Où en est le chantier du Caudron Simoun ?
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Le Caudron Simoun a été conçu en 1934 comme avion de tourisme et de liaison. C’est l’année où Louis Renault est entré dans le capital des Avions Caudron. Le premier Caudron-Renault est ainsi le quadriplace en bois et toile Simoun, motorisé au départ avec 170 ch puis 220 ch. Avec d’excellentes performances, l’appareil servira de monture à de multiples pilotes pour des raids, une pratique très en vogue à l’époque pour montrer l’intérêt de l’aviation – dont notamment Antoine de Saint-Exupéry et son Simoun immatriculé F-ANRY pour ANtoine de Saint-ExupéRY, ou Maryse Bastié lors de sa traversée de l’Atlantique Sud en 1936, ou encore Marcel Doret.
Le Simoun en chantier à Pontoise est un C-635M, version militaire, sorti d’usine le 14 avril 1939, 342e exemplaire d’une série de 500 prévus pour l’armée de l’Air. Il est livré en mai 1939 au Centre de Réception des Avions de Série, servant en janvier 1940 au sein de l’école de pilotage de Fes au Maroc. Il est accidenté au sol à Sétif en janvier 1940. Resté en Afrique du Nord début 1945, il rejoint l’ELA 46 (escadron de liaison) à Rabat jusqu’en mars 1949. Passant de la société Maroc Air Service (Rabat) aux mains d’Yves Kermarec (Safi, Maroc) en octobre 1955, il devient le F-DADY.
Après une visite Veritas en 1961, à Casablanca, son propriétaire en fait don à l’Aéro-Club Royal. L’appareil est finalemnet radié en novembre 1966, abandonné sur le terrain de Safi jusqu’à sa découverte en 1972 par Jean Salis. L’appareil est alors acquis par Jean Blondel, l’un des premiers grands collectionneurs d’avions historiques en France, dont le premier T-6 immatriculé en F-AZ (registre des aéronefs en CNRAC). Gérard Streiff, pilote et cascadeur, accompagné du mécanicien Jean-Marc Bonnay, assure en 1976 le convoyage du monomoteur vers le terrain de Beauvais.
A l’époque, un autre Simoun est en état de vol en France, remis en état de vol par un mécanicien à Roanne à la demande de son propriétaire, Albert Prost. Ce dernier a déjà été propriétaire avant guerre d’un Caudron Simoun alors réquisitionné par l’armée de l’Air, et jamais rendu à son propriétaire. Mais lors d’un vol en local de Roanne-Renaison, Albert Prost trouvera la mort en 2002 aux commandes de son F-AZAM. Au début des années 1980, ce Simoun avait fait l’objet d’articles dans la presse aéronautique française et anglaise, avec en couverture une photo de l’auteur de cet article !
Une première restauration du Simoun de Beauvais a alors été entreprise par la société Valladeau (Guéret) à la demande de Jean Brondel, travaux de menuiserie sur la cellule achevés en 1981. L’Association pour la Renaissance du Caudron Simoun a repris la suite, avec un chantier essentiellement mené par des bénévoles. Depuis un an, les membres de l’association ont la confirmation que techniquement le projet peut désormais être mené à bien, avec l’ensemble des éléments de l’appareil en leur possession, en visant au maximum l’usage de pièces d’origine. Le dernier verrou à lever concernait l’hélice, évoquée plus bas.
Dans le hangar de l’association, sur l’aérodrome de Pontoise, la cellule du Simoun est ainsi complète même s’il reste encore du travail pour effectuer un « roll-out ». L’état des réservoirs n’a pas permis de conserver les originaux et de nouveaux, en tôles de magnésium, assemblées et rivetées, seront réalisés. Un sellier s’occupera de l’aménagement de la cabine sans habillage actuellement.
Le tableau de bord a pu être reconstitué intégralement avec l’instrumentation initiale, selon la planche définie par le constructeur à l’époque. Pour faciliter la mise en place du câblage électrique, valider le boîtier de commandes moteur et des différents équipements de bord, un banc d’essais de la planche de vol a été réalisé dans l’atelier pour éviter de travailler dans l’étroitesse du cockpit – le maître couple du fuselage a été « calculé » au plus juste, avec le siège « copilote » légèrement décalé en arrière du siège « pilote ».
La motorisation proviendra d’un Renault Bengali 6Q tel qu’utilisé sur les Simoun de série. Plusieurs Bengali figurent ainsi dans le stock de l’association, assurant un magasin de pièces détachées si besoin à l’avenir. Faute d’une documentation technique suffisante, il a fallu se réapproprier les techniques de l’époque dans différents domaines, notamment
du côté de la motorisation et de l’hélice à pas variable, mais aussi côtés circuits électriques, équipements de bord…
Pour retrouver ce savoir-faire autour du Renault Bengali 6Q11 et de l’hélice Ratier, l’association a décidé de se faire la main sur un autre appareil partageant le même groupe motopropulseur, un Nord 1002 Pingouin 2 primé au dernier Grand Prix du Patrimoine il y a trois jours. Le Renault 6Q de ce Nord a ainsi été remis en état depuis 2018, tournant au sol ces derniers mois avant mise en vol très prochainement sur le Nord 1002. L’instrumentation en cabine permettra de suivre tous les paramètres du moteur pour un usage ensuite sur le GMP du Simoun.
Dans les détails, s’il s’agit pour les deux aéronefs du même GMP de base (Renault Bengali 6Q), les modèles diffèrent quelque peu avec un sens de rotation différent entre le 6Q11 (Simoun) tournant dans le sens contraire des aiguilles d’une montre vu du cockpit et le 6Q10 (Nord 1002), mais la problématique de la variation du calage d’hélice demeure identique, avec de multiples billes et ressorts entrant dans la composition du système. Le Nord 1002 servira ainsi de banc d’essais volant dont les résultats seront appliqués au Bengali du Caudron, précise Jean-Pierre Chellet qui travaille sur les deux aéronefs.
L’hélice Ratier, à changement de calage par système électrique, est celle utilisée par les Caudron Simoun. Elle a été retrouvée en analysant les photos d’avions dans un musée, avec une hélice installée sur un Nord 1000/Me-208 exposé en statique qui ne correspondait pas à la forme attendue, nous explique Christian Bonnet, impliqué dans la partie « motorisation » du projet. Renseignement pris et le type utilisé sur Simoun étant bien confirmé, elle a pu être échangée contre une vraie hélice de Nord 1000. Cette bipale métallique et son moyeu ont été ensuite radiographiés, le tout validé pour une reprise des vols… Polie à l’extrados, peinte en noir à l’intrados pour éviter les reflets du soleil vers le pilote, elle entraînera prochainement le 6Q11 du Simoun.
Ce dernier portera l’immatriculation déjà réservée F-AZCS (Caudron Simoun). Ainsi remis en état de vol ce Simoun rendra également hommage à Marcel Riffard, aérodynamicien de talent, à qui l’on doit la direction technique des Avions Caudron pour la conception du Caudron Simoun mais aussi des racers dits Coupe Deutsch de la Meurthe. Conçu en 1934, quadriplace en bois et toile pouvant croiser à 280 km/h sur 1.200 km avec son Renault 220 ch, le Simoun demeure de nos jours un bon étalon du niveau technique déjà atteint à la fin des années 1930 et pas toujours obtenu de nos jours… ♦♦♦
Photos © Association pour la Renaissance du Caudron Simoun, F. Besse / aeroVFR.com