De retour de Saint-Yan, après des sessions de maintien de compétences destinées aux directeurs des vols et aux pilotes de présentation des Spectacles aériens publics (SAP).
Du 24 au 29 avril, France Spectacle Aérien (FSA) a organisé, par pas de deux jours, trois « stages » de maintien de compétences des directeurs des vols (DV) et des pilotes de présentation, une obligation désormais réglementaire après la sortie de l’arrêté sur les Spectacles aériens publics (SAP) le 10 novembre 2021. Si l’arrêté prévoit cette exigence pour « proroger » DV et pilotes, rien n’est précisé sur les organismes susceptibles de l’organiser – la DSAC ne souhaitant pas s’en occuper… – et donc sans avoir besoin de déposer un programme.
Aussi, FSA a relevé le défi en s’appuyant sur les syllabus définis par l’arrêté qui a déjà fait couler pas mal d’encre par sa sortie du chapeau juste avant la saison 2022 et par ses lacunes rencontrées sur le terrain la saison passée. Animé par Jean-Noël Bouillaguet, Frédéric Akary, Alain de Valence, Marc Etchart et sous la direction de Jacques Aboulin, ce « séminaire » a passé en revue l’arrêté et ses annexes, avec les généralités, les autorités, l’organisation et les opérations. Il ne s’agit pas ici de résumer deux jours de présentation mais de simplement balayer les sujets évoqués.
Les distinctions entre SAP et SAP simple ont été détaillées, avec leurs exigences spécifiques, dont l’autorisation préfectorale quand elle est nécessaire. Une Manifestation soumise à autorisation préfectorale (MAP) est définie par plus de 5.000 personnes ou un appel au public et aussi par la présentation d’un ou de plusieurs aéronefs en vue d’un spectacle, devant un public dont l’emplacement est prévu au sol. C’est alors un SAP.
Échappent à l’autorisation préfectorale, les défilés (avec une « trajectoire stabilisée » ce qui ne veut pas dire une ligne droite…), les journées Portes ouvertes (JPO), les compétitions sportives, des évolutions d’appareils dans des conditions très particulières – la dépose du Père Noël devant un public extérieur mais non aéronautique n’impose pas une autorisation préfectorale (ouf !). Lors d’une JPO, il ne peut y avoir de voltige ou de vol en formation et l’organisateur doit être un organisme de formation ou de promotion de l’aviation sportive ou de loisir. Mais le problème se pose quand un axe voltige existe à la verticale de la plateforme, utilisé par une autre société ou un autre club que celui qui organise sa JPO. Les interprétations du texte peuvent alors diverger…
Si l’autorisation préfectorale n’est pas imposée pour ces derniers événements particuliers, des exigences additionnelles sont cependant prévues avec notamment la présence d’un coordonnateur selon le niveau d’activité.
Un SAP « simple » s’entend par « peu de démonstrations et pas de dérogation » (hauteur de survol), la complexité étant alors moindre côté direction des vols. Un SAP « non simple » s’impose s’il y a plus de 15 démonstrations, des présentations sous forme de tableaux, si des règles alternatives (imposant une analyse des risques et une étude de sécurité pour déroger à certains points de l’arrêté) sont en jeu et si une autre activité commerciale (parachutisme, transport commercial, etc.) se poursuit pendant la manifestation.
Si la responsabilité globale de tout SAP repose sur les épaules de l’organisateur, en lien avec le DV, toutes les activités aériennes incombent au DV et à son suppléant, tous deux étant aidés si besoin par des DV apprentis. Le bon sens doit régner avec plusieurs suppléants à prévoir car si une indisponibilité subite du DV ou du suppléant intervient, cela peut entraîner l’arrêt de l’événement… D’où la nécessité de créer une équipe de direction des vols avec DV et suppléant et de multiples adjoints pour de multiples activités : sol, circulation aérienne, sécurité, suivi des démonstrations, gestion des avions visiteurs, coaching des DV apprentis, etc. Ceci impose des fiches de poste pour définir le périmètre d’action et d’autorité de chacun.
Pour être DV et maintenir sa « qualification », les conditions sont bien complexes pour les résumer en quelques phrases, reposant sur une expérience récente et/ou l’envoi d’un CV avec entretien sur rendez-vous auprès de sa DSAC dans le cas contraire et/ou une licence de pilote, et/ou une formation/maintien des compétences, avec des délais différents pour chacune des clauses. Ces délais peuvent poser problème dans le cas de DV assurant la direction d’un meeting programmé tous les 2 ans et dont la dernière édition a été annulée cause Covid…
De plus, il y aura un « avant » et un « après » 1er janvier 2024. Avant, c’est encore la période de transition après mise en application de l’arrêté de fin 2021 dès la saison 2022. Après, c’est la pleine application de l’arrêté à partir du 1er janvier 2024. Et entre les deux périodes, certaines exigences sont donc différentes…
De plus, ces exigences avant/après le 1er janvier 2024 risquent encore de changer car suite aux remontées du terrain post saison 2022, l’arrêté de fin 2021 va être modifié… en 2023. Le projet finalisé devrait enfin sortir fin mai-début juin mais avec le processus administratif, la mise en application n’interviendra qu’à l’automne, soit en fin de saison… Dans certains cas, un entretien avec des inspecteurs de surveillance de sa DSAC locale est prévu pour valider un DV suppléant ou non. Cet entretien – déjà réalisé dans certaines régions – serait constitué d’un questionnaire portant sur différents points de l’arrêté et sur la gestion d’un SAP, pour une durée de 2h00 environ.
Pour éviter tout « blocage » du système – tout en notant que la moyenne d’âge des DV et aussi des pilotes de présentation va sans doute entraîner une diminution des « ressources humaines » ces prochaines années – la FSA recommande aux DV de prendre dès cette saison 2023 des DV apprentis, pour assurer la relève à l’avenir car le passage de DV apprenti à DV nécessite l’acquisition d’expérience sur le terrain et donc sur plusieurs saisons dans les faits.
Le calendrier d’un dossier de SAP est rappelé, avec en premier l’envoi des règles alternatives si le SAP est prévu en mode « simple ». S’il est prévu comme « non simple », il faut débuter par la « lettre d’intention » au plus tard à J-120 avant de fournir les règles alternatives souhaitées. La préfecture a 20 jours pour répondre, après conseil auprès de la DSAC. En l’absence de réponse, l’accord est donc acquis. À J-70 maximum, intervient la « demande d’autorisation » suivie à J-10 de « l’Autorisation préfectorale » définissant les exigences spécifiques éventuelles, dernier barrage avant la mise en oeuvre de l’événement. Toutes ces démarches se font par formulaires CERFA (Centre d’enregistrement de révision des formulaires administratifs…).
Il ne faut pas oublier une convention avec l’organisme de la circulation aérienne implanté sur le terrain s’il existe pour gérer les parkings, les démonstrations, répartir les responsabilités au micro, etc. Pour les autorisations « basse hauteur » (sous les 500 ft réglementaires), un CERFA existe aussi définissant le lieu, la période, etc. Des check-lists sont recommandées pour organiser la préparation d’un SAP, des premières démarches au briefing des pilotes en passant par le livret remis aux pilotes de présentations (axes, rappels des distances et hauteurs à respecter, numéros de téléphone utiles, etc.) jusqu’au compte rendu (encore un CERFA) à remplir par le DV dans les 30 jours suivant le SAP, document permettant la traçabilité pour l’expérience des DV, adjoints et apprentis.
Pour les pilotes de présentation, les exigences actuelles sont au minimum 200 heures de vol, 3 décollages/3 atterrissages dans les 3 mois, 3 exécutions du programme (entraînement) dans les 3 derniers mois. Si c’est un « primo-accédant », la hauteur de survol minimale sera de 500 ft avant d’acquérir l’expérience permettant ensuite de descendre plus bas… Après le 1er janvier 2024, il faudra – comme pour les DV actuellement – passer par une « prorogation » avec formation initiale ou maintien de compétence dans les 60 mois, des participations à des SAP dans les 3 ans. Dans le cas de vols en patrouille, un Manuel d’activités particulières est recommandé. Un CERFA est prévu pour la fiche de participation, le « contrat » passé entre pilote et DV sur le contenu de la démonstration.
Les menaces pouvant intervenir durant des présentations ont été détaillées, avec les problèmes pouvant être liés à l’environnement, les conditions météo, les facteurs humains. Avec le changement climatique et les fortes températures estivales de plus en plus nombreuses, l’altitude-densité n’est plus un concept théorique. Toutes les figures pouvant constituer un programme sont disséquées avec les parties critiques à bien gérer où si les points clés (altitude, vitesse) ne sont pas atteints, il est nécessaire de mettre en place le plan B. Sont passés en revue les boucles (qui ne doivent pas être rondes comme en compétition), les barriques, oreilles et retournements mal négociés qui ont déjà entraîné des accidents, le Derry Turn ou encore les tonneaux successifs avec perte progressive d’énergie. L’impact du vent (fort sur l’axe ou « entrant » et donc poussant progressivement les appareils vers le public) est quantifié.
Le briefing qu’un DV se doit de donner aux pilotes est également détaillé, limité à 15/20 mn avec les rappels figurant dans le livret déjà donné aux pilotes, complétés des conditions météo du jour et/ou de consignes particulières. Il est rappelé que les horaires de l’arrêté préfectoral sont à respecter à la minute près et que le DV doit prendre en charge également les départs des avions après la manifestation.
Lors de l’après-midi du deuxième jour, pour mettre en pratique les notions théoriques passées en revue, FSA avait organisé un « mini » meeting d’une durée d’une heure environ, avec patrouille de Stearman et patrouille de T-6 provenant de Saint-Rambert d’Albon et Dijon-Darois, présentation du MD-312 Flamant d’Albert Vintage Aircraft, présentation voltige du CapDol (un Cap-10B à ailerons de Cap-20), présentation voltige d’un planeur DG-1000, pour s’achever par la présentation de l’unique F-86F Sabre en état de vol en Europe… Ces présentations, commentées en direct depuis la « zone publique », permettaient aux « stagiaires » de noter le respect ou pas des axes, des hauteurs de survol, du suivi du timing publié auparavant, de l’organisation des présentations avec décollage de la présentation suivante alors que l’aéronef précédent est en étape de base…
Au final, sur ces 3 sessions de 2 jours chacune, FSA a enregistré la présence de 128 stagiaires, avec 44 attestations de DV et 76 attestations de Pilotes délivrées, sans compter la présence de 15 agents de la DSAC en « participation libre » (formation continue) expliquant parfois leur interprétation de l’arrêté ou répondant à des questionnements sur tel ou tel détail réglementaire.
Suite à un questionnaire proposé aux stagiaires, Jean-Noël Bouillaguet, président de FSA, a noté « d’excellents retours sur les trois sessions. Parmi les faits marquants, certains participants venus sceptiques (voire en marche arrière) sont repartis ravis et réconciliés avec la réglementation. Pour certains autres (pilotes et DV), ces journées ont permis une réflexion approfondie sur leurs responsabilités, avec des questions qu’ils ne s’étaient jamais posées, voire pour certains pilotes, la nécessité de modifier leurs présentations en vol »…
Si faute de place, les organisateurs de SAP ne constituaient pas la « cible » de ces sessions, il serait « nécessaire et utile » de les associer à l’avenir car ils sont responsables de l’ensemble de la manifestation, seules les parties aériennes revenant au DV. Quant à la formation initiale de pilote de présentation, si tout le monde s’accorde pour la juger nécessaire, pour l’heure rien n’est vraiment prévu au-delà du maintien de compétences – comme ces sessions organisées à Saint-Yan ont pu également servir de cadre à des pilotes – car ce sera une obligation réglementaire dès l’an prochain.
Pour la communauté des meetings, « The Show Must Go On » mais il y a encore quelques étapes à franchir à l’avenir pour retrouver une croisière stable dont notamment l’évolution à venir de l’arrêté de novembre 2021, la pérennité des stages de formation initiale et de maintien de compétences pour les pilotes et les directeurs des vols, mais aussi la facilité à s’entraîner à basse altitude lors des entraînements pour se rapprocher à 100% des conditions réelles le jour du meeting… ♦♦♦
Photos © Jean-François Glo (T6 et Zero en ouverture), F. Besse / aeroVFR.com