Remise en état de vol d’un N-1203 Norécrin unique par sa motorisation.
Le dossier de ce Norécrin a été déposé par Gilbert Michel, un ancien de l’armée de l’Air (Mirage IIIE et 2000N et D) qui a décidé de remettre en état de vol le « meilleur avion de tourisme des années 1950 » quand il sortait des chaînes d’assemblage de la Société nationale de constructions aéronautiques du Nord (SNCAN). Avec un prototype biplace mis en l’air à la fin 1945, concept transformé rapidement en tri puis quadriplace, le Norécrin sera construit à 378 exemplaires de 1947 à 1958. Les différents modèles sont principalement motorisés par un Régnier de 140 ou 160 ch. À train rentrant, pouvant parcourir 1.000 km à 250 km/h, le N-1203 Norécrin a établi un bon standard au sortir de la guerre.
Gilbert Michel a récupéré un Norécrin un peu spécial, désigné N-1203M1, M pour Robert Milcent, un précédent propriétaire qui a décidé en 1974, peu après l’avoir acquis au Maroc (CN-TEA, ex-F-BEQG), de remotoriser son appareil avec un Lycoming O-360 de 180 ch accouplé à une hélice à calage variable Hartzell. La transformation du n°143, sorti de la SNCAN en avril 1948, améliore l’exploitation avec un moteur connu, fiable tandis que les moteurs Régnier vont être arrêtés de production. Mais Robert Milcent a ajouté d’autres améliorations : électrification du train rentrant, allégement du train avant, réservoir central supplémentaire de 100 l, modernisation de la planche de bord, etc.
Cette transformation du Norécrin imposera son passage par le Centre d’essais en vol à Istres, en août 1976, pour obtenir un CDN Spécial. Le M1 est ainsi immatriculé F-BNGS en avril 1978. L’appareil sera revendu en 1980 avec moins de 1.000 heures de vol. En décembre 1981, basé à La Réole, l’appareil subit les inondations de la Garonne. Entièrement démonté, stocké dans une grange, il est radié du registre début 1996. C’est seulement en 2018 qu’il retrouve un nouveau propriétaire qui le récupère en pièces détachées fin décembre.
Gilbert Michel crée un atelier dans son jardin, sous la forme d’un hangar de toile, avant de s’attaquer à la remise en état après inventaire, collecte de documentation et identification des éléments recouverts par la poussière depuis des décennies. Si certains éléments sont quasi-neufs, d’autres sont dégradés ou « dans leur jus », voire inexistants. Après un passage par l’Espace Air Passion pour la documentation et des conseils, plus de 2.200 heures de travail seront investies avec un chantier établi sur 24 mois selon un découpage précis de chaque phase.
Ainsi, se sont succédé nettoyage, décapage, inspection, contrôle, apprêtage, peinture, décoration, préréglages. Dans l’esprit de Robert Milcent visant à améliorer l’appareil, des freins modernes (Béringer) ont été retenus. Les gouvernes ont été réentoilées, les parties transparentes remplacées, les circuits carburant et électrique reconçus selon les standards actuels. L’avionique a fait de même avec VHF 8.33 et transpondeur.
Le moteur original, monté en 1973, bien que correctement traité et stocké après sa « noyade » a été jugé non récupérable. Un autre Lycoming a pris sa suite, révisé et repeint. L’hélice a subi une RG complète chez un spécialiste. Les capots moteur ont été revus. Le puzzle a été entièrement achevé mi-2020 avant la mise en croix, suivie de deux mois de vérifications, réglages des trains et des commandes, pesée, traitement administratif du dossier CDNr, etc.
Son propriétaire, après laissez-passer de l’OSAC, a effectué le nouveau « premier vol » le 17 octobre à partir du terrain du Plessis-Belleville.
Trois vols d’essais seront suffisants pour valider l’ensemble des systèmes et le comportement de l’appareil dans toutes les phases de vol. Le certificat de navigabilité sera ainsi obtenu en novembre. ♦♦♦
Photos © Gilbert Michel