Un ouvrage regroupant des articles sur cet intercepteur léger français des années 1950.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans le sillage des avions allemands à réacteur (Me-262, He-162, Ar-234) et à moteur-fusée (Me-163), le concept d’intercepteur léger est à la mode. Il s’agit de concevoir un chasseur capable de grimper très vite pour aller intercepter des bombardiers ennemis. La mission est « mono-coup », c’est-à-dire très courte avec une passe de tir avant de revenir se poser faute d’une grande autonomie.
Soviétiques, Américains et Français vont notamment développer de tels appareils. En France, la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO) va ainsi imaginer le SO-9000 sous la direction de Lucien Servanty, futur père du Concorde. Après des dizaines de projets à coups de voilures delta ou en flèche, c’est en définitive une aile droite, de faible épaisseur relative, qui est retenue sur un fuselage proche en forme de celui d’une fusée. Cette architecture permet d’installer les motorisations aux extrémités des courtes voilures.
Quitte à innover, ajoutons une cabine devant être éjectable, une motorisation mixte (deux turboréacteurs à post-combustion en extrémité de voilure et trois moteurs-fusées dans le fuselage), des empennages en Y inversé de type monobloc… Le tout imaginé à la fin des années 1940 avec une motorisation qui n’existe pas encore. C’est l’époque des multiples prototypes français, dont certains ne voleront qu’une seule fois (SO-4000), avec différentes solutions techniques évaluées comme le stato-réacteur (Leduc).
Ce n’est qu’en 1953 que l’état-major de l’armée de l’Air diffuse un programme d’intercepteur léger (comprendre à faible coût de production) auquel va ainsi se rattacher le projet du SO-9000 baptisé Trident. Si les premiers vols du prototype 01 aux mains de Jacques Guignard se passent bien, le manque de puissance va entraîner l’accident du 02, à l’aile encore plus fine. Le programme va cependant se poursuivre, avec de multiples aléas et aussi l’évolution de la motorisation et des commandes de vol – les ailerons sont progressivement supprimés, le roulis étant assuré en différentiel par l’empennage horizontal.
Des dérivés baptisés Trident II et III vont prendre la suite du seul prototype confié alors au musée de l’Air et de l’Espace. Les défauts du premier avion expérimental sont corrigés avec des nouveaux moteurs-fusées, un siège éjectable en cabine, des aéro-freins revus. Malgré cela, en mars 1956, une évaluation par les pilotes du Centre d’essais en vol (CEV) accumule les critiques, des commandes de vol au comportement de l’appareil à basse vitesse ou en transsonique. Le bureau d’études se remet donc au travail.
La suite du programme aura deux facettes. D’un côté, un accident mortel entraînant le décès du pilote d’essais Charles Goujon après explosion interne en vol. L’autre facette sera une série de records d’altitude, le dernier atteignant les 24.000 mètres. L’altitude de 30.000 m aurait sans doute pu être atteinte en optimisant la loi de montée lors de ces vols fusée mais la tentative fut refusée par le Patron du CEV, Louis Bonte. Le Trident était déjà condamné de par ses spécificités et ses limites d’emploi et il ne fallait pas faire d’ombre au Mirage III moins performant mais plus polyvalent dont le prototype entamait son programme d’essais.
Cette histoire d’un « X-Plane à la française » a été retracée par Jean Lacroze dans la revue Le Trait d’Union, en trois articles publiés en 1993, 1995 et 1996. La revue de la branche française d’Air Britain n’étant diffusée que sur abonnement, les numéros étant épuisés, les éditions Skyshelf ont souhaité leur redonner une seconde vie avec cet ouvrage au format italien (21×14,5 cm) reprenant en 218 pages la totalité des articles de J. Lacroze sur le sujet mais avec une nouvelle mise en page.
Il ne manque donc rien, du texte détaillant le programme industriel aux photos d’époque en passant par les plans 3-vues, les schémas techniques, le descriptif technique de la cellule et des diverses motorisations, les caractéristiques et performances, la chronologie des essais en vol, la liste des pilotes, des extraits de la presse aéronautique de l’époque et des communiqués du constructeur…
Au final, pour un prix modique, une bonne entrée en matière pour qui veut (re)découvrir ce programme « archétype des intercepteurs légers français », le Trident ayant défriché de nouveaux domaines mais sans connaître la série… ♦♦♦
– SO.9000 Trident I. SO.9050 Trident II et III, par J. Lacroze. 218 p. Skyshelf.eu. 21,00 €
Photos © F. Besse / aeroVFR.com