Autre dossier au GPP 2021, celui d’un Douglas DC-3/C-47/C-53 au passé historique.
Ce dossier de candidature au Grand Prix du Patrimoine 2021 de l’AeCF a été déposé par Hugues Duval, président du Musée aéronautique de Bretagne (MAB, Rennes-Saint-Jacques). Faut-il encore présenter le Douglas DC-3 (Douglas Commercial n°3), l’avion qui révolutionna le transport aérien en reliant de nuit la côte est à la côte ouest des Etats-Unis. Le prototype a pris l’air le 17 décembre 1935. Avec son train rentrant, ses moteurs bien carénés (capots Naca), ses ailes sans haubans, il intéresse les compagnies aériennes mais l’entrée en guerre des Etats-Unis fin 1941 va réorienter sa carrière.
Le C-47/C-53 (sa désignation militaire) va être sur tous les fronts, pour différentes missions, de la logistique au transport de troupes, du largage de parachutistes au remorquage de planeurs de débarquement. Après la Seconde Guerre mondiale, le DC-3 va retrouver le chemin des missions civiles, permettant à de nombreuses compagnies aériennes dans le monde de reprendre une activité avant l’arrivée de “propliners” plus puissants, des Douglas DC-4 et 6 aux Lockheed Constellation et Starliner. Ceux-ci seront rapidement balayés du marché par l’arrivée de la propulsion par réaction et notamment le Boeing 707. Mais 85 ans plus tard, le DC-3 est toujours là, avec de multiples exemplaires encore en état de vol dans le monde.
Le C-53 du MAB est sorti des chaînes d’assemblage de Douglas à Santa-Monica, Californie, en juin 1943, traversant aussitôt l’Atlantique pour rejoindre le théâtre d’opérations méditerranéen en août suivant. Le C-53 Skytrooper est prévu pour le transport de troupes et de blessés, donc sans porte de soute. Affecté au 52nd Troop Carrier Wing, il participe dans la nuit du 13 au 14 septembre 1943 à l’opération Giant, parachutant les hommes de la 82nd Airborne Division près de Salerne. À la mi-août 1944, il est en France, posé sur l’aérodrome temporaire A22 près de Colleville-sur-Mer, avec pour mission de rapatrier des blessés.
Toujours en 1944, pour l’opération Repulse sur Bastogne, il décolle le 27 décembre de Châteaudun en remorquant un planeur Waco CG4-A afin de ravitailler la 101st Airborne Division lors de la bataille des Ardennes. En arrivant sur la zone de largage, l’appareil est touché par la Flak, l’aileron et le volet gauches endommagés. Son équipage est composé de Phil Hecker, pilote, et B. Simmons, copilote. L’appareil est alors baptisé Gruesome (l’affreux, l’horrible, le terrifiant…). La légende raconte qu’au retour de cette mission, les mécanos ont demandé pourquoi l’équipage n’avait pas abandonné l’avion…
Après-guerre, sa carrière s’oriente vers le civil et ce DC-3 est acquis en août 1949 par le célèbre Howard Hughes, patron de la Trans World Airlines (TWA). Les années suivantes verront ce bimoteur transformé en avion VIP pour Volkswagen (1966) aux USA (immatriculation N163WW !), puis travailler pour une compagnie pétrolière (1968), Air Americana (1974), North American Airlines (1981) et enfin Air Dakota (1996). Après un passage par Melun-Villaroche, il a rejoint depuis la collection du futur Musée aéronautique de Bretagne.
Sa remise en état complète a été assurée par les bénévoles du musée avec l’aide de nombreux mécaniciens et pilotes français et américains passionnés par cet appareil et partageant leur connaissance de la machine. La restauration s’est faite après consultation de la documentation technique aux Etats-Unis, pour retrouver les schémas techniques d’époque. Sur de nombreux systèmes, l’historique et les évolutions de l’appareil ont pu être retracées pour garantir une restauration précise, tout en mettant le bimoteur au standard actuel les équipements liés à la sécurité es vols (électricité, détection incendie) et en validant la structure.
Un tel chantier s’avère de taille, avec un avion de près de 12 tonnes et 30 m d’envergure, avec des nacelles à plus de 4 m du sol pour intervenir. Les travaux ont été menés dans les règles de l’art, dans les détails (circuits, équipements d’époque, mécanique) après des contacts pris avec diverses associations aux Etats-Unis ou encore avec l’équipe du DC3 SNAFU (Merville). Le chantier a compris la révision des moteurs soit 28 cylindres en étoile avec 56 bougies à changer… Avec un tel engin, les chiffres grimpent rapidement : des kilomètres de câble électrique à passer dans la structure, 29 m d’envergure a aérogommer avant peinture, des raccords Karman d’emplanture de 6 m de long, 22 sièges en cabine à remettre en état…
Le chantier a compris le traitement anti-corrosion de toute la cellule, intérieur et extérieur, des travaux de chaudronnerie, le remplacement de toute la visserie et des planchers de fuselage, la restauration de la cabine et du cockpit avec remise en état des instruments, de l’éclairage, des extincteurs et circuits associés sans oublier des équipements imposés par la réglementation actuelle car ce Douglas n’est pas prévu pour de l’exposition statique mais bien pour retrouver la troisième dimension, qui plus est avec des passagers à bord pour partager cette page d’histoire.
1.200 pages de manuels ont dû ainsi être rédigées pour permettre son utilisation avec du public à bord, pour respecter la réglementation en matière d’entretien, de formation et d’exploitation (19 passagers) en vue de l’obtention d’un Certificat de transporteur aérien (CTA). En attendant, l’appareil a rejoint la flotte du futur Musée aéronautique de Bretagne et devrait participer l’an prochain à des meetings et grands rassemblements. Ce chantier a reçu le soutien d’Air France, Zodiac, Vinci Airport, la région Bretagne, l’OSAC, la DGAC et des stagiaires et bénévoles de France et des Etats-Unis.
Sa décoration – tendance Olive Drab – est celle portée en 1944, quand l’avion se trouvait sur le sol français peu après les opérations de Débarquement sur les plages normandes. Tout a été respecté en fonction des photos, dessins et plans de peinture d’époque, avec notamment une transition floue entre les différents tons, des bandes de Débarquement peintes en laissant les marques des pinceaux et brosses car dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, ces marques d’identification ont été réalisées par les mécaniciens dans l’urgence, sans finesse. Il s’agissait de bien différencier les avions alliés des avions allemands. Ainsi, par sa décoration, ce Douglas est aux couleurs exactes qu’il portait à l’été 1944. ♦♦♦
Photos © Musée aéronautique de Bretagne (MAB).