Vous avez besoin de cette carte pour circuler sur les aéroports mais personne ne peut vous la délivrer à l’instant même !
La licence européenne n’ayant jamais été prévue avec la présence d’une photo d’identité – contrairement aux précédentes licences nationales… – il était nécessaire d’avoir sur soi ces dernières années une pièce d’identité avec photo pour attester de son identité lorsque l’on circule sur un aéroport, notamment pour rejoindre son avion sur un parking en Zone de sûreté à accès réglementé (ZSAR), via un Poste d’inspection-filtrage (PIF) comme le font les passagers d’un vol commercial avec en main leur carte d’embarquement.
Ceci, c’était la situation « depuis des années » mais il semble qu’après des audits, l’Union européenne a pointé du doigt le fait que la licence et une pièce d’identité avec photo ne répondaient pas au règlement en vigueur, rappelant à l’ordre la DGAC sur ce point. D’où depuis le 1er janvier dernier l’imposition sur les aéroports – connaissant un trafic commercial en parallèle à une activité Aviation générale – de la présence d’un agent de sécurité pour vous accompagner jusqu’à l’avion et comme les gestionnaires ne perdent pas le nord, le service est facturé.
D’où la nécessité pour la DGAC d’imaginer une « Carte d’identification de membre d’équipage » (CIME) pour les pilotes de l’aviation générale, document bien précisé dans le règlement européen comme « suffisant » pour circuler sur un aéroport en zone d’accès réglementé. Les pilotes professionnels disposent déjà d’une telle carte établie par leur employeur, avec nom, prénom, photo et la mention Crew (équipage) comme sésame – le tout après enquête de sécurité préfectorale et formation de sécurité aéroportuaire. Les passagers n’ayant pas de carte CIME peuvent circuler également mais sous la responsabilité du pilote, ce qui ne change pas à la situation passée.
Un arrêté du 12 avril 2019, abrogé le 15 mars 2023, précise que les « personnels navigants employés ou utilisés par une entreprise de transport aérien, titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par la France ou disposant d’une base d’exploitation (…) située sur le territoire national, pour accéder à la zone de sûreté à accès réglementé (ZSAR) d’un aérodrome, sont titulaires d’une carte d’identification de membre d’équipage : soit un certificat de membre d’équipage sécurisé biométrique (…), soit un certificat de membre d’équipage non biométrique (…) ».
Le certificat biométrique devant être réalisé par l’Imprimerie nationale, passons directement au certificat non biométrique, au format ID-1. Il devrait comporter au recto les mentions suivantes :
– « le nom du pays dans lequel le certificat est émis,
– la mention « certificat de membre d’équipage » et le terme anglais « crew »,
– le nom, le prénom, le sexe, la nationalité, la date de naissance et une photographie du personnel navigant titulaire du certificat,
– le nom de l’entreprise de transport aérien délivrant le certificat,
– la fonction occupée,
– les références de l’habilitation mentionnée à l’article L. 6342-3 susvisé,
– le numéro du document, composé de la concaténation de l’année et du mois de délivrance suivi d’un numéro d’ordre à 5 caractères,
– la date d’expiration du certificat,
– la signature du titulaire ».
Et au verso :
– « la mention : « Le titulaire peut, à tout moment, rentrer en France, sur production du présent certificat, au cours de sa période de validité ».
– le lieu de délivrance et la signature de l’agent émetteur.
– une zone lisible en machine construite conformément aux recommandations du DOC 9303 relatif aux documents de voyage lisibles en machine de l’organisation de l’aviation civile internationale ».
À ce jour, en consultant le site de la DGAC, on ne peut pas dire que les informations sur le sujet sont nombreuses ! On a beau chercher… Il faudrait (peut-être) éplucher tous les Journaux officiels de la République française (JORF) pour avoir plus de précision sur les modalités de délivrance de cette carte CIME.
Pour l’heure, il semble que la carte CIME ne sera pas délivrée par la DGAC mais par des « entités ». Une première liste de ces derniers a été diffusée sur internet depuis le 15 mars 2023 avec la mention « Texte non paru au Journal officiel » mentionnant : Aircraft Owners & Pilots Association France (AOPA France), Ecole nationale de l’Aviation civile (ENAC), Fédération française aéronautique (FFA), Groupement des industriels et professionnels de l’aviation générale (GIPAG). Ces entités ont reçu de la DSAC un « guide décrivant la procédure à suivre pour la délivrance d’une CIME ».
Ceci pose le problème d’imposer à des pilotes d’être membre de ces institutions pour obtenir leur carte CIME… Cotisation forcée ! C’est conditionner un droit et une nécessité réglementaire à l’adhésion à une organisation. Ce n’est pas acceptable. L’administration répondra sans doute qu’il suffit de se faire approuver comme « tiers » mais c’est répondre à côté du sujet… On peut imaginer un propriétaire d’un avion ne souhaitant pas être membre des entités mentionnées ci-dessus et ayant cependant besoin d’une carte CIME pour ses déplacements.
Sur son site, l’AOPA France annonce ainsi pouvoir délivrer cette carte CIME à ses membres actifs, puisque l’association a obtenu de la DGAC l’autorisation de « jouer le rôle de tiers de confiance pour la collecte des informations nécessaires à l’enquête de sécurité préfectorale et à vérifier la réussite à la formation de sécurité aéroportuaire obligatoire (formation suivie en ligne pour un coût d’environ 30 euros) ». Il est de plus indiqué que cette carte « est valable 3 ans, à la condition que le détenteur maintienne son statut de membre actif de l’association ». Sur les sites de la FFA et du GIPAG, aucune information sur le sujet n’a été trouvée ce jour.
La charrue ayant été placée devant les boeufs – diffusion d’une liste d’entités le 15 mars seulement et sans publication au JO – l’application depuis janvier dernier de l’obligation d’une carte CIME alors que les entités autorisées à les délivrer ne peuvent encore le faire amène inévitablement à une impasse. C’est le cas notamment à Bastia. Par une note en date du 2 mars dernier, la DSAC a confirmé aux clubs locaux que l’arrêté du 11 septembre 2021 relatif aux mesures de sûreté de l’aviation civile, modifié par l’arrêté du 21 février 2023, « n’autorise plus l’accès en zone de sûreté à accès réglementé (ZSAR) pour les besoins d’un vol sur seule présentation d’une licence de navigant ou d’un document justificatif de formation pour les élèves-pilotes ».
Aussi, « pour accéder en ZSAR pour les besoins d’un vol, les titulaires d’une licence de navigant devront désormais soit être titulaire d’une carte d’identification de membre d’équipage (CIME) soit être accompagnés en permanence lors de leurs déplacements en ZSAR. Cet accompagnement devient obligatoire dans tous les cas pour les élèves pilotes ». La seule « dispense d’accompagnement » tolérée concerne « uniquement à proximité immédiate de l’aéronef, à l’arrivée du vol ou à son départ ». De plus, « l’accompagnement est également subordonné à la présentation d’un formulaire (pour les élèves pilotes dans un premier temps… ») présenté en annexe du courrier de la DSAC.
Une première période « transitoire » avant l’application pleine et entière du dispositif n’a duré que jusqu’au… 31 mars 2023 ! Jusqu’au 31 mai prochain, la présentation d’une licence de navigant restera tolérée mais pas pour les élèves-pilotes devant être accompagnés. À compter du 1er juin et jusqu’au 31 août, la présentation d’une licence de navigant devra être assortie d’une attestation de demande d’habilitation délivrée et signée par le correspondant sûreté d’une entité délivrant des CIME. La charrue avant les boeufs, situation qui rappelle la mise en application chaotique des balises 406 MHz avec nécessité d’avoir à bord la confirmation écrite d’un rendez-vous pris auprès d’un atelier quand les délais ne pouvaient être respectés, les ateliers n’ayant matériellement le temps d’installer des balises 406 MHz sur tous les avions concernés…
Ainsi à Bastia, depuis le 1er avril, les élèves-pilotes ne peuvent plus ni entrer sur la plate-forme ni circuler entre le poste de contrôle et les hangars. Ils doivent être systématiquement accompagnés de leur instructeur sans oublier de remplir un formulaire en double exemplaire à… chacun de leur passage.
Ce dispositif, « imposé sans préavis », ne permettant plus de maintenir le rythme de l’instruction, pénalisant les élèves mais aussi les instructeurs, tous bénévoles, l’ensemble des instructeurs sol et vol a décidé de suspendre l’activité école à compter de ce jeudi 13 avril et jusqu’à nouvel ordre, le temps d’informer et de négocier avec les autorités. Les aéroclubs de Bastia subissent brutalement ces nouvelles contraintes réglementaires mettant en péril l’enseignement dispensé aux élèves-pilotes comme l’ensemble de leur activité associative.
Dans leur lettre, les responsables des clubs de Bastia notent que « l’accès est strictement réservé à la pratique du vol, toute autre activité liée à l’administration de nos associations ou à l’enseignement théorique est, de fait, exclue ». À Bastia, on a déjà mis en ligne une pétition à destination de la CCI gérant l’aéroport et la DGAC… ♦♦♦
Edit : cet article a été mis en ligne dans la matinée du 13 avril. Le même jour, en fin d’après-midi, la FFA diffusait une newsletter précisant qu’elle délivrera des CIME uniquement à ses licenciés détenteurs d’une licence de pilote privé en état de validité, moyennant finances (montant non précisé). La délivrance ne pourra se faire qu’après justification de deux documents :
– « Justificatif de suivi de formation à la sûreté aéroportuaire (cours théoriques de 2-3 heures) proposée par des organismes agréés (formation payante : environ 30€ à 50€) à produire par le licencié FFA dans le système SMILE lors de la pré-demande ou ultérieurement »,
– « Un extrait d’habilitation préfectorale (enquête préfectorale – honorabilité), qui sera demandé par la FFA depuis le portail sûreté de la DGAC »
La CIME devra être restituée si le pilote n’est plus à jour de licence de pilote privé ou de licence fédérale…