Un concepteur pas toujours très connu mis en valeur par la revue Icare.
Pour son numéro 259 (décembre 2021), la revue Icare publie comme à son accoutumée plusieurs articles et un dossier thématique. Les premiers concernent un tour du monde effectué au début de la Seconde Guerre mondiale par un Boeing 314 Clipper et le témoignage d’un mécanicien navigant qualifié sur Lockheed L-1049G aux couleurs d’Air France.
L’essentiel du numéro (100 sur 160 pages) est ainsi consacré à l’ingénieur Yves Gardan dont la carrière a débuté au Service technique de l’Aéronautique (STAé) dépendant du ministère de l’Air, à la Libération. Il a pour fonction de vérifier les dossiers de calcul des aéronefs légers avant la délivrance du certificat de navigabilité. C’est par ce biais qu’il entre en contact avec la Société industrielle pour l’aéronautique (SIPA), créée à la fin des années 1930 par Emile Dewoitine et produisant des Arado durant l’Occupation dont certains deviendront les biplaces d’entraînement militaire Sipa S-10/S-12 de l’armée de l’Air au sortir du conflit.
Répondant en 1946 à un concours lancé par le Service de l’Aviation légère et sportive (SALS, ancêtre de la MALGH/DGAC) pour un biplace motorisé par 75 ch et destiné à relancer l’activité des aéro-clubs, la SIPA propose le S-90 conçu par Yves Gardan, âgé tout juste la vingtaine…
Face à plusieurs concurrents, le S-90 sort vainqueur, développé en S-901 et 903 pour la série. Plus d’une centaine du biplace côte à côte, à train classique et aux formes rondouillardes
verra le jour.
Yves Gardan souhaite voler de ses propres ailes et avec deux partenaires crée alors la société des Constructions aéronautiques du Béarn (CAB). naîtront ainsi à Pau les biplaces côte à côte GY-20 MiniCab et GY-30 SuperCab (une évolution du premier, avec train rentrant), livrés clés en main ou sous forme de liasses de plans. Suite à un accident d’un avion en sortie de chaîne, la société CAB connaît des difficultés et Yves Gardan revient à la SIPA, pour y créer différents avions.
Il y aura le SIPA-200, un mini-Vampire à réaction, plus petit jet à l’époque (avant d’être détrôné par le monoplace BD-5J), un biplace côte-à-côte qui ne parviendra pas à intéresser les militaires pour un avion d’entraînement économique, pas plus que le SIPA-300R, biplace également à réaction mais à disposition en tandem. Les réacteurs installés sur ces prototypes et quelques appareils de pré-série sont trop faibles en poussée pour satisfaire les militaires déjà attirés par les prototypes des Fouga Magister et Morane Fleuret.
Yves Gardan replonge dans l’aviation civile pour concevoir un autre biplace, le SIPA-1000 Coccinelle, qui se veut innovant, très simple, peu coûteux et pour lequel le concepteur vise une série de 1.000 appareils au vu des marques d’intérêt. Mais la SIPA s’intéresse à un marché potentiellement plus lucratif et faute de trouver un constructeur pour assurer la production du SIPA-1000, le programme est annulé au profit du S-1100, un bimoteur d’appui-feu conçu pour répondre au conflit en Algérie. L’accident mortel du prototype en 1958, lors d’une démonstration à Villacoublay, entraînera la fin également de ce programme.
Ingénieur-conseil pour la SNECMA, Yves Gardan monte en parallèle une nouvelle société avec pour objectif de concevoir un quadriplace tout métallique, ce sera le GY-80 Horizon, motorisé par un Lycoming 160 ou 180 ch. Là encore, il recherche la simplicité de la structure, l’interchangeabilité de certains éléments, pour diminuer les coûts de production.
En 1962, Sud Aviation achète la licence mais crée aussi en 1966 une filiale, la Société de construction d’avions de tourisme et d’affaires (SOCATA) qui reprend la gamme des Rallye entrant en concurrence avec l’Horizon. Ce dernier sera finalement produit à 257 exemplaires contre 3.200 pour les Rallye.
Mais Yves Gardan est déjà reparti sur d’autres projets, un 2+2, le GY-100 Baghereera
dont le prototype devra être abandonné en vol par Michel Brandt, lors d’essais de vrilles pour l’autoriser à la voltige élémentaire… De multiples projets resteront à l’état d’études, de plans 3-vues ou d’un unique prototype comme l’ULM GY-120 accidenté dès son premier vol et oublié.
Ainsi, en 100 pages bien illustrées de photos d’époque, Pierre Gaillard, fin connaisseur de l’aviation légère durant les Trente glorieuses, met en lumière les avions conçus par Yves Gardan, disparu en 2009, ingénieur dont les avions ont également participé à l’essor de l’aviation générale en France aux côtés des Wassmer, Mudry, Fournier, Robin… ♦♦♦
– Les avions Yves Gardan et la Sipa, par Pierre Gaillard, revue Icare n°259. 158 p. 20,00 €