Retour sur la carrière du concepteur des avions Jodel…
Fils de Jean Delemontez (1918-2015), Jacques – après avoir mis ses pieds dans les pas de son père en réalisant il y a quelques années un Bébé Jodel – a souhaité « mettre en relief la vie de mon père le plus fidèlement possible à partir de ses réflexions », ce, à travers différents souvenirs, en utilisant des photos, des notes du concepteur des avions Jodel et Robin DR, des enregistrements effectués en 2009 mais aussi les souvenirs familiaux.
D’où ce livret d’une cinquantaine de pages retraçant la vie du concepteur, passionné par l’aviation dès l’âge de 12 ans et qui s’engage à 18 ans dans l’armée de l’Air pour cinq ans.
Il devient ainsi mécanicien sur la base de Dijon, se faisant rapidement remarquer par ses compétences en travaillant sur Spad, Dewoitine ou Nieuport. Des courriers adressés à ses parents révèlent son activité quotidienne.
Son virus de la conception est sans doute lié à l’achat (l’équivalent de deux semaines de travail…) de la « bible » signée Henri Mignet (Le Sport de l’Air : pourquoi et comment j’ai construit le Pou-du-Ciel), puisqu’il « a tout lu dans l’après-midi ». Ses contacts avec des pilotes, comme Adonis Moulène vont confirmer sa voie. Il fait aussi connaissance d’Edouard Joly, le début d’une solide relation autour de l’aéronautique.
Mais la Seconde Guerre mondiale va retarder les projets, Jean Delemontez étant en 1939-1940 mécanicien sur Morane MS-406. Après l’Armistice, la vie quotidienne devient difficile en France occupée avant qu’il n’atteigne comme dessinateur le bureau d’études de l’Atelier industriel de l’aéronautique (AIA) à Toulouse-Francazal, entre 1941 et 1943. Puis il revient à Beaune chez les Joly, comme travailleur agricole. Après guerre, l’activité va se diversifier avec la réparation de matériels aéronautiques pour l’Etat.
Les projets de Jean Delemonez, développés sur le temps libre mais restant à l’état de plans, se succèdent. Il faudra attendre le neuvième pour qu’il se transforme en un monoplace baptisé D9 ou Bébé Jodel, directement dessiné sur le contreplaqué avant un premier vol à Beaune en 1948. Le reste de l’aventure se poursuit avec la production de nos jours des DR
(D pour Jean Delemontez, R pour Pierre Robin qui sut industrialiser la gamme développée par le premier), ultime évolution du concept signé Jean Delemontez, reconnaissable à ses voilures aux extrémités à fort diièdre et fort vrillage.
L’ouvrage ravira les passionnés des Jodel et dérivés industriels, avec des témoignages peu connus, quelques photos inédites, des notes manuscrites (à déchiffrer avec attention comme ces tableaux des caractéristiques des voilures et empennages de différents Jodel) rédigées par le concepteur autodidacte, même si la chronologie n’est pas toujours respectée au fil des pages, le lecteur passant du D140 Mousquetaire au DR1050 avant de revenir au Bébé Jodel des débuts. Quelques coquilles se sont également glissées dans le texte. On aurait surtout apprécié une pagination plus élevée avec plus d’extraits de courriers ou des photos… car on reste un peu sur sa faim avec tous les documents sans doute exploitables dans les archives familiales.
Seul bémol, l’évocation d’évolutions en voltige pour expliquer l’accident mortel d’un DR-400 du GAMA (Etampes) survenu en 1997, ce qui relève de la désinformation. Les relevés du radar primaire d’Orly et un rapport du BEA en attestent, mentionnant notamment que « les débris du longeron et du fuselage présentent des défauts de collage. La réalisation du longeron n’était pas conforme au dossier de certification ». Le rapport du BEA concluant que « l’accident résulte de la rupture en vol de l’aile droite. Les défauts de collage et d’assemblage constatés sont le facteur déterminant de cette rupture, par la fragilisation et le vieillissement accéléré des structures concernées, abaissant ainsi leur résistance aux efforts et aux facteurs de charge réglementaires ».
Ceci était dû à un défaut de production et non pas un défaut de conception, surtout après plusieurs milliers de DR mis en vol, de construction amateur ou industrielle. Cet accident ne retire donc rien à l’excellence absolue du DR-400, une valeur sûre qui résiste au temps, le type étant encore très présent dans les aéro-clubs et aux mains de propriétaires privés en Europe, ce qui démontre bien le formidable compromis obtenu par Jean Delemontez pour déplacer quatre personnes dans la troisième dimension et l’héritage qu’il a ainsi laissé… ♦♦♦
Photo en ouverture : le prototype du D9 Bébé Jodel, aujourd’hui conservé quelque part au musée de l’Air et de l’Espace (93)
– Jean Delemontez, par Jacques Delemontez, 53 pages. Prix non communiqué. Auto-édition. Jacques Delemontez sera présent au Rassemblement de Saint-Yan samedi 24 juin 2023 après-midi et durant le dîner, pour présenter son ouvrage.