Quelques rappels pouvant être utiles en cette période hivernale…
Certains Rex révèlent un manque de connaissances de certains pilotes ou plutôt une mauvaise analyse et parfois l’absence d’application de solutions vues en formation et donc connues. C’est le cas d’un récent Rex concernant l’usage du réchauffage carburateur.
Le scénario vécu est le suivant : le pilote fait un vol local sous un plafond assez bas, avec quelques nuages sous 2.200 fr QNH. Les conditions du jour annoncent au sol une température de 0°C et un point de rosée de -3°C, soit un « spread » (écart entre les deux valeurs) faible, donc propice à un givrage carburateur.
En vol, le pilote constate que le régime moteur est un peu plus faible que celui habituellement affiché en croisière, soit 2.400 tr/mn. Il corrige en poussant un peu plus la manette des gaz mais rapidement le régime retombe à nouveau sous les 2.400 tr/mn. Même la manette des gaz poussée à fond, le régime ne remonte pas. Ceci est le… symptôme classique d’un givrage carburateur avec un moteur qui s’étouffe progressivement car du givre obstrue plus ou moins rapidement le venturi du carburateur où se trouve le clapet (ou papillon) d’admission du mélange air-carburant.
Le pilote venant de changer de réservoir quand les symptômes sont apparus, il pense à un problème lié au carburant et repasse donc sur le réservoir précédent, sans résultat sur la puissance qui continue à chuter, l’obligeant pour conserver une vitesse de sécurité à diminuer son altitude. À court de solution, sa décision est alors prise : se poser en urgence dans un champ. En contact avec un SIV, il émet un « Mayday, Mayday, Mayday ».
Il faut saluer la présence d’esprit du contrôleur qui échange alors avec le pilote sur la nature des problèmes rencontrés, avant de lui demander s’il a pensé au réchauffage carburateur…
Le pilote fait aussitôt le test, ce qui dégivre le carburateur et restitue rapidement la puissance totale au moteur, lui permettant de rejoindre son terrain de départ sans autre problème.
Dans son Rex, le pilote précise qu’un givrage carburateur ne faisait pas partie de ses scénarios probables, étant persuadé qu’un carburateur ne pouvait pas givrer en croisière avec un régime de 2.400 tr/mn – une « fausse croyance » que ce Rex, en étant diffusé à la communauté, permet ainsi de détruire à jamais ! S’il est nettement plus probable de givrer avec un régime moteur réduit, il n’est en effet pas impossible de givrer à un régime de croisière si les conditions température/humidité sont présentes – d’où l’usage du diagramme bien connu
ci-dessous et en prenant en compte l’écart entre température ambiante et point de rosée,
un écart de 2 à 3°C étant à considérer comme une valeur « critique ».
La détente de l’air dans le venturi du carburateur entraîne une chute de la température d’environ 10 à 15°C. Ce n’est donc pas par extrême grand froid que le risque de givrage devient présent mais plutôt avec des températures autour des 10°C environ avec un important taux d’humidité. Par -15°C ou -20°C, en région montagneuse, sur altiport, le réchauffage carburateur n’est pas utilisé car l’air est alors très sec…
Et en volant sous ou à proximité d’une couche de quelques nuages à 2.100 ou 2.200 ft, comme c’était le cas pour ce Rex, on peut s’attendre inévitablement à un surcroît d’humidité.
Cela peut-être aussi le cas à des altitudes plus élevées quand on passe sous une couche nuageuse, pouvant contenir des virga – c’est-à-dire des « poches » de pluie ou de toutes autres précipitations qui s’étendent sous un nuage mais sans atteindre le sol, formant des excroissances laiteuses qu’il est facile d’identifier. Exemple ci-dessous avec des virga sous
un Nimbostratus.
Une application du réchauffage carburateur peut alors permettre de noter, même à régime de croisière, si une chute des tours est constatée, et donc une absence de givrage carburateur.
Si les tours augmentent après l’application du réchauffage carburateur, c’est la preuve d’un début de givrage. Sans application du réchauffage carburateur – à utiliser en tout ou rien,
tout froid ou tout chaud mais sans position intermédiaire – les tours finiraient par diminuer progressivement, incitant le pilote a constamment pousser la manette pour garder de la puissance.
Sans réaction par le réchauffage carburateur, le moteur finirait par caler suite au givrage de son carburateur et là, une fois moteur à l’arrêt, l’application du réchauffage carburateur ne sera d’aucune utilité… D’où les récits d’avions se posant dans un champ après arrêt moteur
(par givrage du carburateur) mais dont le moteur consent à démarrer au sol, le givre ayant fini par fondre grâce aux températures plus élevées…
Précisons que l’application du réchauffage carburateur quand elle est tardive peut comporter un piège supplémentaire, avec des à-coups ou cafouillages du moteur pouvant pousser le pilote à croire que l’application du réchauffage carburateur n’est pas la bonne solution alors que c’est tout à fait normal, le moteur devant absorber de l’eau issue de la fonte du givrage.
Il faut également faire attention en passant sous une couche de nuages car il peut y avoir de l’eau en surfusion et le passage d’un avion « froid » peut amener à du givre à l’impact des gouttelettes d’eau sur la cellule, y compris sur le filtre de l’entrée d’air d’admission vers le carburateur. Autre point à connaître, s’il faut descendre rapidement après le passage d’un relief par exemple, il n’est pas bon de réduire trop fortement le régime et donc les températures des cylindres, ne serait-ce que pour la durée de vie de ces derniers, mais également pour éviter de givrer durant la descente – d’où la nécessité de « reprendre des tours » tous les 1.000 ft d’altitude perdus par exemple pour confirmer que le carburateur ne givre pas et que le pilote garde le contrôle de son GMP.
Aux régimes réduits, papillon de carburateur en grande partie fermé, il est aisé de givrer sous certaines conditions dès le démarrage ou lors du roulage au sol vers le point d’attente, imposant alors une application du réchauffage carburateur jusqu’aux essais moteur, voire une application à nouveau quelques instants avant l’affichage de la pleine puissance, réchauffage carburateur annulé pour décoller.
Pour en finir avec le réchauffage carburateur, il faut rappeler que la préparation machine en tour de piste commence par lui car une fois la commande tirée, le réchauffage carburateur va nécessiter quelques secondes pour entrer en opération et accroître la température du carburateur. Il faut donc l’appliquer… avant de réduire le régime pour viser ensuite l’arc blanc des volets et non pas après la réduction du régime. ll y a là une logique dans la procédure dont la raison n’est pas toujours bien appréhendée.
Et évidemment, l’application du réchauffage carburateur ne doit pas être automatique toute l’année. Une réflexion s’impose sur son usage au vu des conditions météorologiques, l’idéal étant de disposer d’une sonde de température du carburateur pour noter si la valeur est dans la plage jaune critique… Son utilisation en été ne peut amener que des problèmes, notamment en cas de remise de gaz, avec une perte de puissance comme un rapport du BEA l’évoque avec l’accident d’un Piper Cub. ♦♦♦
Photos © DR (carburateur), BEA (diagramme) et Simon Eugster/CC (virga)