Un ouvrage pour tous les pratiquants de l’aviation légère, de l’élève à l’instructeur.
On le sait, à la lecture des rapports du BEA concernant des incidents ou accidents, au moins 80% des causes sont liées à l’opérateur humain, c’est-à-dire le pilote ou l’équipage. Mais pendant des décennies, la formation en France s’est surtout concentrée sur les compétences techniques et non pas les compétences non techniques liées au pilote (gestion de la charge de travail, prise de décision, conscience de la situation, communication). D’où l’arrivée ces dernières années dans le monde de l’aviation générale d’un meilleur formatage de notions en partie déjà connues ou employées mais non diffusées avec méthode, avec les notions de Facteur humain (FH) et aussi de TEM (gestion des erreurs et des menaces).
Pour ceux qui auraient raté certaines notions, cet ouvrage arrive à point. Frédéric Beltran, pilote de ligne, est aussi préparateur mental, formateur CRM (Cockpit Crew Ressources) et Facteurs humains. Mais point ici de texte universitaire à destination des pilotes de ligne mais un contenu s’adressant directement aux pilotes de l’aviation générale, quel que soit l’aéronef léger utilisé (avion, planeur, ULM, hélicoptère).
L’ouvrage s’articule autour d’une vingtaine de chapitres courts, traitant chacun d’une thématique. La structure est à chaque fois la même. En introduction, un extrait d’un incident ou accident réel, souvent issu d’un rapport du BEA. Suivent « quelques mots » pour dégager les notions importantes de cet événement. Les points clés de cette réflexion sont listés alors dans un encadré synthétique. L’application à en faire ensuite est « segmentée » selon le lecteur : élève-pilote, pilote breveté ou instructeur. Un « petit mot de la fin » condense le tout en une phase telle une maxime à retenir.
Sont ainsi passées en revue les notions suivantes : la connaissance de soit (le pilote VFR est en mono-pilote et doit souvent ne compter que sur soi malgré la difficile auto-analyse), les modes mentaux (entre le mode automatique qui fait et le mode adaptatif qui pense…), le stress et la performance (en notant qu’il n’y a pas de « bon » stress), le discours interne (comment disposer de son propre copilote avec notre petite voix qu’il faut savoir écouter), savoir gérer ses émotions (partie intégrante de notre fonctionnement et pouvant impacter la prise de décision).
Mais c’est aussi l’identification des signaux faibles, travailler son attention, connaître les limites de notre zone de confort, évaluer son estime de soi et faire attention à l’ego, savoir rebondir sur les erreurs inévitables avec résilience, comment réagir après un « effet de surprise », connaître les pièges des biais cognitifs,etc.
L’auteur propose plusieurs outils à utiliser pour améliorer ses performances, parfois aussi simple que la gestion de sa respiration, ou l’explicitation pour mieux analyser une situation non souhaitée, mais aussi l’imagerie mentale consistant, en amont, à vivre les situations à venir pour être mieux préparé dans le « feu de l’action », comme les voltigeurs répètent leur programme au sol avant de monter dans leur machine.
A chaque fois, des recommandations pratiques sont faites, des conseils professés aux différents niveaux de pilotes visés. Les « lacunes » possibles de l’organisme humain sont précisées afin d’être plus vigilant. Après le balayage de toutes ces notions, une compilation de tous les points clés est proposée avant une compilation de tous les conseils destinés aux instructeurs dans chaque thématique, pour que « l’instructeur fabrique de la sécurité ».
Pour résumer l’ensemble, le dernier chapitre propose un « tableau de bord des facteurs humains » à utiliser par tout un chacun. L’instrumentation est basée sur tous les thèmes évoqués précédemment. Au passage, on aurait apprécié que les rares illustrations soient moins sombres et traduites en français… Plusieurs scénarios montrent l’utilisation de ce tableau de bord avec les alarmes pouvant s’allumer.
Les annexes ne sont pas à négliger. Après quelques tableaux de statistiques du BEA sur l’accidentologie, l’auteur aborde d’autres pistes de réflexion : la sécurité, comment la construire ? Avec le passage des FH aux FOH afin d’intégrer l’Organisation, soit le club, DTO ou ATO, au niveau de la prise en compte en interne de la sécurité, la place de cette dernière, la capacité à se remettre en cause, les actions mises en place comme les Rex pour que la sécurité « soit dans l’ADN de la structure, depuis la formation jusqu’à l’environnement de l’activité ».
Quelques pages abordent la neurologie du pilote, avec son cerveau, l’attention, le stress, le circuit de la récompense, dessiner son auto-portrait sans et avec stress pour réfléchir sur soi. Une bibliographie est proposée pour creuser certaines notions et toujours apprendre même si cela demande du temps et des efforts.
Ainsi, en 200 pages qui se lisent sans difficulté, tout pilote peut mieux comprendre les bases du fonctionnement humain, avec quelques notions de neurologie et de psychologie utiles à la pratique du pilotage, des notions non quantifiables mais importantes au vu de la lecture « souvent déprimante » de rapports du BEA, car si « un avion est une concentration de physique de mécanique et de mathématiques », le pilote n’est qu’une « concentration de biologie, de chimie et une immense quantité d’inconnues ».
Lecture recommandée pour tous ! ♦♦♦
Photo © F. Besse / www.aeroVFR.com
– Le pilote, acteur de sa sécurité. Le facteur humain, du pilote à l’instructeur, par Frédéric Beltran, Ed. Cépaduès. 200 p. 24,00 €