Retour d’expérience sur l’utilisation d’une trentaine de Pipistrel Vélis en France.
Ce jeudi 13 avril 2023, Green Aerolease organisait un webinaire intitulé « Retour d’expérience sur les avions électriques et les innovations attendues ». Green Aerolease, c’est la société française qui a décidé d’accélérer la décarbonation de l’aviation légère en proposant à la location « tout inclus » le premier biplace électrique certifié depuis juin 2020, le Pipistrel Velis (Electro), accompagné de son chargeur mobile. L’installation au sol reste simple avec la seule nécessité d’une prise triphasée classique.
La location est tarifée à 3.084 € TTC par mois comprenant 24 heures de vol soit 128,50 €
de l’heure de vol (+99 € par heure supplémentaire hors forfait), le tout avec un engagement sur 3 ans. L’utilisateur bénéficie de la maintenance programmée du biplace (100 h, 200 h, 500 h et 2.000 h), de l’assurance, de la mise à niveau de l’appareil dont le renouvellement et le recyclage des batteries (un changement de type de batterie a déjà été effectué en cours d’utilisation) et du suivi de navigabilité.
Charles Cabillic, fondateur de Green Aerolease (société créée en janvier 2021) et instigateur du projet, et Guillaume Abéguilé, en charge des opérations des Vélis en France pour la société, ont fait le point sur cette première expérimentation menée « sur le terrain » tandis que Gabriel Massey, le nouveau patron de Pipistrel, après le rachat de la société slovène par le groupe industriel américain Textron Aviation, a évoqué les développements en cours ou à venir. Ce webinaire, forcément « pro domo » puisque c’est le principe du concept, a permis de faire le point sur les motorisations électriques en usage réel. Cet article en deux parties reprend l’essentiel de la présentation avec quelques commentaires.
A ce jour, environ 30 Vélis ont été déployés en France, ayant accumulé 3.500 heures de vol, Green Aerolease considérant que cela a permis d’économiser 310 tonnes de CO2 – à juste titre, le site de la société précise bien « Pas d’émission de carbone… localement ». Si Green Aerolease visait essentiellement les aéro-clubs au départ de son projet, la flotte de Vélis est désormais utilisée par quatre types d’opérateurs dont les aéro-clubs mais aussi des écoles de pilotage, l’armée de l’Air et de l’Espace et une compagnie aérienne.
Ces appareils sont répartis sur la France métropolitaine (Aix-en-Provence, Brest, Merville, Carcassonne, Muret, Albi, Vinon-sur-Verdon…), basés sur 10 aérodromes. Au-delà de la France, le programme de Green Aerolease concerne 3 autres pays européens (Danemark, Pays Bas et Espagne). Du côté de Pipistrel, 100 Vélis ont déjà été commercialisés dans 14 pays, la France constituant ainsi le « noyau dur » de l’exploiation de l’appareil.
Avec une autonomie pratique de 40 à 50 mn sans compter les réserves réglementaires (le Vélis est donné pour environ 1h00 d’autonomie, croisant à 80 Kt), l’usage des machines se répartit en vols locaux, vols de découverte et la formation initiale. Si le gain en CO2 et carburant fossile est notable, il faut également citer le gain au niveau de l’empreinte sonore et donc une meilleure acceptabilité côté riverains. Là où un biplace motorisé Rotax est donné pour 75 dB (échelle logarithmique), un Robin 120 ch à 83 dB, le Vélis plafonne à 60 dB.
L’usage d’un Vélis dans le cadre de la formation PPL(A) est proposé ainsi :
– maniabilité de base en 8 à 10 vols de 40 mn en moyenne (5 à 7 heures de vol).
– tours de piste, pannes et maniabilité avancée en 15 à 20 vols de 40 mn (10 à 15 heures de vol jusqu’au solo).
– entretien des compétences dont le murissement vers le CPL. Ce murissement est considéré comme étant constitué de tours de piste et d’exercices de maniabilité alors qu’il doit comprendre aussi des navigations vers des terrains non pratiqués, comprenant des aéroports pour s’entraîner dans un environnement de plus en plus complexe, et où il faut parfois gérer un temps d’attente avant intégration dans le circuit.
Une école hollandaise ferait des formation 100% électrique, ce qui laisse un brin dubitatif… En utilisation, d’autres opérateurs ont tablé sur 10 à 37 heures de formation sur Vélis dans le cadre du PPL. Les 37 heures interpellent à nouveau car si les 45 heures minimales réglementaires sont rarement la valeur finale atteinte lors d’une formation PPL(A) ab-initio, si 37 heures ont été effectuées sans navigation en double et a fortiori sans navigations solo dont la navigation de 270 km, ce PPL(A) va atteindre ou dépasser les 50 à 55 heures pour aller jusqu’au test. Les 37 heures sont donc à prendre comme un gain en CO2 et consommation de carburant fossile durant une formation initiale, mais assurément pas comme les 80% d’une formation PPL effectuée à l’électrique…
Avec un Vélis ne permettant pas à ce stade les navigations, la transition électrique-thermique est prévue à raison d’une moyenne de 5 heures de vol nécessaires pour prendre « en main » la motorisation thermique. L’expérience acquise par l’ENAC – qui a intégré à l’automne 2022 le Vélis dans son cursus de formation initiale – est citée en exemple avec en moyenne 3 heures de vol nécessaires pour passer du Vélis au… TB-20 Trinidad (250 ch à train rentrant et pas variable !). Cette valeur concerne des élèves pilote de ligne (EPL), jeunes, déjà sélectionnés, très motivés et cette population n’est pas représentative des élèves en clubs mais plutôt en écoles de pilotage.
De plus, si la transition électrique-thermique peut se faire en quelques heures de pratique, ce sont deux philosophies bien différentes et la théorie doit être bien acquise au niveau des différences souvent diamètralement opposées. La gestion de l’énergie s’appuie en effet sur des concepts bien distincts. L’électrique n’a besoin d’aucun temps de chauffe même si un moteur thermique ne nécessite pas une durée très importante en conditions normales pour obtenir sa température d’huile nominale. La puissance électrique n’est pas liée à l’altitude contrairement à celle du moteur atmosphérique. La consommation du « carburant » est linéaire sur moteur thermique à régime moteur constant. Avec un moteur électrique, après un palier, la puissance va chuter rapidement en fin d’autonomie. Dans les deux cas, une « réserve » est à prévoir.
Green Aerolease ne se limitant pas à la marque Pipistrel si d’autres appareils concurrents sont disponibles à l’avenir, Charles Cabillic a dressé un panorama des prochains appareils à motorisation électrique susceptibles d’arriver prochainement sur le marché, sans citer des projets restant encore dans le domaine « confidentiel ». Tous sont en en cours de développement et avec une production attendue au mieux en 2025, après certification, montrant au passage l’avancée acquise par Pipistrel avec son Vélis certifié en juin 2020.
Pour Green Aerolease, les quatre prétendants suivis de près sont les suivants :
– Le SunFlyer 2 est développé par une start-up américaine depuis au moins 2015 avec un avion annoncé prêt à voler début 2016 mais qui ne fera son premier vol qu’en avril 2018. Les informations sur le développement ne sont pas nombreuses et depuis 2017, la société parle d’un nouveau modèle, le SunFlyer quadriplace, alors que le biplace n’est pas encore en production.
– Autre prétendant, le projet suisse H55 développé à partir d’une cellule déjà certifiée par l’EASA, le Bristell B23. L’instigateur du programme est André Borschberg, pilote du Solar Impulse lors de son tour du monde bouclé en 2016.
– Diamond Aircraft a également annoncé développer une version électrique de son DA40, une cellule déjà certifiée et quadriplace, avec un devis de masse élevé.
– Autre prétendant dont le développement est suivi par Green Aerolease, celui de la version électrique de l’Integral, biplace orienté voltige et développé par Aura Aéro (Toulouse-Francazal).
Si le Vélis atteint déjà un prix de vente très élevé pour un simple biplace école (231.000 € en septembre 2022), les futurs appareils en cours de développement annoncent des prix supérieurs à 400.000 € soit des tarifs les orientant vers des usages adaptés, i.e. les formations professionnelles. ♦♦♦
Photos © Pipistrel, Green Aerolease, ENAC, aéro-club Brest Finistère
Lien vers la 2e partie de cet article.