1913 en passant par des Laté 17 ou Breguet XIV. Les tournages de publicités ou de longs-métrages s’enchaînent avec l’utilisation des avions de la collection, de « L’as des as » aux « Indiana Jones ».
La « bande à Salis » verra quelques pilotes de ligne (dont Pierre Dague) se joindre à l’équipe, avec une nouvelle orientation vers les warbirds. Arrivent alors à La Ferté-Alais des North American T-6, des Douglas Skyraider, Vought Corsair ou encore des Yak-11 sous la forme parfois d’épaves. Certains seront restaurés, d’autres échangés pour obtenir d’autres appareils et compléter ainsi la collection.
La « fête » entre copains du début des années 1970 devient rapidement le meeting à ne pas manquer, avec comme commentateur emblématique, Bernard Chabbert. Si lors des premières éditions, Jean Salis et Jean-Pierre Lafille sautaient d’un cockpit à l’autre pour mettre en valeur les machines basées sur le terrain, au fil du temps, le plateau connaît la participation de multiples appareils venant de l’extérieur et notamment des premiers avions de ligne (Mercure, Caravelle et Concorde par la suite…).
Aujourd’hui, le terrain de Cerny-La Ferté-Alais constitue la Mecque de l’aviation de collection en France. L’apport de collectionneurs privés et de diverses associations (Amicale Jean-Baptiste Salis, Memorial Flight, Forteresse Toujours Volante, Casques de Cuir) ont permis de regrouper de nombreux appareils anciens visibles au sein du musée volant Salis.
La 50e édition du meeting, organisée par l’AJBS, vient d’avoir lieu, avec 40.000 visiteurs venus voir un show caractérisé par ses tableaux mettant en vol plusieurs appareils au même moment, sans compter les incontournables « Tora, Tora, Tora » et « Good Morning Vietnam » ou encore les simulacres de combats aériens 1914-1918. Après Jean-Baptiste et ses enfants (Jean et Irène, disparue en mars 2021), c’est la troisième génération Salis – les fils de Jean : Edmond, Jean, Franck et Baptiste (qui anime Aero Vintage Academy) – qui est déjà au « manche ». Avec la disparition de Jean Salis, une page vient de se tourner mais l’ouvrage se poursuit… ♦♦♦
Photo © F. Besse. Jean Salis en 1975/1976 sur Caudron G-III.