Une menace en croissance ces dernières années, évoquée dans un long rapport du BEA suite à un accident mortel survenu l’an passé en région parisienne.
La menace aviaire est de plus en plus une réalité depuis quelques années. Depuis l’an 2000, le BEA a relevé dans le monde 40 événements impliquant des collisions aviaires avec des aéronefs légers (28 avions, 6 hélicoptères, 4 ULM et 2 planeurs) ayant provoqué le décès de 20 personnes au cours de 6 accidents mortels. En 2016, on a ainsi enregistré trois accidents mortels survenus en Espagne : un TB-20 et un vautour fauve (6 à 9 kg), un DR-400 avec un vautour fauve (5,25 kg) et un 172R et au vautour fauve (6,4 kg). Ces trois collisions aviaires ont entraîné dix décès.
Les avions légers sont certifiés sous la norme CS-23 de l’EASA. Les avions de moins de 10 passagers n’ont pas à répondre à des exigences de résistance face à l’impact d’un oiseau. Pour les appareils de 10 à 19 passagers, le pare-brise et son support situés devant le pilote doivent résister sans pénétration à l’impact d’un oiseau de seulement 0,91 kg (2 livres) à la vitesse maximale… d’approche avec les volets sortis. Un tel impact délivrerait une énergie cinétique d’environ 1.730 joules pour un avion évoluant à 120 Kt. L’exigence réglementaire reste donc basse mais réaliste sauf à « blinder » et donc fortement alourdir la structure.
Ces dernières années, plusieurs collisions aviaires sont intervenues entre des rapaces et des planeurs, ces derniers évoluant à des vitesses plus faibles que les avions en croisière. S’il y a quelques décennies, les vautours étaient bien présents dans les Pyrénées (le BEA espagnol estimé que leur population a dépassé les 100.000 individus), ils ont désormais conquis d’autres territoires, jusqu’aux Alpes où on les croise régulièrement. Il ne faut jamais passer sous un vautour qui, considérant que son ventre est non protégé d’une attaque d’un rapace, replie alors ses ailes et se laisse « tomber » pour échapper à la menace. Un vautour de 5 à 7 kg a déjà ainsi perforé l’aile d’un planeur…
Si des collisions aviaires avec des aéronefs légers ont déjà eu lieu le long des côtes (mouettes, goélands), ou dans les massifs montagneux (Pyrénées, Alpes), le risque existe bien dans les plaines. Un rapport du BEA, récemment mis en ligne, évoque l’accident d’un DR-400/140B survenu en avril 2021. Partant de Lognes pour une navigation triangulaire (Le Touquet, Beauvais), l’équipage composé d’un instructeur et de trois élèves ont subi une collision d’un oiseau sur l’aile gauche de l’avion. Il s’en est suivie une perte de contrôle et la collision de l’appareil avec le sol, entraînant la mort de l’équipage.
L’impact s’est produit au bord d’attaque de l’aile, à proximité de la cassure du dièdre de la voilure. La structure du longeron principal a été impactée mais sans rompre. L’entoilage s’est progressivement déchiré à l’intrados, pouvant avoir des conséquences sur la portance et la traînée. L’oiseau a été identifié comme un Grand cormoran, pesant 2,4 kg pour 1,30 m d’envergure. L’énergie cinétique à l’impact a été estimée à environ 4.600 joules soit « plus du double du seuil prévu par la CS-23 pour des avions de taille plus importante ».
Cet accident est survenu en région parisienne, en Seine-et-Marne, alors que l’appareil achevait sa navigation par un retour à Lognes. Du fait de l’espace aérien dans le secteur, l’appareil se trouvait à environ 1.400 ft pour un plafond de 1.500 ft dû à la classe A. Si les Grands cormorans évoluent généralement à faible hauteur (moins de 30 m) pour s’alimenter au-dessus de l’eau, ils peuvent voler sous 150 m lors de déplacements journaliers mais aussi atteindre de 300 à 1.000 m lors de migrations.
Si un effectif important est constitué d’oiseaux sédentaires, un second comprend les oiseaux migrateurs, transitant par la France pour aller hiverner en Espagne, avec une migration intervenant entre octobre et décembre et un retour entre février et mars. Le BEA indique qu’une colonie est localisée à Trilbardou (77) à 14 km du lieu de l’accident. Sur le territoire métropolitain, depuis les années 1990, la progression des effectifs est importante avec une multiplication par 20 sur près de 30 ans. De 2005 à 2015, les cormorans n’ont pas fait partie des espèces animales impliquées dans des collisions.
Une étude de l’EASA (2009) indique que les risques diminuent avec la prise d’altitude mais plus elles sont génératrices de dommages (vitesse élevée en croisière et non pas faible en évolutions autour d’un aérodrome, oiseaux massifs plus présents en altitude). 34,6% des collisions impliquant des avions légers ont entraîné des dommages, la moitié intervenant au niveau des ailes. Une autre étude indique que 95% des collisions ont lieu sous 2.500 ft.
En cas de collision aviaire, le rapport du BEA indique quelques points à mémoriser : ne pas trop réduire la vitesse en approche car la vitesse de décrochage peut être augmentée, ne pas voler trop vite en pouvant aggraver les dommages, limiter les inclinaisons pour éviter une perte de contrôle, prendre en compte une distance d’atterrissage majorée avec une possible limitation d’utilisation des volets. Un contrôle de la « pilotabilité » de l’appareil peut être effectué en altitude avant l’atterrissage. L’interruption volontaire du vol, hors aérodrome, reste une option possible.
En conclusion, le BEA indique notamment que l’accident du DR-400/140B en région parisienne « met en évident les particularités et les difficultés que revêt la gestion du risque de collision aviaire, notamment en croisière, en aviation légère. Sur la base de la fréquence et de la gravité des événements répertoriés, le niveau de ce risque est évalué comme relativement faible. Sur le plan préventif, ce risque monopolise peu l’attention des pilotes qui y sont, par ailleurs, peu sensibilisés ». CQFD. ♦♦♦
Photo © BEA
Rapport complet du BEA à lire…
AviaireBEA
Le STAC/DGAC a déjà publié une brochure concernant le risque aviaire en France.
Sur ce sujet, aeroVFR a déjà publié les articles suivants :
– Le risque aviaire, une menace à gérer
– Gérer le risque aviaire