Les dessous de la présentation du Rafale Solo Display
Pour sa 49e édition, lors du week-end de la Pentecôte, le Temps des Hélices à La Ferté aura été fidèle à sa réputation… avec un spectacle aérien de près de 6 heures chaque jour sans oublier la visite du statique et diverses animations le matin. Mais la fidélité aura été aussi celle d’une météo chaotique avec un samedi commencé sous un ciel radieux pour s’achever précocement à la suite d’un violent orage en fin d’après-midi. Ce dernier a ainsi empêché le Rafale Solo Display (RSD) de faire sa présentation ainsi que celle de la patrouille Tranchant et ses Fouga.
Plus tôt dans l’après-midi, la PAF avait également décliné sa présence mais ceci suite à une rare incapacité médicale de son leader, seul pilote du dispositif à ne pouvoir être remplacé. Le dimanche aura été moins marqué par la météo malgré plusieurs passages pluvieux perturbant temporairement le déroulé du meeting. La PAF sera de la partie le dimanche.
Malgré cela, les présentations programmées par le directeur des vols Michel Geindre, commentées par Bernard Chabbert et habillées d’effets sonores par Gilbert Courtois, auront été variées, d’un DC-3 accompagnés d’ailiers sous la forme de CriCri au Lockheed C-130 Hercules magnifiant le tableau Vietnam en passant par la voltige du Bo-105 des Flying Bulls, un Airbus A330 MRTT suivi d’un Rafale, ou encore d’un « Adémai aviateur » par un Piper Cub.
Qu’il s’agisse du Rafale ou des Fouga Magister de la patrouille Tranchant, mais aussi du Dash Q400 de la Sécurité civile, ces appareils ne peuvent évidemment se poser sur la piste en herbe de La Ferté-Alais, étant alors basés à Villacoublay ou à Melun-Villaroche. Aussi, pour limiter fatigue et temps de transport, un avion-taxi sous la forme d’un Robin ou d’un Rallye assure les navettes des équipages concernés…
Ainsi, le Rafale Solo Display bénéficie de cette facilité prévue par l’Amicale Jean-Baptiste Salis (AJBS) pour améliorer la logistique de la manifestation. En 2022, le RSD est le capitaine Bertrand « Bubu » Butin, titulaire pour deux ans tandis que le RSD précédant, le capitaine Jérôme « Schuss » Thoule, est devenu son coach, dont le rôle est de transmettre l’expérience acquise durant deux saisons de présentation.
« Bubu » a été sélectionné en 2002 et a rejoint Cognac pour être formé sur TB-30 Epsilon puis Alpha Jet avant d’être macaroné pilote de chasse en 2005 à Tours. Il est alors affecté à Reims sur F-1CR (2006) puis devient instructeur sur TB-30 à Cognac, participant de 2010 à 2012 à la patrouille Cartouche Doré. 2012 le voit à Mont-de-Marsan avec le Normandie-Niemen et le cockpit d’un Rafale. Après deux escadrons, il est affecté comme instructeur à l’escadron de transformation Rafale “Aquitaine” à Saint-Dizier.
C’est parmi les instructeurs Rafale de Saint-Dizier que sont choisis les pilotes de présentation RSD après un processus de sélection déjà évoqué ici. Après « Tao », « Marty », « Babouc » et « Schuss », c’est donc à « Bubu » de prendre la suite, « Schuss » devenant coach. Ce dernier reste à La Ferté-Alais pour donner les derniers éléments météorologiques, confirmer le type de présentation à réaliser (beau temps ou mauvais temps) et éventuellement guider le pilote durant sa présentation.
Ce dimanche dernier, après le briefing général de tous les pilotes et avoir difficilement traversé la foule à coups de signatures et de selfies, le RSD 2022 a rejoint le parking pour un vol VFR La Ferté-Alais/Villacoublay via le transit Hélico passant dans un couloir délimité par la zone interdite de Paris et la CTR de Toussus-le-Noble, le tout sous PPR validé par l’armée de l’Air et de l’Espace. Une quinzaine de minutes plus tard, le RSD est donc sur le parking de l’Escale de la base aérienne 107.
Un rapide passage aux salles de repos sous la nouvelle tour de contrôle de Villacoublay pas encore opérationnelle, pour retrouver le personnel de l’équipe RSD et un tour de voiture plus tard, les quatre hommes sont au mess de la base pour un rapide déjeuner – léger pour le pilote qui ne souhaite pas digérer pendant sa présentation… Auparavant, un rétro-planning aura été défini avec le « step » à l’avion, la mise en route, le décollage pour être à l’heure précise au point d’attente avant la présentation verticale La Ferté-Alais.
Après le déjeuner, retour à la nouvelle tour, pour un court instant de repos, un dernier contact téléphonique avec le coach pour valider la présentation à venir et aussi un tour d’ascenseur pour grimper au sommet de cette tour de contrôle toute neuve. À partir de ce point de vue permettant sur 360° d’observer toute la partie ouest de la région parisienne, il est en effet possible d’analyser la météo dont le plafond et la visibilité horizontale, un dernier point de visu avant d’aller revêtir la combinaison anti-g.
Quelques instants plus tard, l’équipe part en voiture pour se rapprocher des deux Rafale déjà positionnés sur le parking, à côté de trois Rafale Marine. Voiture laissée au parking à l’entrée du tarmac, il reste une centaine de mètres à parcourir à pied, casque sous le bras. Les deux Rafale sont côte à côte, avec le groupe de parc entre eux. Le monoplace portant la livrée spécifique au RSD – jugée « difficile » par les photographes car ne prenant pas bien la lumière – est l’avion nominal mais en cas de problème technique de dernière minute, il est possible au pilote de basculer rapidement sur le biplace utilisé par le coach depuis Saint-Dizier.
Trois hommes assurent la préparation de l’avion. L’équipe de base au sol, formée de volontaires, est normalement constituée de cinq personnes avec un pistard (assurant la sortie du parking et le retour au poste) et des mécaniciens aux spécialisations complémentaires : Vecteur, Avionique, Motorisation et Pétaf. Ce dernier, en charge en temps « normal » de l’armement, gère les fumigènes. Mais en ce début de saison, les pods sont non montés car non opérationnels, l’équipe RSD attendant de nouveaux pods, d’où l’absence du Pétaf. Le mécano Vecteur étant également qualifié Pistard, l’équipe peut ainsi être réduite à trois.
La visite prévol peut alors débuter, assurée par le pistard, lampe-torche en main, suivi du pilote. Tous les points critiques sont surveillés et validés, des entrées d’air aux freins du train principal en passant par les gouvernes. Puis c’est pour le pilote la répétition mentale de sa démonstration, la « danse » réalisée devant le Rafale, avec une bouteille d’eau posée au sol et représentant le point central du public. La « danse » permet de réviser et de mémoriser le « ruban » avec de régulières rotations de la main droite pour signaler les multiples rotations en roulis agrémentant la série 2022 très dynamique dans ce domaine.
Revenu au pied de l’échelle, le pilote claquera de la main celles des trois mécaniciens, cérémoniel incontournable avant de grimper à bord via l’échelle, suivi du pistard pour assister son installation dans le cockpit. Un dernier message reçu par SMS depuis La Ferté-Alais peut encore intervenir, magie de la téléphonie moderne. Casque sur la tête, contact radio avec la tour, encore quelques instants d’attente avant la confirmation de la mise en route puis c’est la fermeture de la verrière et le mugissement des deux M88 se fait entendre.
Le pistard refait un tour de la machine pour valider que tout est en ordre de marche, un dernier signe de confirmation au pilote que tout est OK et il se place devant l’avion pour l’essai de frein avant de diriger la sortie du parking. Lentement, à petits coups de gaz, le Rafale rejoint le taxiway, avec un dernier salut de la main de son pilote. L’avion roule pour le point d’attente de la 27 où il y aura encore un temps d’attente au sol pour éviter de trop consommer en attente à La Ferté.
Puis on entend les deux M88 monter en puissance… Décollage, prise d’assiette et virage serré de 270° par la droite pour un passage verticale et un battement d’ailes à l’équipe au sol. Le Rafale disparaît à l’horizon… Dans une poignée de minutes, il sera au début de sa présentation, après avoir « intercepté » un BD-5J. La présentation RSD 2022 dure 10 mn avec des vitesses entre 185 km/h et Mach 0.95, sous des facteurs de charge de -3 à +10 g.
Si le Rafale « spare » avait dû être utilisé, il aurait fallu réduire certaines parties de la démonstration car le biplace affiche 300 kg de plus à vide suite au second poste arrière, limitant d’autant la prise de carburant et donc la durée de la démo… Trois types de démonstration sont prévus, la « beau temps » étant la privilégiée évidemment mais avec la nécessité d’un volume vertical important pour placer de multiples figures. L’intermédiaire est limitée par un plafond nuageux tandis que la dernière, par mauvais temps, doit se limiter à de simples passages sans rotation en roulis. Les pilotes ne l’aiment pas car elle ne met pas en valeur l’avion et surtout il faut évoluer dans un volume restreint, donc sous fort facteur de charge et elle est la plus fatigante.
À Villacoublay, pendant ce temps-là, le groupe de parc a été déplacé, le biplace tracté et parqué au fond d’un hangar. Quelques minutes d’attente et un point noir apparaît à l’horizon avant de se transformer en Rafale se présentant en début de vent arrière, train sorti. Quelques signes des bras du pistard et le Rafale RSD est à nouveau de retour à son parking, cales et échelle mises en place. Le pilote descend, claque la main des mécanos avant un court débriefing des conditions de sa présentation. Un dernier passage à la salle de repos pour se changer et ce sera un retour en Robin à La Ferté-Alais, pour rejoindre le stand RSD ou le camion-podium de l’AAE. ♦♦♦
Photos © François Besse / aeroVFR.com