Dans le sillage d’une réunion de retours d’expérience de France Spectacle Aérien (FSA)
France Spectacle Aérien (FSA), regroupant la majorité des acteurs du meeting aérien (organisateurs, directeurs des vols, pilotes de présentation, commentateurs, pistards, etc.), n’a pas souhaité organiser en 2022 sa traditionnelle Convention de fin de saison. Ceci suite à la mise en place en avril dernier de la nouvelle réglementation concernant non pas les manifestations aériennes (précédent arrêté de 1996) mais les Spectacles aériens publics (SAP) selon le nouvel arrêté sorti du chapeau en novembre 2021 et applicable dès avril 2022.
Créée il y a près de dix ans à la demande de la DGAC pour n’avoir qu’un seul interlocuteur avec qui discuter de ce projet d’arrêté décidé par la DGAC, France Spectacle Aérien avait par deux fois émis un avis défavorable, souhaitant – une fois la décision du tandem DGAC (politique) et DSAC (technique) prise de passer en force – obtenir un moratoire d’un an – refusé… – afin d’éviter d’ajouter des contraintes juste après deux années grandement perturbées au niveau des meetings par la pandémie du Covid-19. Exemple : des directeurs des vols expérimentés de meetings organisés tous les deux ans ne pouvaient plus assurer leur rôle en 2022 après une précédente édition annulée par le confinement alors que l’expérience récente exigée porte sur trois ans !
L’an passé, le nouveau patron de la DGAC, Damien Cazé, avait voulu marquer son attachement à cette facette de l’aéronautique en venant à la Convention pour préciser que nouvellement arrivé, il avait signé le projet que ses équipes techniques lui avaient présenté mais qu’il serait possible de corriger certains points à l’issue de la saison 2022 si des problèmes étaient rencontrés. D’où une réunion organisée le 7 novembre dernier entre la DSAC et une délégation de 9 personnes représentant FSA, après avoir recueilli des retours très concordants de toutes les régions. Là, si les représentants de FSA, après avoir cité des exemples de difficultés rencontrées sur le terrain, ont eu l’impression d’être écoutés, tout n’est pas résolu pour autant.
Des assouplissements de certains articles sont à l’étude avec un premier projet de texte amendé circulant. On cite notamment les trois entraînements avant une présentation qui ne peuvent se faire, techniquement et économiquement parlant, lorsque les aéronefs d’un même tableau proviennent de différentes régions françaises voire de pays étrangers, alors que la répétition au moins la veille devant le directeur des vols s’impose, avec les contraintes météorologiques qui peuvent perturber le planning établi…
D’où les « règles alternatives » (pour ne pas employer le mot désormais désuet de dérogation…) déjà prévues dans l’arrêté de 2021 mais qui ne résolvent pas tout et qui exigent beaucoup de « paperasse », à coups d’études d’analyse des risques justifiant la dérogation, augmentant la charge de travail des directeurs des vols sur les épaules desquels repose déjà l’essentiel des responsabilités. Il faudra donc attendre les modifications qui seront apportées à l’arrêté en vigueur sachant qu’il ne s’agira pas d’une refonte du texte réglementaire mais d’ajustements. Il y serait question de « simplification », de « clarification » et de « lever toute ambiguïté dans le champ d’application de l’arrêté ». Une nouvelle consultation des usagers est donc lancée. Affaire à suivre…
En attendant, ce vendredi 2 décembre, FSA était en réunion interne avec un Retex (Retour d’Expérience) sur la saison 2022. Une facette a concerné les incidents relevés la saison passée au niveau des présentations en vol, pour un partage d’expériences notamment entre directeurs des vols (DV) où les bonnes pratiques sont répétées. Pour résumer, le DV doit avoir l’oeil partout…
Mais la seconde facette de cette réunion, concernant les problèmes rencontrés en 2022 par différents organisateurs de Spectacles aériens publics, de différente importance, a été plus significative. En voici un florilège…
Le cas du MULM (Mondial de l’ULM) à Blois a montré que le nouvel arrêté n’est pas adapté à tous les types de SAP. Avec un salon étalé sur 4 jours, l’arrivée et le départ de près de 500 aéronefs, des vols pouvant intervenir de 6h00 à 20h00, des créneaux de départs-arrivées, des créneaux de vols de constructeurs pour des clients potentiels et des créneaux de présentations en vol mais sans évolutions de voltige, un seul DV et son adjoint ne peuvent suivre l’ensemble de l’activité, répartie sur deux pistes. Surtout avec 6 classes d’ULM aux spécificités particulières.
De plus, les prérequis « réglementaires » imposés par la nouvelle réglementation aux DV suppléants et apprentis étaient inadaptés. Il a donc fallu faire accepter la présence de plusieurs adjoints et de plusieurs suppléants par classe d’ULM, sur la base de leur expérience de la discipline, pour épauler le directeur des vols pas forcément versé dans le pilotage des différents types d’ULM. Mais il semble que la FFPLUM a dû réellement monter au créneau tant côté DSAC que préfecture pour faire évoluer les choses ou sinon le MULM aurait été simplement annulé.
Les problèmes rencontrés par la FFPLUM ont pu être rencontrés ailleurs, avec une DSAC locale s’accrochant parfois à la lecture pure et dure du nouvel arrêté, ou du moins sa propre interprétation pas toujours partagée par une autre DSAC IR. Vive la régionalisation ! On note au passage que les contraintes imposées dans une même région ne sont pas toujours identiques pour deux événements distants de 50 km à vol d’oiseau mais dans deux départements différents.
Le préfet du premier exigera la présence de gendarmes, d’équipes de secours imposantes en nombre, jusqu’à un hôpital de campagne… tandis que le préfet de l’autre département n’imposera rien de tout cela. D’où une large différence de budget engagé par les deux organisateurs, ce qui explique en partie que la première ait un ticket d’entrée élevé et que la seconde soit gratuite pour le public avec un soutien politique local… Le plateau étant similaire le DV identique, cherchez l’erreur !
Pour une manifestation de taille importante, lors d’une réunion, l’organisateur et le directeur des vols se sont retrouvés face à… 7 interlocuteurs de la DSAC locale, chacun ayant ses propres questions. Il a fallu monter au créneau en interpellant le patron de la DSAC, M. Cipriani, et le préfet pour qu’à la réunion suivante un seul interlocuteur de la DSAC soit présent pour éviter la sensation de l’interrogatoire.
Passons sur les délais imposés aux organisateurs pour l’envoi de certains documents tandis qu’en sens inverse, les délais définis par l’arrêté de 2021 ne sont pas toujours respectés par la préfecture, augmentant le stress des organisateurs avec des engagements financiers déjà pris…
Ailleurs, le dossier administratif d’une présentation unique, comprenant un seul passage d’un dispositif aérien, est considéré comme clos depuis des semaines, avec l’accord notamment du préfet mais à 48 heures de la date, la présentation sera finalement interdite suite à la présence d’un… chemin présent sous l’axe de passage des avions et non fermé. Dans un autre cas, le meeting s’achève à 19h00 et le préfet à décrété que le débriefing de la manifestation aurait lieu à 19h01 alors que le directeur des vols se doit d’assurer la sécurité des aéronefs au départ…
Dans une autre région, c’est la DSAC locale qui souhaite obtenir toutes les fiches de présentation d’un Spectacle aérien alors que l’arrêté ne prévoit pas cela ainsi. Ailleurs, malgré des présentations sans évolutions de voltige, il faudra remplir des dizaines de formulaires Cerfa… Le représentant d’une autre DSAC demande à un directeur des vols si le Breguet Alizé est susceptible de faire des évolutions en voltige. A la réponse négative du DV, le même posera la même question pour un Extra EA-300… dénotant au passage un certain manque de culture aéronautique au niveau des aéronefs !
Autre région, autre terrain… Cette fois, une route en extrémité d’aérodrome a été interdite à la circulation, avec barrières et présence d’un membre de l’organisation du meeting pour confirmer le respect du non-passage sur cette route. Mais voici qu’un « touriste » arrive durant le spectacle, souhaitant absolument passer à pied sur cette route fermée. Après de multiples demandes auprès du « gardien » qui refuse de le laisser passer, lors d’un temps mort du spectacle, l’autorisation lui est finalement donnée de passer rapidement. Et là le « touriste » se dévoile comme membre de la Police de l’Air et des Frontières, intervenant dans la foulée auprès du directeur des vols !
Pour résumer, les coulisses de l’organisation de spectacles aériens sont loin d’être roses et les multiples contraintes – parfois liées à des querelles de pouvoir entre différentes institutions, de la BGTA à la PAF – peuvent sérieusement peser sur la motivation de l’équipe organisatrice, bien souvent composée de bénévoles.
En espérant que ces exemples – déjà trop nombreux – ne soient que des cas anecdotiques, on reste quand même étonné, effaré, atterré (cocher la case souhaitée) à l’écoute de ces situations relevées la saison passée par des DV et des organisateurs – en 2022, en France, pays qui se présente encore comme « aéronautique ».
D’où les interrogations répétées dans la salle sur l’avenir des SAP car devenir DV à l’avenir va se complexifier, avec une formation à suivre – dont les modalités ne sont pas encore claires, notamment sur la reconnaissance de l’attestation finale – et un « entretien » du candidat par des représentants de la DSAC autour de la réglementation et de « scénarios ». Cette difficulté à trouver des DV à l’avenir va sans aucun doute peser sur la pérennité des SAP…
Mais lors de l’assemblée générale du 3 décembre, FSA a été plébiscitée à l’unanimité par les participants présents comme étant une structure absolument nécessaire et une interface qui représente avec intérêt le secteur du meeting et devrait représenter encore plus d’acteurs… Rien n’est encore perdu, donc. ♦♦♦
Photos © F. Besse / aeroVFR.com